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L'énergie spirituelle - Bergson

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Par   •  27 Avril 2016  •  Commentaire de texte  •  3 202 Mots (13 Pages)  •  4 439 Vues

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         Ce texte est extrait de « l’énergie spirituelle » de Bergson. Celui-ci y donne sa vision sur la signification de la vie. Ainsi, la thèse du texte est que la joie est la manifestation d’une réussite de la vie, dont le but est la création de soi par soi. Le texte a 3 articulations. La première partie, de « Les philosophes » à « triomphal » (ligne 1 à 7), annonce que la joie est le signe naturel de la réussite de la vie. Les 13 lignes suivantes (de « or, si » à « avoir réussi »)  nous indiquent que joie et création sont intimement liées. Les dernières lignes font la synthèse, sont la conclusion logique des deux idées précédentes. Puisque la réussite de la vie est due à la création, signalée par la joie, le but de la vie humaine est la création de soi par soi, c’est-à-dire l’enrichissement personnel de chaque homme. Mais, quelle est la destination métaphysique de l’homme? Telle est la question philosophique traitée par H. Bergson dans ce texte. Selon lui, créer est ce pour quoi nous sommes destinés; et c’est la nature elle-même qui nous l’indique pour peu que nous y prêtions attention. En effet, nous explique le philosophe, c’est par un signe tout à fait naturel que l’homme peut être renseigné sur le véritable sens de son existence et sur sa propre destinée; ce « signe » c’est tout simplement le sentiment de « joie ». N’est-ce pas la joie qui nous indique que « la vie a réussi »? Et ne trouvons-nous pas justement que « partout où il y a joie il y a création »? La thèse bergsonienne, selon laquelle le sentiment de la joie est le signe qui indique ce pour quoi nous somme faits, présuppose ainsi, que l’affectivité (joie, tristesse, angoisse…) n’a pas simplement un sens psychologique, sens que nous lui donnons ordinairement, mais atteint une véritable dimension métaphysique en ce qu’elle est susceptible de nous renseigner sur le sens de notre propre destinée. C’est cette idée qu’il nous faudra discuter après avoir analysé précisément cet extrait en suivant l’ordre d’exposition des idées de son auteur.

