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Essor et déclins des puissances

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Par   •  30 Janvier 2022  •  Cours  •  2 739 Mots (11 Pages)  •  1 188 Vues

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                    Thème 2 Analyser les dynamiques des puissances internationales

                       CHP5 : Les formes indirectes de la puissance

Intro : Soft et smart powers ont toujours existé : Thucydide dans La guerre du Péloponnèse  faisait déjà dire à Périclès que tout le monde veut ressembler à Athènes ; et Ulysse est le premier héros « smart »  (intelligence rusée, la méthis).

  Mais ces concepts font florès depuis la fin de la guerre froide pour analyser les nouvelles stratégies d'influence des puissances mondiales , dans un monde toujours plus connecté donc de plus en plus transnational ( autres acteurs que les États).

      Comment la diffusion d'une langue permet-elle de soutenir l'influence d'un pays ?

         Quelles relations les États et les géants du numériques entretiennent-ils ?

En quoi les nouvelles routes de la soie servent-elles les ambitions mondiales de la Chine ?

                                           I)   L'enjeu de la langue

Plus de 3000 langues sont actuellement parlées dans le monde, mais 15 rassemblent la moitié de la population mondiale. L'anglais s'affirme à la première place dans tous les domaines partout sur la planète, c'est la langue officielle de 64 pays ( français : 32 ; espagnol: 21) .

 Les États ont bien compris que la langue est un vecteur de puissance et soutiennent l’apprentissage de leur langue à l’étranger : Le British Council compte 11 millions d'étudiants, les Instituts Confucius 2,1 millions, l'Alliance française 560 000, les Goethe Instituts 270 000, les Instituts Cervantès 185 000.

                                                        A)  la francophonie.

Au XVII°s, le français était la langue officielle de la diplomatie internationale. En recul aujourd'hui, elle est toujours une des cinq langues officielles de l'ONU, la 4° langue sur Internet  et la 5° langue la plus parlée dans le monde, avec 300 millions de locuteurs. Le dynamisme démographique de l’Afrique francophone assure un bel avenir international à notre langue.

Le refus de l'Algérie d'adhérer à l'OIF est révélateur du passé qui ne passe pas...

 Les Instituts français (publics) , les Alliances françaises (privées), TV5,RFI et l'OIF (avec 88 États sur 5 continents) sont les acteurs de la présence culturelle et linguistique de la France dans le monde.      Le cinéma, la littérature, la haute couture, la gastronomie sont aussi des atouts du soft power français. L’Université Sorbonne-Abu Dhabi créée en 2006 offre de nombreuses licences et masters.

                                                      B) les Instituts Confucius

  • Ils sont le fer de lance du soft power chinois

La RPC , devenue soucieuse de son image , espère que plus sa langue, sa culture, son histoire et sa philosophie seront enseignées et comprises, moins sa place sur la scène internationale sera contestée : ouverture de 116 nouveaux Instituts dans 34 nouveaux pays rien qu'entre 2012 et 2017. Au total en 2019 : 548 instituts dans 154 pays, 50 000 enseignants pour 2,6 millions d'inscrits.

  • Outils du soft power ou de propagande ? S'inspirant du modèle des Alliances françaises, les Instituts Confucius prétendent assurer un enseignement consensuel, dépolitisé, universaliste. Réalité ou posture ?  Le mandarin devient le maillon entre l'influence culturelle et l'incitation économique, dans une franche porosité du soft et du hard power assumée par le gouvernement chinois. Ces instituts sont même accusés d'être des nids d'espions avec des enseignants aux ordres de Pékin. Ce qui est sûr, c'est que la Chine est le seul pays non européen et non démocratique à disposer d'une structure de cette envergure.
  • Une stratégie globale : l'originalité de ces Instituts Confucius tient surtout au fait qu'ils sont adossés au projet stratégique des nouvelles routes de la soie et aux programmes d'infrastructures de la Banque asiatique d'investissement. L'influence culturelle est conçue comme indissociable de l'influence économique et commerciale.
  • Une image redorée ? Pas vraiment, difficile de faire du soft power lorsque l'on pratique la peine de mort, la torture ( mais les USA y arrivent très bien …). La multiplication des Instituts Confucius en Afrique ( bientôt une centaine, avec desco urs gratuits) est considérée par l'Occident comme du néo-colonialisme, mais le soft power n'est-il pas asymétrique par définition, un influant versus un influencé ?

