Le Mariage de Figaro I, 1, Beaumarchais
Commentaire de texte : Le Mariage de Figaro I, 1, Beaumarchais. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar maelys_dgt • 11 Janvier 2021 • Commentaire de texte • 1 907 Mots (8 Pages) • 506 Vues
Le Mariage de Figaro I, 1
Intro ;
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais est un dramaturge français de la fin du XVIIIe siècle. Il n'est pas noble et est toujours en quête de reconnaissance sociale dans une société structurellement inégalitaire (il est ainsi l'un des pères du droit d'auteur, il a aussi été espion).
On le connaît surtout pour sa trilogie de Figaro : Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro et La Mère Coupable. Dans ces pièces dont l'action se situe en Espagne ( ce qui permet d'un peu détourner la censure), Figaro est un valet (serviteur) rusé dans la tradition de Scapin ; dans la première pièce il aide son ancien maître à séduire la femme qu'il aime par sa ruse. Dans la deuxième sa fiancée Suzanne et lui essaient de déjouer les plans du comte qui est redevenu son maître, et qui voudrait imposer à Suzanne de s'offrir à lui (en utilisant son statut social pour la violer), et dans la troisième, écrite après la Révolution, Figaro est rentré dans le rang et Beaumarchais contredit une bonne partie de ce qu'il avançait sur les classes sociales.
Le Mariage de Figaro est une comédie qui a suscité la polémique (elle a même été censurée) puisque le personnage principal remet directement en cause la hiérarchie sociale de l'Ancien Régime et les privilèges des nobles, en mettant en avant le mérite personnel. Elle est sous-titrée « La Folle journée » car toutes les actions se déroulent en une seule journée, du matin à la nuit. Nous sommes ici confrontés à la scène d'exposition, la première scène de la pièce qui doit à la fois présenter les enjeux et les personnages et intéresser le narrateur à l'histoire qui va se dérouler.
Composition :
I de « Dix-neuf pieds sur vingt-six. » à « Elle me déplaît. » : présentation des personnages
II de « On dit une raison » à « en trois sauts... » : la révélation du scandale
III de « Qu'entendez-vous par ces paroles » à la fin : les véritables intentions du comte
Comment cet extrait présente-t-il de façon dynamique les personnages et les enjeux de la pièce ?
I Présentation des personnages
- On constate un début in medias res (une action est déjà en cours), Figaro est occupé à mesurer une pièce (les pieds sont une ancienne unité de mesure), il est actif dès le début de la pièce pour rappeler qu'il s'agit d'un personnage toujours en mouvement.
- De même, Suzanne apparaît au milieu d'une action, elle vient badiner (discuter amoureusement) avec son fiancé. Le présentatif « voilà » et l'impératif « tiens » soulignent l'interaction et la complicité entre les deux personnages. Suzanne joue la coquetterie en réclamant des compliments, le chapeau est dit « petit » pour jouer la modestie que l'amoureux doit corriger.
- La didascalie « lui prend les mains » souligne encore cette proximité entre les deux personnages. « Ma charmante » est aussi une périphrase affectueuse pour désignée sa fiancée. On note des adjectifs mélioratifs (« joli », « belle », « doux », « amoureux ») et une ponctuation expressive (points d'exclamation et de suspension) et une interjection (« Oh »), pour montrer la joie de Figaro et son amour pour Suzanne.
- On remarque également une indication du cadre temporel : nous sommes « le matin des noces ».
- La deuxième action de Suzanne est de « se retirer » : même amoureuse, elle reste libre. En surnommant son fiancé « mon fils » elle prend qui plus est symboliquement une position de surplomb sur lui (l'expression est également utilisée fréquemment au XVIIIe siècle pour marquer la tendresse).
- Figaro continue dans son enthousiasme, « petite » est un adjectif qui marque la tendresse, le lit est « beau » et la « grâce » est « bonne ». On remarque que le comte est simplement appelé « monseigneur », la complicité qu'ils avaient dans Le Barbier de Séville est remplacée par une hiérarchisation.
- L'étonnement de Suzanne est indiqué par une phrase nominale (« Dans cette chambre ? ») sans qu'on sache pour l'instant si elle est étonnée de la générosité du comme, comme Figaro, où s'il y a un problème.
- Le dialogue passe alors à des stichomythies, des échanges rapides de répliques très brèves. Mais il y a un malentendu, Figaro pense que Suzanne fait du marivaudage, qu'elle joue à se disputer amoureusement, alors que Suzanne est devenue sérieuse.
- Suzanne est insistante, on remarque la conjonction « Et » en tête de phrase pour accentuer ses propos, le répétition du même refus et l'accentuation par le redoublement de la première personne avec les pronoms « moi je » et le choix de « point » qui signifie à cette époque « pas du tout ».
- Figaro attend visiblement une explicitation et se contente de phrases interrogatives nominales « Pourquoi ? », « Mais encore ? », il croit qu'il s'agit d'un jeu et ne cherche pas à comprendre le problème.
- Suzanne essaie d'user de son pouvoir sur Figaro par un argument d'autorité : « Elle me déplaît. » Si Figaro aime Suzanne, son goût devrait être une raison suffisant sans plus d'explication.
Ces premières lignes permettent donc de présenter les personnages en action, pour mieux connaître leur personnalité et présente déjà le thème du mariage annoncé par le titre.
II La révélation du scandale
- Figaro refuse cet argument d'autorité : « On dit une raison. » Il va obliger Suzanne à exposer clairement le problème.
