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Le Rouge et le Noir, Tome I Chapitre 26 (=Le Monde, ou ce qui manque au Riche), le séminaire

Commentaire de texte : Le Rouge et le Noir, Tome I Chapitre 26 (=Le Monde, ou ce qui manque au Riche), le séminaire. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  14 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  1 905 Mots (8 Pages)  •  414 Vues

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Texte 12 : Le Rouge et le Noir, Tome I Chapitre 26 (=Le Monde, ou ce qui manque au Riche), le séminaire 

Objet d’étude : le roman 🡪 le personnage de roman, esthétiques et valeurs

Date : 1830

Auteur : Stendhal

 INTRODUCTION

Au XIXe siècle, les deux moyens proposés pour grimper les échelons de la société sont l’armée ou l’Eglise. Ainsi, dans Le Rouge et le Noir de Stendhal, paru en 1830, Julien, le héros du roman va hésiter entre une carrière ecclésiastique et une carrière militaire. Le rouge représentant l’armé et le noir l’Eglise. Dans le livre premier, le jeune ambitieux intègre un séminaire, où il se démarque des autres par son incroyable mémoire et son intelligence hors norme. Situé à la fin de la première partie du roman, après avoir été contraint de partir de chez les de Rênal, dont la femme du Maire était sa maitresse, ce passage est particulièrement intéressant pour comprendre l’évolution de Julien, rendre compte notamment de ses progrès dans la connaissance du monde. Le jeune séminariste qu’est devenu le petit paysan venu de la campagne va en effet connaître au sein de cette communauté une expérience riche d’enseignements, même si son analyse peut encore le tromper. Le héros a donc choisi le ‘Noir’, autrement dit la carrière ecclésiastique pour parvenir dans la société et ainsi satisfaire son ambition. Ayant intégré le séminaire de Besançon, Julien y découvre le règne de la jalousie, et du mensonge. Comme dans la petite société de Verrières, les relations entre les hommes ne semblent guidées que par l’intérêt, l’envie et la rancœur, le calcul et la compromission… Après la visite de son seul ami Fouqué qui a dû monnayer son entrée au séminaire, Julien revient sur son expérience récente dans l’école et se convainc d’y tenir sa place en jouant le rôle attendu, il dût pour cela se montrer hypocrite.

LECTURE

À la vérité, les actions importantes de sa vie étaient savamment conduites ; mais il ne soignait pas les détails, et les habiles au séminaire ne regardent qu’aux détails. Aussi, passait-il déjà parmi ses camarades pour un esprit fort. Il avait été trahi par une foule de petites actions.

À leurs yeux, il était convaincu de ce vice énorme, il pensait, il jugeait par lui-même, au lieu de suivre aveuglément l’autorité et l’exemple. L’abbé Pirard ne lui avait été d’aucun secours ; il ne lui avait pas adressé une seule fois la parole hors du tribunal de la pénitence, où encore il écoutait plus qu’il ne parlait. Il en eût été bien autrement s’il eût choisi l’abbé Castanède.

Du moment que Julien se fut aperçu de sa folie, il ne s’ennuya plus. Il voulut connaître toute l’étendue du mal, et, à cet effet, sortit un peu de ce silence hautain et obstiné avec lequel il repoussait ses camarades. Ce fut alors qu’on se vengea de lui. Ses avances furent accueillies par un mépris qui alla jusqu’à la dérision. Il reconnut que, depuis son entrée au séminaire, il n’y avait pas eu une heure, surtout pendant les récréations, qui n’eût porté conséquence pour ou contre lui, qui n’eût augmenté le nombre de ses ennemis, ou ne lui eût concilié la bienveillance de quelque séminariste sincèrement vertueux ou un peu moins grossier que les autres. Le mal à réparer était immense, la tâche fort difficile. Désormais l’attention de Julien fut sans cesse sur ses gardes ; il s’agissait de se dessiner un caractère tout nouveau.

Problématique : Ainsi, nous verrons : comment cette page de roman permet de nous montrer l’évolution du personnage de Julien par rapport au début de l’œuvre et en quoi Le Rouge et le Noir de Stendhal est un roman d’apprentissage ?

Lecture linéaire

Dans cet extrait, l’auteur fait connaître au lecteur l’image que Julien entend désormais donner de lui après un retour sur l’attitude maladroite qu’il a pu adopter depuis son arrivé au séminaire. La phrase qui précède l’extrait entretient cette ambiguïté (‘Il se moqua de lui-même avec amertume’), puisqu’elle peut être comprise comme une introduction à une introspection du personnage.