                             C) La fonction géopolitique des langues

Parmi les fondements dits « identitaires » , la langue est le plus évident car le plus immédiat.

  • En interne, elle permet à un État de consolider son homogénéité en l'imposant à ses minorités nationales. Ainsi l'édit de Villers-Cotterêts au XVI° qui impose l'usage du français dans tous les actes officiels tend à unifier les Français,ce que confirme l’école républicaine Jules Ferry, qui interdit les patois. En Belgique , la division linguistique entre Wallons et Flamands menace en revanche de faire éclater le royaume. En Israël, l'hébreu, langue sacerdotale morte, a été ressuscitée pour cimenter l’État juif constitué de migrants venus du monde entier. En Chine, sinisation des minorités.
  •  En externe, elle permet d'influencer les relations internationales dans le cas de langues bénéficiant d'une résonance mondiale : francophonie , anglophonie, hispanidad. Les grands empires ont souvent accompagné leur extension d'une politique linguistique d'assimilation : l'empire arabe, dont la langue est sacralisée par le Coran ; les empires coloniaux du Portugal et de l'Espagne au XVI°s ; les empires britanniques et français ; russification forcée en Russie-URSS. La présence de langues européennes sur tous les continents permet aux anciennes métropoles de continuer à exercer une influence certaine, ces liens débouchant sur l'implantation d'entreprises, des accords militaires, des échanges culturels ( le Louvre du Caire).
  •  L'anglais est LA langue de la mondialisation, bien acceptée partout car perçue comme un atout économique et relationnel. Cependant l'uniformisation culturelle sur le modèle américain, aujourd'hui soutenu par les GAFAM, est un risque réel.

                               II) La puissance des géants du numérique

                                               A) Des firmes qui changent le monde

  • Bien que concurrencés par les BATX chinois, les GAFAM ont une situation quasi monopolistique dans l'économie numérique (,la capitalisation combinée des 5 géants états-uniens pèse 3000 milliards, soit le PIB de l'Allemagne). Il y a autant d'humains que de téléphones portables sur la planète, et la moitié sont inscrits sur des réseaux sociaux auxquels ils accordent une à plusieurs heures par jour ( addiction aux écrans, héroïne numérique : voir The Social Dilemna). Leur influence et leur poids économique est tel que le Danemark a nommé un ambassadeur auprès des GAFA dans la Silicon Valley ! Anecdotique ? ou symptomatique du rôle politique de ces entités ?
  • Depuis la présidence de Clinton dans les années 90, au moment où ils sont l'hyperpuissance incontestée, les USA ont œuvré pour avoir le leadership sur l'économie de la connaissance et l'e-commerce : GAFAM, Clouds, MOOC, diffusion des standards éducatifs américains, mais aussi Uber ou Air BnB, l'inventivité des start-up états-uniennes est impressionnante dans les services, répondant à des besoins ou en créant de nouveaux (domotique, drones,voiture autonome de Tesla)dans une société toujours plus consumériste.Certains se proposent même d'améliorer le genre humain grâce aux bio et nano-technologies : Calico du groupe Google travaille sur le rajeunissement ou Neuralink de Tesla sur l'implantation de puces dans le cerveau (homme augmenté).

                                        B) Des géants incontrôlables ?

  • La capacité de recherche-développement et l'intelligence artificielle déterminent d'ores et déjà les hiérarchies géopolitiques entre les États. L'ère de la cyberguerre (drones de combat en Syrie, robots de surveillance des frontières) et du cyberterrorisme (Russie, Corée du Nord, mais aussi Daech) a commencé.
  • Derrière les success stories d'un Zuckerberg ou d'un Steve Jobs, les technologies numériques impactent nos modes de vie (consommation, éducation,loisirs) et façonnent un modèle social et une opinion mondiale grâce aux big data qu'elles accumulent.
  •  Les dirigeants des GAFAM sont aujourd'hui reçus comme des gouvernants, leur puissance de lobbying inquiète (élections américaines). La lutte contre les hackers ou les lanceurs d'alerte ( Snowden, Assange) peut déstabiliser les processus démocratiques. Les libertés individuelles sont menacées par la prolifération incontrôlée des Big Data: ainsi la Chine met en place un permis à point du bon citoyen utilisant les réseaux sociaux et les caméras de surveillance.