- « Si je n’en veux pas dire ? / Oh ! quand elles sont sûres de nous ! » le dialogue semble à nouveau badin mais on remarque le paradoxe d'un Figaro qui affirme que Suzanne est « sûre » de son amour, sous entendant qu'elle peut faire de lui ce qu'elle veut, mais va contre sa volonté (alors qu'elle vient de répéter trois fois « je ne veux pas/point ».
- « Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non ? » Suzanne joue sur les stéréotypes amoureux évoqués par Figaro pour reprendre le contrôle de la situation. Au sens du XVIIIe siècle elle est la « maîtresse » de son cœur, il devrait lui obéir par principe pour mimer l'amour courtois et le chevalier servant de sa dame. La question rhétorique essaie de mettre fin à la discussion.
- Figaro met en avant des arguments pragmatiques : la chambre est entre celle des nobles, on apprend ainsi que Suzanne est la servante de la comtesse. On remarque ironiquement que se confort permet de plus facilement se déranger la nuit pour les maîtres ou répondre à un coup de sonnette (« tinter ».
- Figaro montre sa bonhomie par l'emploi d'un vocabulaire familier et humoristique (« zeste », « crac »).
- Suzanne finit par céder et par verbaliser le problème, mais de façon ironique, en reprenant le mots de son futur mari. On remarque que le jeu de la ponctuation permet de retarder au maximum la proposition principale de la phrase qui ne sera en fait même pas formulée, puisque la dimension grivoise de « et crac, en trois sauts… » suffit à faire comprendre que le service n'est qu'un prétexte. Si Figaro est convocable plus facilement, ça servira surtout au comte à l'éloigner pour s'en prendre à sa femme.
- Le dialogue badin prend donc un tour plus sombre, Suzanne montre qu'elle est une personne d'esprit (ce que le spectateur attend de Figaro à cause de la première pièce) mais elle met en cause un monstrueux abus de pouvoir de la noblesse.
III Les véritables intentions du Comte
- Figaro reste d'abord incrédule, comme peut l'être le spectateur qui se soient du comte en jeune homme amoureux dans le Barbier de Séville. Le verbe « entendre » a ici son sens fort, celui de « comprendre » en français moderne.
- Suzanne utilise le conditionnel « Il faudrait », elle essaie d'obliger Figaro à un effort d'objectivité pour comprendre une situation qui lui semble tellement monstrueuse qu'il ne veut pas l'appréhender.
- Figaro perd sa contenance, on le voit à l'interjection « Eh ! » mais aussi au juron « bon Dieu » qui au XVIIIe siècle est encore considéré comme vraiment vulgaire .
- Suzanne finit par être obligée de dire les choses directement, sur un ton didactique. « Mon ami » devient alors un peu condescendant.
- On découvre le nouveau caractère du comte : après sa femme il a continué à essayer de « courtiser » les femmes, il n'est plus un jeune homme amoureux mais une sorte de Don Juan. L'adjectif « las » permet de se moquer de ce chasseur qui s'est « fatigué » de séduire des inconnues et cherche maintenant de l'exotisme en s'en prenant aux épouses de ses proches. Il est clairement amoral, voire immoral.
- Pour appuyer son propos, Suzanne a recours à l'ironie, avec l'équivoque sur le sens de « rentrer » et l'euphémisme « il espère que ce logement ne nuira pas » alors que ce logement a directement pour but de permettre plus facilement ce viol statutaire. Le complice Basile est qualifié par antiphrase de « loyal », d' « honnête » et de « noble ».
- Comme il est inenvisageable de se venger d'un noble, Figaro se défoule verbalement en imaginant frapper Basile. On remarque que, à ce moment, il n'évoque même pas le comte, comme si sa trahison était logique.
- Suzanne est condescendante avec Figaro en utilisant la périphrase « bon garçon », elle se moque de sa naïveté, à lui qui revendique son intelligence.
- On découvre que sa « dot », l'argent qu'une jeune fille doit apporter à son époux « pour son entretien » vient du Comte, il lui demande presque littéralement de se prostituer à lui.
- Figaro, plein d'hybris, pensait que son « mérite » et sa complicité avec le comte méritaient cadeaux alors que le comte ne pense qu' « aux beaux yeux » des femmes.
- « J’avais assez fait pour l’espérer. » rappelle que Figaro avait une relation particulière au comte, il l'a aidé par amitié alors qu'il n'était pas à son service. Plus même que le fait de vouloir s'en prendre à sa femme, ce qui semble le blesser est cette ingratitude.
Conclusion :
Cet extrait remplit bien son rôle de scène d'exposition, on connaît le cadre (dans le château du comte, le matin du mariage), les personnages sont présentés en situation pour exposer leurs caractères et l'élément central de l'intrigue est révélé.
Le sujet est pesant pour une comédie mais l'esprit et l'ironie de Suzanne permettent de garder une certaine légèreté, tout en faisant sentir qu'elle ne compte pas se laisser faire et que, comme son futur époux elle préfère « rire de tout, de peur d'être obligé[e] d'en pleurer ». On remarque dès le début de la pièce qu'elle est en avance sur Figaro dans la compréhension de l'intrigue. Ce sont d'ailleurs ses plans à elle, et non ceux de Figaro qui permettent in fine de déjouer les mauvaises intentions du comte. Le thème central de la pièce, les rapports de pouvoirs induits par les inégalités de l'Ancien Régime est aussi bien présent.
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