Racine, Andromaque, III, 8, commentaire stylistique.
Dissertation : Racine, Andromaque, III, 8, commentaire stylistique.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar josephinerobore • 31 Janvier 2022 • Dissertation • 7 832 Mots (32 Pages) • 490 Vues
Racine, Andromaque, III, 8, commentaire stylistique.
Comment ce dialogue délibératif entre Andromaque et sa confidente Céphise renouvelle-t-il notre image des personnages et de ce qu’est la fidélité, tant pour les personnages que pour le dramaturge ?
I. Un dialogue où s’entrelacent visée argumentative et visée délibérative : faut-il ou non épouser Pyrrhus ?
A) Un dialogue à la fois argumentatif et délibératif.
La progression (ou non…) de la délibération.
Les stratégies argumentatives : une bataille d’images.
II. Les fonctions de l’extrait : accroître le pathos et le suspens pour le spectateur tout en renouvelant notre perception des personnages ; qui sont Pyrrhus, Andromaque et Astyanax ?
Approfondir le pathos, entretenir le suspens.
Renouveler notre « image » de Pyrrhus, « roi barbare » ou prince galant ?
Les ambiguïtés du personnage d’Andromaque et l’ « image » miroitante d’Astyanax.
III. Une méditation sur la liberté et la fidélité, tant des personnages que du dramaturge. Il faut sauver Astyanax.
Andromaque captive mais puissante : le fardeau de la liberté.
La fidélité, puissance de vie ou puissance de mort chez Andromaque ?
La fidélité créatrice du dramaturge et le « plagiat par anticipation » (Pierre Bayard) des auteurs antiques.
I. Un dialogue où s’entrelacent visée argumentative et visée délibérative : faut-il ou non épouser Pyrrhus ?
Un dialogue à la fois argumentatif et délibératif.
L’extrait fait dialoguer Andromaque, la protagoniste la moins présente dans la pièce, mais le personnage éponyme, et sa confidente, Céphise, dont le nom est grec (c’est le nom d’un fleuve de Grèce, qui apparaît dans l’Iliade) ; on peut donc imaginer que Céphise est grecque, en tout cas elle n’était pas aux côtés d’Andromaque au moment du sac de Troie puisqu’Andromaque juge nécessaire de le lui représenter. Elle serait donc une servante qui a été dévolue à Andromaque et qui a été apitoyée par son sort. Nous pouvons donc être surpris qu’elle se permette de prêter des volontés à Hector (vers 986-991), sans jamais l’avoir connu : cela ne peut que fragiliser ses propos. Le nom, dans ses sonorités, peut aussi évoquer « ce fils » au cœur du dilemme d’Andromaque (le mot « fils » avec des déterminants variés, apparaît onze fois dans la scène et le groupe nominal « ce fils » est présent au vers 974, dans les derniers vers de la tirade de Pyrrhus). L’objet d’Andromaque, dans la pièce, est avant tout d’obtenir que « ce fils » vive en sécurité, en exil s’il le faut. Or Pyrrhus a refusé de lui accorder ce vœu, lui proposant l’alternative suivante, dans la scène précédente, « Et là vous me verrez, soumis ou furieux,/ Vous couronner, Madame, ou le perdre à vos yeux ». Nous sommes au cœur de ce que Barthes appelle, dans Sur Racine, un « revirement ». Andromaque est censée prendre une décision dans cette scène qui suit immédiatement l’offre de Pyrrhus et Céphise se réjouit qu’elle soit « de [son] sort encore (…) la maîtresse ». Andromaque peut choisir ce qu’elle et son fils vont devenir. L’alternative de Pyrrhus est pourtant devenue dilemme pour Andromaque : doit-elle ou non épouser Pyrrhus ? Andromaque commence par balayer le dilemme en répétant implicitement ce qu’elle a déjà affirmé au début de la pièce, qu’il ne saurait être question de ce mariage et qu’il ne lui reste donc « qu’à condamner [son] fils ». Ainsi commence un dialogue argumentatif entre sa suivante, qui lui recommande « la douceur », c’est-à-dire, implicitement, d’être moins intransigeante sur sa fidélité envers Hector. Andromaque formule alors explicitement la pensée de sa suivante, « Quoi ! je lui donnerais Pyrrhus pour successeur ? », mais avec indignation, comme en témoignent l’irréel du présent (exprimé par le conditionnel) et l’interrogation rhétorique, avant de justifier son refus par un récit. La servante, avec adresse, feint ensuite d’acquiescer aux arguments d’Andromaque. Dès lors, le dialogue argumentatif, à la suite d’une didascalie interne, « vous frémissez, Madame », qui témoigne de la réaction physique d’horreur qui étreint Andromaque à la pensée des conséquences de son refus, se mue en dialogue délibératif, puisque Andromaque, d’elle-même, commence à argumenter l’autre thèse, celle de sauver son fils en accédant au vœu de Pyrrhus de l’épouser. Chaque thèse est formulée de manière symétrique, par Andromaque et sous la forme d’une interrogation rhétorique à valeur d’indignation : « Quoi ! je lui donnerais Pyrrhus pour successeur ? » (v. 984) et « Quoi, Céphise, j’irai voir expirer encor / Ce fils (…) ? » (vers 1015), en remarquant toutefois que la première est au conditionnel pour exprimer l’irréel du présent tantôt que l’autre est au futur, comme si la première était encore plus impossible et plus choquante que la seconde, paradoxalement. Chaque argumentation aboutit à une conclusion : « Non, je ne serai point complice de ses crimes ;/ qu’il nous prenne, s’il veut, pour dernières victimes », pour la première, et « non, tu ne mourras point : je ne le puis souffrir. / Allons trouver Pyrrhus » pour la deuxième. Ces deux conclusions étant évidemment radicalement opposées, même si, dans chacune, Andromaque se sacrifie, la première fois en acceptant de mourir, la deuxième fois en acceptant de se marier (ce qui revient à mourir, comme le montrera la scène suivante). Toutefois, la scène ne se conclut sur aucune décision concrète, malgré les demandes insistantes de Céphise, « Où donc, madame ? et que résolvez-vous ? », Andromaque ne cherchant finalement qu’à repousser sa décision, qu’à trouver un délai. Chaque phrase dont Céphise que trouverait chargée de transmettre est interrompue, « Dis-lui que de mon fils l’amour est assez fort… » ou « Hé bien ! va l’assurer… », chaque acte prévu est modifié : « Allons trouver Pyrrhus. Mais non, chère Céphise, / Va le trouver pour moi » devient « Allons. » puis « Allons sur son tombeau consulter mon époux ». La parole et la décision sont bloquées, comme on peut s’y attendre à la fin de l’acte
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