L'OR de CENDRARS le port de New York
Commentaire de texte : L'OR de CENDRARS le port de New York. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ipsofacto50 • 21 Janvier 2019 • Commentaire de texte • 2 631 Mots (11 Pages) • 887 Vues
Blaise CENDRARS, L’OR, II, 5 : « Le port. Le port de New York. 1834 »
- Un port propice à l’aventure
I.1. Le port d’Utopie
- L’utopie, souvent associée à l’eau (dans l’œuvre de T. More, le port est évoqué), d’emblée valorisée par mise en page début chapitre (impression de mise en vers comme un hymne, une ode à ce lieu) : « Le port. / Le port de New York. / 1834 » = usage de l’article défini alors que le lieu est inconnu ; NY semble être LE port par excellence, l’unique, digne de ce nom pour un aventurier + reprise du groupe nominale avec un complément du nom qui précise la ville = valorisation et appel à l’imaginaire, d’autant que « New » évoque la nouveauté (York ville d’Angleterre, très prospère au Moyen Age dont le nom est un héritage des invasions romaine et viking)en antithèse avec le « vieux monde » + annonce la Nouvelle Helvétie.
- NY représente aussi une nouvelle organisation (Utopie désigne également une organisation sociale idéale), celle d’un pays ouvert en politique (débute son histoire d’emblée par une République): « 1834 » / « toutes les révolutions de 1830 » : pseudo effet de réel. Les années 30 en Europe sont marquées par des mouvements révolutionnaires (révoltes des canuts à Lyon / émeutes sanglantes à Paris / conflit en Belgique, Pologne) qui sont évoqués à plusieurs reprises : « phalanstériens français» (adeptes de Charles Fourier, fondateur d’après Karl Marx du socialisme critico-utopique), « carbonari » (Italie), « carlistes » (Espagne).
-Les exilés quittent donc une situation instable et n’ont plus rien à perdre (souvenir des « guerres napoléoniennes »), l’Amérique, pays « neuf » étant un Eldorado politique : « la grande République », « la déclaration de l’Indépendance » (1776), « Lincoln » (1860) = hommage hyperbolique avec « grande », symbolisme du terme « Indépendance », effet d’annonce avec « Lincoln », ce pays ouvrant la voie d’une nouvelle Cité (au sens grec, fédération autonome de tribus groupées sous des institutions politiques communes + synonyme de République ).
- Cette nouvelle organisation permet alors le développement : « en pleine croissance, en plein épanouissement » = anaphore + parallélisme + hyperbole suggèrent une économie des plus florissantes qui présage d’un bonheur matériel offert à tous (bonheur collectif de l’Utopie).
- le port offre ainsi un panorama de New York sans frontière visuelle : « embrasse d’un seul coup d’œil l’immense horizon maritime », « la grande ville inconnue » = infini géographique (adjectifs hyperboliques « immense », « grande »), non lieu (u / topos) associé à la mer et à la ville, univers en apparence antithétique, territoire de tous les possibles, l’adjectif « inconnue » à la fin du chapitre annonçant l’aventure à venir.
I.2. Une terre promise
« La Terre promise représente ce que la Bible désigne sous le nom de Terre d'Israël qui fut promise selon les textes par Dieu aux patriarches hébreux Abraham, Isaac et Jacob. Cette notion est également utilisée par les chrétiens en référence au paradis, ou à l'évocation d'une nouvelle terre, comme pour les colons arrivant en Amérique du Nord ou comme l'exploration de la planète Mars. Un passage de la Bible raconte que Dieu aurait promis à Moïse, Aaron et les Israéliens la Terre Promise (La Terre d’Israël actuelle). »
-Le nouveau continent est présenté comme une terre d’accueil pour les exclus, les exilés, désignés par la périphrase hyperbolique « tous les naufragés du vieux monde », le nom étant ensuite repris dans une phrase non verbale constituée d’une accumulation de termes à connotation affective suscitant le pathétique (« naufragés », « malheureux », « mécontents ») ; ce champ lexical des bannis se poursuit avec « insoumis », « revers de fortune », « chasse », « victimes »x2, « sacrifiés ».
-Impression de nouveau départ pour des voyageurs qui ont tout perdu : « ceux qui ont des revers de fortune ; ceux qui ont tout risqué sur une seule carte ; ceux qu’une passion romantique a bouleversés » = énumération accentuée par le parallélisme anaphorique qui associe la perte d’argent, de chance et d’amour ; impression d’êtres écorchés par le présent à valeur de passé proche.
- Un territoire de tous les possibles
- quel que soit sa nationalité : plus d’une douzaine d’occurrences essentiellement européennes (à relever) = cosmopolitisme du port en lien avec un nouveau pays qui naît avec ces colons (Terre Promise = territoire colonisé) ;
- quel que soit son appartenance politique : voir I-1 pour le champ lexical de ce thème : « socialistes », « mystiques russes » (= anarchistes), « idéologues », « phalanstériens », « carbonari », « patriotes », « carlistes », « libéraux », « complices de Bolivar »);
- quel que soit son métier : « petits artisans », « paysans » « ouvriers, soldats, marchands, banquiers de tous pays » (gradation qui semble ouverte et joue comme une liste à compléter qui mêle les riches et les pauvres, toutes les catégories sociales) ;
- quel que soit ses valeurs : « les hommes libres, les insoumis » (glorification poétique par la juxtaposition de termes valorisants + jeu d’assonance en « i » et d’allitération en « l ») ; « le philosophe inconnu » (élite intellectuelle, unique, caution de la diversité ? alimente le pittoresque) ; « Des esprits généreux, des têtes fêlées » phrase nominale en chiasme pour réconcilier les contraires = nouveau pays, nouvel ordre ; « brigands » en fausse antithèse avec « patriotes » (hellènes » = grecs) devenus des apatrides.
-Etats-Unis (fondés en 1776 après « la déclaration d’Indépendance »)= Fédération de cette diversité suggérée par un style qui joue d’énumérations et d’accumulations, de la juxtaposition en un rythme dynamique grâce aux phrases courtes, parfois non verbales ; cette longue liste confère même une dimension poétique, chaque terme devenant un référent poétique par son son et son pouvoir de suggestion (esthétique du collage, du simultanéisme, chère aux cubistes ; cf les préceptes « L’Esprit Nouveau »).
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