Dans les deux premiers paragraphes, nous avons la description de Julien, vu par les autres. Le jeune homme, tenu à l’écart, est observé par ‘ses camarades’ qui vont donc le jauger, le juger. Il ne s’agit pas cependant de revenir sur le fonctionnement du séminaire ou d’en dénoncer l’hypocrisie, mais au contraire de s’y adapter, de se soumettre aux règles qui le régissent. Ainsi les qualités de Julien se retournent contre lui et deviennent un obstacle à sa réussite, à cause de ces camarades qu’il a rendu jaloux. Même le choix de l’abbé Pirard comme confesseur est regretté par Julien qui reconnaît une erreur, l’abbé Castanède étant perçu comme un conseiller plus averti.

Dans le troisième paragraphe, ayant pris conscience de son isolement, Julien s’emploie à mesurer ‘l’étendue du mal’ en se rapprochant de ceux-là même qu’il brocardait, s’exposant bien sûr aux représailles des autres séminaristes. Il se rend compte que son comportement de tous les jours, de tous les instants même, a contribué à sa réputation et à son rejet bien plus qu’à son soutien, y compris dans des moments qu’il pensait moins importants ‘surtout pendant les récréations’. Cette analyse se déroule progressivement. Julien ne comprend que tardivement ses erreurs et s’emploie à les corriger pour donner une autre image de lui, même s’il sait ‘la tâche fort difficile’ pour ‘se dessiner un caractère tout nouveau’.

Julien se sait donc regardé par les autres séminaristes et s’il les a lui-même jugés il prend alors conscience que ces derniers ne sont pas en reste en ce qui le concerne. La visite de Fouqué lui a opportunément rappelé que le séminaire, bien que lieu fermé, est une société en miniature, un reflet du monde extérieur. Cette prise de conscience de Julien commence par l'expression ‘à la vérité’, ce qui confirme l'examen de conscience qu’entend mener le héros, et son analyse se présente comme exigeante et rigoureuse. Il ne cherche pas à essayer de dénoncer le fonctionnement du séminaire, mais il cherche au contraire à s’y adapter. D'ailleurs Julien confirme que tout n’est pas à remettre en question dans son attitude puisqu'il a su suivre une démarche réfléchie, et il ne peut se reprocher des erreurs grossières, ‘les actions importantes de sa vie étaient savamment conduites’. Mais il ne s’agit pas seulement de jouer u rôle, encore faut-il le faire de façon à ce que cela ne se voie pas pour éviter d’être ‘trahi par une foule de petites actions’ que sont capables de percevoir ‘les habiles au séminaire’. Ici l’adjectif habile est bien-sûr ironique. Julien n’est sans doute pas le seul à changer son comportement, et de passer ainsi pour ‘un esprit fort’ au regard des autres comme le souligne encore une fois l'expression ‘à leurs yeux’, celui de ses camardes qui le jalousent pour ce qu’il est. De plus, ce manque d’humilité apparente est d’ailleurs souligné comme ‘un vice énorme’ puisqu'il manifeste une volonté d'indépendance, de liberté, contraires à la soumission attendue dans l’église, ‘il pensait, il jugeait par lui-même’. Tout comme l'expression ‘esprit fort’, ce jugement est écrit en italiques, un caractère typographique retenu pour souligner son envie de penser de lui-même et se détaché de l’autorité qu’est l’Eglise. L’adverbe aveuglément est ici péjoratif et est là pour à la fois dénoncer le séminaire, mais aussi critiquer ces camarades qui seraient perçu comme des moutons qui ne réfléchissent pas à ses yeux. Ainsi les qualités de Julien, cette aisance intellectuelle et sa vivacité d'esprit, se retournent contre lui et deviennent un obstacle à sa réussite, et le héros est contraint de jouer un rôle et de se plier aux règles pour pouvoir survivre avec ses camardes aux séminaires. Il doit jouer les hypocrites et laisse transparaitre ce qu’il n’est pas. Même le choix de l'abbé Pirard comme confesseur est regretté par Julien qui y reconnaît une erreur, l'abbé Castanède étant perçu comme un conseiller plus averti. La réflexion du personnage est cependant bien surprenante puisqu'il reproche à l’abbé Pirard de ne lui avoir ‘été d'aucun secours’ en ne lui adressant ‘bas une seule fois la parole hors du tribunal de la pénitence’ alors que le directeur devenu confesseur ne peut être considéré comme un mentor, encore moins un ami, et que son rôle est davantage celui d’un censeur que d’un conseiller. D'ailleurs la suite révélera l'erreur d'appréciation de Julien puisque son regret de ne pas avoir choisi le bon soutien se révélera finalement sans fondement et totalement stupide puisqu’il a réellement bien fait. C’est assez paradoxal puisque Julien critique le fait qu’il ne lui parle pas mais il ne fait que l’écouter, alors que c’est justement le but d’un censeur. Ainsi, ce secours, que notre héros cherche, ne doit pas se trouver chez l’abbé Pirard, et il s’en plaint alors qu’il n’y a rien de plus naturel. Cependant, c’est compréhensible puisqu’il se sent isolé et contraint de lutter contre ses camarades, et cherche juste une aide.

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