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Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III, scène VII, Explication linéaire

Commentaire d'oeuvre : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III, scène VII, Explication linéaire. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Octobre 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 989 Mots (8 Pages)  •  559 Vues

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Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III, scène VII, Explication linéaire

Situation : Cyrano de Bergerac est le héros éponyme de cette « comédie héroïque en cinq actes » qui emprunte à la tragi-comédie du XVIIème siècle (telle que le Cid de Corneille, pour les vers, en alexandrins, et les rimes) mais aussi au drame romantique (par exemple, Alfred de Musset, Lorenzaccio pour sa rupture avec les unités de temps, de lieu et d’action). La pièce, créée en 1897, est dédiée à un acteur, Coquelin qui jouera le rôle-titre. Les quatre premiers actes se déroulent en 1640, sous Louis XIII et le dernier en 1655, donc sous Louis XIV.

Dans cette pièce, Cyrano de Bergerac est un héros capable d’affronter et de battre des centaines d’aversaires. Néanmoins, comme nombre de héros mythologiques, il est atteint d’une tare, son nez qui « lui interdit le rêve d’être aimé même par une laide ». Il est non seulement un amoureux secret de sa cousine, la précieuse et très belle Magdeleine Robin dite Roxane, mais aussi un poète, non moins caché. La violence, la brutalité, le courage dont le caractère est public masquent donc sa sensibilité. Cependant, alors que Roxane est courtisée par le comte de Guiche qui commande la compagnie des mousquetaires, un jeune soldat, Christian de Neuvillette tombe amoureux de la belle Roxane. Après un premier duel, Cyrano et Christian font un pacte, Christian lui dit « Il me faudrait de l’éloquence », Cyrano réplique, « je t’en prête ». Mais Christian ne veut pas de cette forme de sujétion aussi à l’acte III, scène V, il ne peut que constater qu’il ne peut, seul, séduire, Roxane qui lui lance, « Allez rassembler votre éloquence en fuite », car Roxane est sensible à l’esprit de ceux qui la courtisent et pas seulement à leur statut social ou à leur beauté.

Lors de cet acte, Cyrano, caché par la pénombre, parle à la place de Christian, à Roxane, sur son balcon. C’est une déclaration d’amour qui prétend être prononcée en lieu et place de Christian mais qui mêle deux voix : celle de Cyrano parlant pour Christian et celle de Cyrano parlant pour lui-même. Ce n’est donc pas un quiproquo mais un aveu travesti en un échange galant.

Vers 1-18 Le Jeu de la déclaration

Vers 1-2 La déclaration commence comme un jeu mondain dans un salon. Roxane lance un défi à celui qui n’avait pas réussi à la séduire lors de sa première déclaration d’amour. L’interrogation partielle porte sur l’éloquence que va mettre en œuvre celui qu’elle prend pour Christian, « Quels mots ». Mais il ne s’agit pas d’instruire mais de plaire et surtout d’émouvoir.

Vers 3-5 Cyrano répond au défi par l’anaphore de « tous ceux » qui reprend par un pronom démonstratif le terme « mots », de même le futur du verbe venir répond à celui du verbe dire contenu dans la question. Puis, Cyrano précise son style. D’une part, il a recours au futur périphrastique, « je vais vous les jeter » qui l’engage puis par une métaphore florale, il oppose son style, « en touffe » à celui des précieux « en bouquets ». Les deux termes sont, en effet, mis en valeur l’un à la rime, l’autre à la fin du premier hémistiche du vers. Seulement ce style n’est pas celui d’un écrivain, Cyrano ne peut pas l’emprunter. Dès le départ de son dire, les deux voix, la sienne et celle de Christian se mêlent.

Vers 5-6 Le « je vous aime » est celui de Christian et le « je t’aime » celui de Cyrano. Ils sont ponctués de deux commentaires qui sont propres à Cyrano, « j’étouffe », « je suis fou ». Toutefois, les deux commentaires ne sont pas équivalents. Si Cyrano, selon la métaphore de l’asphyxie étouffe, c’est du fait du personnage qu’il joue car Cyrano a selon la dédicace à Coquelin, l’étoffe d’un acteur, s’il est fou, c’est qu’il se dévoile en tant qu’homme. Ici le paradoxe du comédien énoncé par Denis Diderot (XVIIIème siècle) est transgressé. En effet, un bon comédien est celui qui n’éprouve aucun véritable sentiment tout en les mimant tous. Or, Cyrano va persuader Roxane en laissant sourdre les siens. Aussi son « je n’en peux plus » en négation partielle et son commentaire, « c’est trop » marquent un nouveau dédoublement. Le comédien Cyrano juge la prestation de l’homme, il en revient donc à l’éloquence.

Vers 7-9 : Néanmoins, Cyrano ne reprend pas la posture de son personnage emprunté, celui de Christian. Il compare son coeur à un grelot et le nom de Roxane au métal qui tinte à l’intérieur. L’opérateur « comme » exclut donc la métaphore dans un premier temps. Néanmoins, si le comme du vers 7 formait une préposition, celui du vers 8 est un adverbe. Parallèlement, le « nom » du vers 7 devient Roxane au vers 8. Quant au « je frissonne » il introduit implicitement une métaphore, celle de l’amour comme fièvre donc comme maladie. Dès lors l’anaphore de « tout le temps » au vers 9 annonce celle du grelot et du nom mais le grelot n’est plus en position de complément circonstanciel mais de sujet. Cyrano vient donc de faire la démonstration de sa dextérité rhétorique au coeur d’une scène d’aveu que sa cousine ne déchiffre pas.

Vers 10-12 Une fois cet exploit accompli, il rend compte d’un souvenir précis, après avoir lancé « De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé » où le pronom tout, imprécis demande donc à être interprété. Les déictiques du vers 11 situent la scène remémorée : l’an dernier, le douze mai, le matin. Or il est impossible à Christian de se souvenir d’une événement la concernant puisqu’il ne connaissait pas Roxane. Enfin, Cyrano pointe un détail, « tu changeas de coiffure ». Le passage au passé simple insère le passage dans une sorte de récit qui n’aura pas été prononcé. A la place suit un blason sur la chevelure de Roxane, à la manière d’un Clément Marot (début XVIème siècle).

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