Peut-on échapper au temps ?

Introduction

Cela-a-t-il un sens de vouloir échapper au temps? A partir de quand peut-on dire que telle chose à un sens? Plus précisément encore, qu’est ce qu’un sens? Car il s’avère très difficile de rechercher le sens du mot sens. Ainsi on parlerait de sens pour dire est-ce raisonnable, sensé de vouloir échapper au temps? Puis, il faudrait chercher la cause. Pourquoi est ce qu’on devrait échapper au temps? En admettant que cela ait un sens, le bonheur pourrait être la cause de cet échappatoire. En effet l’homme recherchant la plénitude, l'allégresse, la béatitude et le bien-être se réfugie dans la facilité et ne trouve rien de mieux que d'esquiver le temps. Est ce réellement la bonne solution? N’y aurait-il pas une expérience d’affrontement du temps présent?

I/ échapper au temps: c’est sensé. Permet d’atteindre le bonheur

L’homme qui désire vivre dans une plénitude, dans un bonheur constant, perpétuel n’est-il pas un homme sensé? Quel homme aimerait vivre dans le malheur? Car enfin vouloir toucher le bonheur chaque instant d’un peu plus près n’est-ce pas vouloir échapper au temps? Retarder toujours plus la fin désolante de l’homme? Les organes vitaux, l’atome ne sont-ils pas programmés pour s’anéantir?

On pourrait penser que le bonheur consiste à assouvir ses désirs et ses besoins. Or dès qu’un désir est assouvi on cherche à en rassasier un nouveau. Cette quête se révèle donc sans fin. Le bonheur ne nous échapperait-il pas? Ne serait-il pas capable de nous filer entre les doigts?

Ainsi vouloir vivre dans un bonheur permanent impliquerait de vivre dans un passé et/ou un avenir. En effet, les projets deviendraient des désirs. La nostalgie des moments de bonheur que nous avons vécu ultérieurement. Ces deux combleraient notre esprit tout entier.

Pour accroitre la réflexion il faudrait se demander par quels moyens nous arriverions à vivre dans le temps passé et dans le temps futur. L’imagination et le souvenir restent des sources sûres dans la mesure du possible. Parfois, les souvenirs malheureusement ont besoin d’être ravivés.  Alors l’homme arrête le temps par l’intermédiaire des films, des photos, des enregistrements.

Alors que Proust mange une madeleine, son goût fait soudain ressurgir celui des madeleines de son enfance et par extension, toute son enfance. La madeleine est le détail, la cause qui renoue avec le passé et fait ressurgir les souvenirs. Ce moment de grâce de l’épisode de la petite madeleine de Proust permet de se délivrer de l’ordre journalier du temps.

Malgré cette quête, cette rêverie ne reste t-elle pas illusoire? Le rêve en soi nous apporte le bonheur mais n’est-ce pas un non-sens?

II/ échapper au temps: c’est insensé, l’homme est-il fait pour vivre dans un monde illusoire?

L’homme est-il programmé pour vivre dans un monde illusoire? Ainsi vouloir échapper au temps n’est-ce pas totalement insensé?

Tout d’abord, l’homme est absolument impuissant par rapport au temps. En effet le temps est irréversible, irrévocable, on ne peut pas revenir en arrière, revivre l’année précédente. Au contraire je ne fais que m’éloigner de ces années passées et le souvenir évolue, se transforme.

Le temps emporte tout comme le montre Héraclite : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Ainsi l’homme ne peut rien faire pour échapper au temps, à la fin tragique et fatale.

Alors donc les moyens vus précédemment pour échapper au temps et prolonger le bonheur ne seraient que des armes factices et nous causeraient en retour bien des maux. A savoir que les expériences qui m’orientent vers l’avenir causeraient une attente cruelle, une frustration et le temps objectif que décrit Bergson ne pourrait pas aller plus vite et combler cette torture de l’attente. En outre si cela était possible, serais-je plus heureux? Car cela voudrait dire que j’abrègerais ma vie comme l’écrit Jankelevitch : « Comment des années si courtes se fabriquent-elles avec des journées si longues?» Par opposition, les expériences qui mettent en jeu mon passé provoqueraient les remords, le désespoir, le regret. Aurais-je dû faire cela? Cependant l’homme se construit de ce qu’il a fait.

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