                                                    III) Les nouvelles routes de la soie

           A) Un monumental projet d'infrastructures terrestres et maritimes

  • Ce projet hors normes concerne près de 70 États regroupant 4,5 milliards d'habitants et représentant 40% du PIB mondial.Cette nouvelle route de la soie ( en référence à la mythique route de caravanes marchandes qui reliait Xi'an à Antioche il y a plus de 2000 ans) sera un vaste corridor de routes , de voies de chemin de fer et d'axes maritimes pour relier l'Asie, l'Europe et l'Afrique. Des extensions sont même prévues en Amérique Latine pour en relier les deux façades.
  • Deux routes principales sont en formation (OBOR : One Road, One Belt): la Maritime Silk Road ( Shenzen à Venise via Jakarta-Dacca-Colombo-Karachi-Suez-Istanbul)  et la Silk Road Economic Belt par voie terrestre de Chongqing à Duisbourg via Astana et Moscou ( déjà 3 à 4 trains par semaine depuis 2014, le coût est deux fois plus cher que par mer mais le trajet ne prend que 12 jours au lieu de 8 semaines ; liaison Yiwu-Londres depuis 2017 en 18  jours, 3 à 5 fois moins cher que l'avion).
  •  Des extensions  vers le Pakistan, la Mongolie et la Suède , ou à travers l'Inde ( aujourd'hui hostile au projet) et l'Iran sont en projet ou achevées : la voie ferrée vers Téhéran inaugurée en 2017 traverse plusieurs étapes historiques de l'ancienne route de la soie comme Samarcande en Ouzbékistan. Il s'agit certes de mieux relier l'Asie et l'Europe, mais aussi de mieux ancrer l'Asie centrale dans la sphère d'influence chinoise.
  •  Surnommé le projet du siècle par Xi Jinping , le programme OBOR se compose donc d'une nouvelle génération de comptoirs transnationaux càd des ports ou des ports secs, existant ou en construction, dans lesquels les Chinois installent des infrastructures commerciales mais aussi militaires.  Le Sri Lanka, le Bangladesh et la Birmanie lui accordent d'importantes facilités portuaires ( y compris militaires) en échange de la modernisation des infrastructures.

                                       B) Les enjeux commerciaux :

  • Favoriser les entreprises chinoises, assurer le commerce extérieur de la Chine,  et créer une nouvelle donne géopolitique polycentrique, telle est la triple  ambition de cette nouvelle route de la soie. Le gouvernement chinois a déjà débloqué plus de 100 milliards, les banques et institutions financières sont sollicitées aussi. En 2018, plus de cent pays souhaitent être raccordés. Le budget initial prévu pour bâtir l'ensemble de ces connexions transcontinentales est de 1000 milliards de dollars, avec un rôle crucial de la Banque Asiatique d'infrastructures et d'investissements. Le chiffre de 24 000 milliards au total sur les décennies à venir est avancé !
  • La RPC souhaite ainsi  assurer et accroître ses exportations d'une part, et trouver de nouveaux marchés pour ses entreprises de BTP d'autre part. En surcapacité dans l'acier ( la moitié de la production mondiale à elle seule) mais aussi dans le béton et le ciment, la Chine cherche à placer ses excédents industriels, qui concernent 19 secteurs industriels sur 29 ! L'Asie centrale, en développement, semble un excellent débouché commercial...
  • La Chine cherche aussi à diversifier ses approvisionnements énergétiques afin de les sécuriser. L'OPEP lui fournit plus de la moitié de ses hydrocarbures, puis la Russie. La Chine cherche à diminuer sa dépendance en se fournissant en Asie centrale (pétrole kazakh) et en Afrique (pétrole soudanais).

                                           C) Les enjeux géopolitiques

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