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Puis-je me surprendre moi-même?

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Par   •  30 Janvier 2018  •  Dissertation  •  2 059 Mots (9 Pages)  •  1 540 Vues

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Par définition, le mot « surprendre » revient à prendre quelqu’un sur le fait, découvrir ce qu’on n’aurait pas voulu qu’on voie, qu’on connaisse, s’émerveiller de quelque chose d’inattendu, d’inconnu.  Je suis un sujet (du latin sub, « dessous », et jectum « jeté »), un être libre, conscient et maître de moi-même.  Cette notion recouvre alors la capacité d’un individu d’avoir conscience de lui-même et de son identité.  Ainsi, je peux me surprendre moi-même pendant dans lesquelles j’agis naturellement, sans y penser, mais pourtant avec une vigilance inaccoutumée.  C’est ne plus rien savoir sur soi et, soudain, se laisser surprendre par soi-même.  Bien à l’abri dans les frontières de notre moi, nous savons qui nous sommes et comment nous comporter en fonction des situations codées, répertoriées qui peuvent se présenter.  

Mais que se passerait-il si je me surprendrais moi-même, si je sortirais de ces frontières ? Comment pourrais-je me prendre comme objet de mon propre étonnement ?

Nous verrons dans un premier temps qu’une maitrise de soi peut admettre une conscience de soi, ce qui nous empêcherait de nous étonner nous-même, et deuxièmement, qu’en dépassant mes propres limites, mes préjugés, il se pourrait que je me surprenne moi-même et qu’en enfin, tout cela n’est rien d’autre qu’un des enjeux de notre essence.  

Tout d'abord, je peux me connaître moi-même car j'ai conscience de moi grâce à la transparence de ma pensée, qui me permet de savoir exactement ce à quoi je pense au moment où je le pense.   Ci-faisant, je nie la possibilité de m’étonner moi-même, dans la mesure où, je me connaît tel que je suis.  Ainsi, pour le philosophe et mathématicien français du XVIIème René Descartes, l’homme s’identifie totalement à sa conscience : pas de part obscure, car l’homme suit ses propres pensées.  Par conséquent, à travers le cogito (première vérité issue du doute cartésien), c’est-à-dire la preuve exacte de l’existence humaine, il affirme que tout ce qui se passe en moi m’est accessible : c’est pourquoi je ne peux me mentir, me tromper.  Au contraire, je peux me connaître moi même de façon complète.  L’homme est alors une res cogitans (« chose pensante »).  D’après les Principes de ma philosophie, Descartes écrit : « Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ».  L’homme s’identifie à sa pensée, et sa pensée lui est pleinement accessible.

Deuxièmement, on peut chercher des moyens permettant à la conscience d’atteindre une plus grande objectivité.  Hegel distingue ainsi deux façons d’acquérir la connaissance de soi-même et de se contempler intérieurement : l’une théorique, en s’interrogeant sur moi-même à travers la réflexion ; l’autre, pratique, consistant à se voir à travers ses actions sur le monde qui nous entoure, que l’on à travers notre image.  Par exemple, les artistes se voient à travers leurs œuvres.  Ainsi, même sans jamais saisir notre Moi, nous pouvons nous connaître, et si nous nous connaissons, c’est que nous ne pouvons pas nous surprendre nous-mêmes.

De plus, je peux chercher de me définir moi-même en tant que sujet.  Si faisant, grâce à l’introspection (du latin specto, « regarder », et intra, « à l’intérieur »), je suis en mesure de me mettre à distance de moi-même, de « regarder à l'intérieur » de moi, par une forme d'attention portée à mes propres sensations ou états, de me contempler intérieurement, comme face à un miroir.  Ainsi, dans ses Confessions, Rousseau croie en la possibilité de cette entreprise, il en fait un exercice exemplaire et orgueilleux, le mettant quasiment au-dessus des autres hommes, en niant donc encore une fois la possibilité de me surprendre moi-même.  

Cependant, si le sujet pensant n’a pas d'autre réalité acquise avec certitude que lui-même, c’est-à-dire qu’il représente sa seule véritable réalité, il vit dans le solipsisme.  Le sujet nécessite la présence d’autrui.  Par exemple, dans son île, Robinson Crusoé (écrit par Daniel Defoe) a un sentiment de déshumanisation, sa perception du monde est affectée par l’absence d’autrui. Le solipsisme est ici donc un danger, qui représente l’absence d’altérité.  Quand un autre sujet me prend pour objet, je prends conscience de moi-même, car le regard d’autrui fait la médiation entre le Je, sujet, et le moi-même, objet.  Ainsi, d’après Jean-Paul Sartre, « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même » : le regard d’autrui m’objectivise et cette objectivisation permet de me découvrir.  Plus particulièrement, Sartre analyse l’expérience de la honte, en la qualifiant de « reconnaissance de soi ».  Effectivement, lorsque je commets un acte honteux, je ne peux pas me voir extérieurement tel que je suis, car je suis pris dans mon acte.  Toutefois, si je suis surpris dans cet acte par le regard d’autrui, je me vois moi-même tel que je suis.  Ainsi, je me « reconnais », dans le sens où je me vois tel qu’autrui me voit.  

Je me découvre en tant que sujet à travers le cogito, que ce soit pratique ou théorique, qui fait du sujet humain un sujet « souverain », maître de ses pensées et garant de la connaissance.  Cependant, ai-je pleinement conscience de moi-même ?  La conscience permet-elle vraiment de nous connaître ?  Sommes-nous condamnés au doute et donc à nous surprendre nous-même continument ?

Que se passerait-il si le Moi n’était qu’une illusion ?  Si la pensée de Descartes serait fausse ?  Le philosophe écossais David Hume considère qu’en réalité, nous ne pouvons pas avoir conscience de notre moi, car nous ne sentons pas son existence ni sa continuité et nous ne pouvons pas davantage être certains de son identité.  En effet, pour lui, nous ne saisissons de nous-même que des états variés et changeants.  Il n’y a pas de certitude absolue et définie, ce qui définit son attitude sceptique.  En effet, le moi se définit par une constance qui supposerait que l’on ait toujours les mêmes impressions.  Il devient ainsi possible de douter de la réalité de notre moi.  Pouvons-nous dire qui nous sommes ?  Notre conscience ne saisit peut-être pas notre moi, mais des états fugitifs, confus, changeants. De même, Nietzsche reprend la pensée de Hume et va plus loin.  Sa thèse s’attaque à la tradition philosophique, en considérant l’existence d’un moi, d’un je comme une illusion.  Nous sommes prisonniers du langage, une « certitude immédiate ».  Pour lui, affirmer que l’acte de penser est l’opération d’un sujet c’est raisonner selon une habitude grammaticale ; en effet, pour tout verbe, il faut un sujet.  Donc, il se pourrait que la croyance en l’existence du je nous vienne du langage.  C’est une mise en question radicale du sujet, nous ne sommes pas maitres de nos pensées, nous sommes mêmes constitués par des pensées qui sont extérieures.  Or, qu’est-ce que le moi, par-delà ses apparences changeantes ?  Nietzsche critique ainsi les idées métaphysiques dont nous ne pouvons avoir aucune expérience.  Si ceci serait le cas, comment pouvons-nous dire que nous nous connaissons ?  De ne pas pouvoir nous surprendre nous-mêmes ?  

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