         Bergson part d’un constat d’échec des philosophes qui n’ont pas pu répondre de façon satisfaisante à l’essentielle question de la destination métaphysique de l’homme étant donné qu’ils n’ont que trop peu considéré les indices fournis par la nature elle-même: « les philosophes, dit-il, qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même ». Les philosophes n’auraient donc pas vu l’évidence, s’en seraient même éloignés préoccupés qu’ils étaient par leurs rationalisations. Bergson adresse, là, à ses pairs, une sérieuse et sévère critique. « La signification de la vie » en général, c’est-à-dire le sens de l’existence, de l’ensemble des activités et des événements de tous les êtres, et « la destinée de l’homme » en particulier, c’est-à-dire la finalité et le sens de l’existence humaine, sont objets de réflexion en philosophie. Il appartient donc à Bergson de leur ouvrir les yeux et de leur montrer, et de nous montrer, ce révélateur: « la nature ». Ici, le terme « nature » doit être entendu comme l’ensemble de tout ce qui existe, des choses visibles, en tant que milieu où vit l’homme. Cette nature, selon notre philosophe, nous renseigne spontanément en ce qui concerne cette destinée. Elle nous éclaire. Elle nous informe elle-même. Elle nous avertit en nous donnant des renseignements. La clef du problème de la destination métaphysique de l’homme appartient donc à celui qui sait voir, regarder et lire la nature. On pourrait dire, en somme, que Bergson accuse ses pairs de cécité. Mais quel est ce renseignement précieux que nous offre la nature? « La nature nous avertit, nous dit l’auteur, par un signe précis. », « Ce signe est la joie. » Cela signifie-t-il que nous avons trouvé, là, « la signification de la vie » et « la destinée humaine »? La joie est-elle la réponse à notre problème? Assurément non! Elle est bel et bien la clef du problème, celle qui ouvre les portes de la difficulté, laissant entrevoir la solution, ce pour quoi nous sommes faits. En effet, si la joie est signe, elle ne peut être signe d’elle-même. Le propre d’un signe est en effet de signifier autre chose que lui-même, ce sans quoi il se nierait comme signe. Comme si un panneau routier s’indiquait lui-même! Un signe ce n’est pas autre chose qu’une chose perçue permettant de conclure à la vérité d’une autre chose, à laquelle elle est nécessairement liée. Par exemple, la fumée est signe de consumation; c’est d’ailleurs pour cela que l’on dit qu' »il n’y a pas de fumée sans feu »! Un signe est donc l’indice, la marque, l’expression, la manifestation d’autre chose. Autrement-dit encore, un signe est un symptôme. En un mot, un signe est un élément permettant de reconnaître une autre réalité. Nous possédons, par conséquent, dit Bergson, un indice qui représente, en quelque sorte, l’annonce que ce pour quoi nous sommes faits est atteint, que ce qui nous est donné (ce qui nous est destiné) est réalisé (nous sommes arrivés à destination). Cet indice, qui, selon l’auteur, n’a généralement pas été remarqué par les philosophes, permettant de dire que nous avons atteint ce à quoi nous sommes promis (finalité), est la « joie ». Voilà comment Bergson lie la joie à la destination métaphysique de l’homme. La joie peut être définie comme une émotion particulière qui se distingue des autres émotions en ce qu’il s’agit d’une émotion agréable; en ce sens, on peut donc dire que la joie se rapproche du plaisir. Cependant, la joie semble être plus profonde. En effet, la joie semble être plus qu’une simple émotion, et nous dirions plus volontiers, pour être plus précis, qu’il s’agit d’un sentiment. La joie serait donc un sentiment global ressenti par toute la conscience. Ne dit-on pas « être inondé de joie »? Mais, cette définition demeure insuffisante car des sentiments comme la tristesse ou l’angoisse sont aussi ressentis par la totalité de la conscience. Etre angoissé c’est être monopolisé par cette angoisse. Disons que la joie est un sentiment exaltant, vivifiant, stimulant, en ce qu’elle est agréable, alors que l’angoisse est un sentiment déprimant. On peut donc définir cet état affectif global, de caractère agréable qu’est la joie, comme un sentiment total de satisfaction du sujet conscient, sentiment qui se manifeste par l’exaltation, voire l’exubérance. Cependant, pour être complet et plus précis encore, plus qu’un sentiment qui s’exprime par l’exaltation, le sentiment de joie se manifeste plus fondamentalement et plus profondément par la paix intérieure et la sérénité de l’esprit. Ainsi, Bergson définit la joie à partir de ce qu’elle n’est pas, afin de bien nous faire saisir son essence. Selon lui, la joie, sentiment de plénitude, se distingue du plaisir: « Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. » Cette distinction est essentielle selon lui. Qu’est-ce que le plaisir à côté de la joie? Si ce n’est, certes, un état affectif agréable, un sentiment de satisfaction, mais d’une qualité et d’une densité bien inférieures à celles que détient et possèdent la joie. D’autre part, nous avons précédemment définit la joie comme sentiment ressenti par la totalité de la conscience; le plaisir, lui, et c’est bien ce que semble dire Bergson, est un bien-être essentiellement d’ordre sensible, corporel. C’est là, semble-t-il, une distinction essentielle. Mais, il ne s’agit pas de penser que Bergson déprécie le plaisir du corps au profit de la joie de l’âme. Non pas du tout, il va nous montrer que le plaisir tout comme la joie est signe, indicateur. Le plaisir a une fonction dans l’ordre naturel. C’est dire que, pour notre philosophe, l’affectif joue un rôle très important qu’il ne convient pas de négliger si l’on veut saisir la destination métaphysique de l’homme; il prend lui-même une dimension métaphysique. Or, la distinction que nous venons de mentionner se place sur le plan simplement psychologique. Bergson, quant à lui, va bien plus loin, et voilà ce qu’il dit du plaisir: « le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie; il n’indique pas la direction où la vie est lancée ». Il veut ainsi dire que le plaisir est un moyen habile et ingénieux inventé par la nature. On peut remarquer que c’est, dans ce texte, la seconde fois que l’auteur emploie ce mot « nature ». Et ici, il précise ce qu’il faut entendre par nature. Si la nature a inventé le plaisir dans le seul but que l’être vivant survive, la nature est alors définie comme l’ensemble de tout ce qui existe, comme nous l’avions noté précédemment, pour que l’être vivant puisse conserver et perpétuer l’ensemble des forces qui le maintiennent en vie, ou, ce qui revient au même, qui résistent à la mort. Autrement-dit, selon Bergson, le plaisir n’est pas quelque chose de gratuit, n’est pas un don, mais une « astuce » qui sert la vie elle-même. Le plaisir manifeste uniquement la réalisation d’un acte vital. A ce caractère restreint du plaisir s’opposent la fonction globale et la finalité de la joie. Le plaisir ne donne pas à voir un but ou une intention; il possède un sens plus mécanique que la joie, qui correspond à une orientation et à une finalité. Pour Bergson, le plaisir est statique alors que la joie est dynamique; et c’est bien ce qu’il montre dans cette opposition: alors que, le plaisir « n’indique pas où la vie est lancée […] la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire ». Et il ajoute que « toute grande joie à un accent triomphal. » On comprend que ce que veut nous dire Bergson c’est que nous, hommes, nous ne sommes pas faits simplement pour survivre, conserver notre être propre et notre espèce; il y a plus, et bien plus, et c’est ce qui fait la spécificité de l’homme, nous sommes faits pour vivre, plus exactement pour inventer la Vie. La vie qui gagne du terrain, qui remporte une victoire, c’est une vie qui s’invente. Et si nous triomphons, c’est parce que la poussée de vie s’est accrue. On comprend ainsi la métaphore militaire, telle une armée qui a décidé de ne pas camper sur ses positions, et qui a ainsi entamé une percée et qui poussée par son élan collectionne les conquêtes et les victoires, la vie qui va de l’avant, la vie qui s’invente, l’emporte sur l’inertie d’une vie qui ne cherche qu’à se conserver. Notre joie est le signe d’un puissant élan vital, d’une invention de vie ; elle est le signe que l’élan vital  à l’emporte, contre la mort et l’inertie.

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