J. Racine, Andromaque, Acte III, scène 6

Racine propose cette pièce Andromaque pour la première fois en 1667 alors qu'il n'est qu'au début de sa carrière dramatique. Il puise son projet dans L'Iliade, où Homère racontela grande épopée de la guerre de Troie qui a opposé les Grecs (Achille, Agamemnon, Ulysse) aux Troyens (Priam, Hector, Paris). Hector tombe sous les coups d'Achille, père de Pyrrhus, qui va « trainer son corps dans la poussière » autour des remparts de la ville, tandis qu'Ulysse achèvera la cité avec son légendaire Cheval de Troie. Après cette défaite, Andromaque, femme d'Hector, et leur fils Astyanax sont faits prisonniers par les Grecs et conduits chez Pyrrhus (fils d 'Achille). Les Grecs veulent alors la mort d'Astyanax mais Pyrrhus est amoureux d'Andromaque et tente de protéger l'enfant en demandant la main de sa mère. Andromaque est prise entre sa fidélité à Hector et son amour maternel ; si elle épouse Pyrrhus son fils sera sauvé ; dans le cas contraire, Pyrrhus le livrera aux Grecs.

On se propose d'étudier ici la scène 6 de l'acte III qui oppose Pyrrhus à Andromaque. Le nœud de la Tragédie est en train de se resserrer sur les personnages. Pyrrhus apparaît déterminé à sauveer son honneur et sa gloire tandis qu'Andromaque se révèle bien plus puissante qu'elle le paraît.

Comment Andromaque résiste-t-elle au chantage de Pyrrhus pour sauver Astyanax ? Tout d'abord on déterminera comment le conflit se met en scène des vers 1 à 12 pour étudier l'objet même et le déroulement de ce conflit jusqu'au monologue polémique d'Andromaque.

Le conflit entre Andromaque et Pyrrhus naît dans une mise en scène très élaborée.

Tout d'abord, on peut relever les particularités d'un dialogue différé entre les personnages principaux. Sur scène, sont présents en fait deux binômes comme le précisent les didascalies (à Phoenix / à Céphise) ; d'un côté on trouve Pyrrhus et son gouverneur Pheonix et de l'autre Andromaque et sa confidente céphise. Le système d'énonciation nous montre que les personnages de Pyrrhus et d'Andromaque ne communiquent pas directement : « Que dit-elle Pheonix » (v.4) « Jen fais que l'irriter encore » (v.11). Ajoutons que le rythme des vers est sans cesse rompu par les rejets qui annulent le schéma d'une communication directe et amorcent le conflit. Par conséquent, les personnages secondaires jouent le rôle de relais de cette parole dramatique.

En effet, les personnages secondaires sont là pour relayer une parole qui dysfonctionne entre deux personnages qui ne se comprennent pas. Pheonix tend à aller dans le sens de Pyrrhus pour retrouver Hermione (v.5) et donc ne pas entrer dans le conflit, tandis que Céphise pousse Andromaque au dialogue avec Pyrrhus (vers 6) ; on peut relever une certaine forme d'autorité de la part de Céphise qui utilise les impératifs « allons, rompez » ou encore les questions rhétoriques « qu'attendez-vous ? » lorsqu'elle s'adresse à sa maîtresse. De plus, elle est aussi la voix de la raison : « vers7 : deuxième partie : il ne l'a pas donné ». C'est grâce aux personnages secondaires que l'action tragique évolue. Ils sont les confidents des héros et permettent au spectateur d'en connaître les pensées.

Ainsi, se dévoile peu à peu l'objet du conflit entre Pyrrhus et Andromaque. Pyrrhus est un personnage qui semble déterminé, inflexible mais aussi inquiet comme en témoignent les formules interrogatives des vers 1, 2, 4, 9 ; Andromaque se définit ici comme un personnage qui semble pathétique puisqu'elle se lamente « tu vois le pouvoir de mes yeux, Hélas ! Tout m'abandonne. J'ai beau pleurer sa mort est résolue » . Elle comprend ici que Pyrrhus n'a pas d'autre choix que de livrer Astyanax. Elle comprend aussi que son attitude le rend nerveux «  je ne fais que l'irriter encore » et préfère alors éviter le conflit : « Sortons » : le ton est ferme et déterminé. La distance qui existe entre ces deux personnages sur le plan « psychologique, morale » les conduits dans une impasse qui ne peut échapper à l'éclatement du conflit.

Pyrrhus et Andromaque s'affrontent dans une scène agonistique d'où ne ressortira qu'un seul vainqueur.

Andromaque prend peu à peu le pouvoir su rPyrrhus car c'est dans son combat de mère qu'elle puise toute sa puissance. En effet, au vers 11 Pyrrhus est déterminé à condamner Astyanax à mort en rappelant sa filiation avec l'héritier de Troie mort sous le coup de son père « Allons aux Grecs livrer le fils d'Hector ». Grâce à cette périphrase, on comprend que Pyrrhus tente de faire réagir Andromaque afin qu'elle cède à son chantage. C'est pourquoi les personnages sont enfin face à face comme le confirme le jeu énonciatif : « Ah ! Seigneur ! Arrêtez ! Que prétendez-vous faire » ; à travers les apostrophes (Seigneur, vous, vos...) et l'usage de l'impératif (arrêtez) et de la modalité interrogative, Andromaque s'adresse directement à Pyrrhus. La ponctuation forrte ave l'usage des tournures exclamatives témoignent de la vivacité du ton employé et de la montée des émotions

...