Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III Scène10
Commentaire de texte : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte III Scène10. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar TiagoVDL • 23 Août 2016 • Commentaire de texte • 1 424 Mots (6 Pages) • 2 347 Vues
Cyrano de Bergerac est une comédie héroïque en vers et en cinq actes de Edmond Rostand. Cette pièce a été présentée pour la première fois en 1897, il s’agit de sa pièce la plus célèbre. Roxane, une ravissante jeune femme, est aimée de deux hommes : son cousin Cyrano, laid mais bel esprit et le jeune Christian, beau mais dépourvu d’esprit. Cyrano décide alors d’aider son rival à obtenir un baiser de sa belle en se faisant passer pour lui, à la faveur de l’obscurité́.
En quoi peut-on dire que cette scène de séduction est-elle originale ?
Nous verrons qu’elle est la stratégie de séduction singulière employée par Cyrano pour parvenir à son objectif puis comment l’auteur réussi dans ce texte, à mélanger les registres pathétiques, lyriques et comiques.
L’originalité́ de cette scène de séduction repose d’abord sur la stratégie déployée par Cyrano, qui mêle badinage, savantes gradations et virtuosité́ poétique.
Dans un premier temps, en effet, Cyrano s’efforce d’attirer Roxane par un badinage plaisant et léger, en employant un langage précieux, tout à la fois délicat et raffiné. Cette délicatesse et ce raffinement du langage se font jour dans les multiples définitions du baiser qu’invente Cyrano. Pour cela il va utiliser de nombreuses métaphores tels que : « Un aveu qui veut se confirmer » qui désigne le baiser comme un engagement ou encore « Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer » dont on pourrait comparer la couleur rose à celle de la bouche et le point du i à sa rondeur et donc à un instrument du baiser.
Ce badinage se caractérise également par une légèreté́ que manifestent les formules d’atténuation employées par Cyrano, qui préfère le glissement insensible à̀ l’affirmation tranchée. La première réplique du personnage éponyme s’efforce de banaliser ce baiser, que Roxane n’ose envisager : la négation restrictive ne... que réduit ainsi la distance qu’il y a entre les larmes et le baiser : « Des larmes au baiser il n’y a qu’un frisson », tandis que l’utilisation des adverbes d’atténuation, « insensiblement », « un peu » et la répétition du verbe « glisser » s’efforcent de dissiper les angoisses de la jeune femme. Et ce faisant, Cyrano persuade insensiblement Roxane, d’autant plus que son discours s’organise selon un subtil et savant crescendo.
Ensuite, l’ascension de Cyrano et Christian se fait ressentir petit à petit. Christian opte pour une avancée physique alors que Cyrano va utiliser son langage poétique qui illustre cette progression. À l’ascension physique de Christian qui enjambe les balustres pour atteindre le balcon répond la savante progression qui organise le discours de Cyrano. Les questions qu’il pose à Roxane illustrent ce crescendo. La première d’entre elles, « S’il la brûle déjà̀, que sera-ce la chose ? », est ainsi destinée à̀ susciter le trouble de son interlocutrice ; la seconde, à la forme interro-négative, est l’équivalent d’une affirmation qui l’oblige à̀ avouer ce trouble : « N’avez-vous pas tantôt, presque insensiblement / Quitté le badinage et glissé sans alarmes / Du sourire au soupir, et du soupir aux larmes ! ». Quant à̀ la troisième : « Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ? », il s’agit d’une question rhétorique qui permet au héros d’emporter la jeune femme dans un tourbillon de métaphores qui l’enchantent et la ravissent. De la même manière, Roxane est progressivement élevée au rang de reine. Pour cela Cyrano va comparer le baiser de Roxane à la noblesse de la reine de France : « Un baiser, c’est si noble, Madame, que la reine de France » en se fondant sur l’exemple de la reine Anne d’Autriche qui avait pour amant Buckingham : « J’eus comme Buckingham des souffrances muettes ». Une élévation a lieu pour chacun des personnages de cette scène : pour Cyrano, il va de mot en mot pour être plus romantique et poétique, Christian lui utilise son physique pour s’imposer puis Roxane qui elle sera élevée au rang de reine.
Enfin, la virtuosité́ de Cyrano lui permet de séduire Roxane en usant de procédés et de tours poétiques. Les rimes internes, les assonances et les allitérations ainsi que les répétitions rythment la scène et confèrent une musicalité́ envoûtante aux paroles de notre séducteur. « Quitté » rime ainsi avec « glissé », accentuant l’équivalence entre les deux expressions qui composent ce
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