Faire l'analyse du poème "Liberté" de Paul Eluard

Séquence IV                                "Liberté", de Paul Eluard                        Séance

        Objectif :        Faire l'analyse du poème "Liberté" de Paul Eluard (afin d'étudier la force argumentative de                         la répétition, la constitution d'une allégorie et comment la poésie lyrique peut s'inscrire dans                         un poème engagé)

        Support :         "Liberté", Poésie et vérité, Paul Eluard

Travail préparatoire :

À travers ces 22 strophes, Paul Éluard s’adresse non pas à  la destinataire à l’origine du poème qui était la femme aimée mais à la Liberté, qui apparaît dans la dernière strophe, strophe différente des autres par sa brièveté. La répétition de structure des strophes et l’anaphore du « sur » peut apparenter le poème à une litanie car un rythme lancinant, incantatoire presque, s’installe. Le poète veut montrer ainsi que la Liberté est ou doit être partout, que c’est l’essence de notre quotidien.

"Liberté"

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J’écris ton nom

Sur les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté

Paul Eluard, Poésies et vérités, 1942

Questions

1)     Le poème ne comporte pas de rimes mais obéit à une certaine régularité. Précisez les différents procédés qui lui donnent son rythme.

21 strophes composées chacune de 3 vers de 7 syllabes (heptasyllabes : mètre impair, assez rare) et d’un vers de 4 syllabes + un vers final constitué d’un seul et unique mot de trois syllabes « Liberté » (= mot clé cf. titre).

Absence de rimes régulières (écriture en vers libres) mais jeux sur les sonorités, assonances (ex : « blanches » / « cendres »).

Les vers de chaque strophe commencent tous par « Sur… »

Le dernier vers de chaque strophe est toujours le même = refrain : "J'écris ton nom"

- absence de ponctuation ( aux élèves d'émettre des hypothèses de sens) (à lier avec la liberté des vers libres)

- la litanie (suite monotone et répétitive de paroles) est présente dans le texte : le refrain renforcé par le parallélisme de construction et l'anaphore du "sur".

3 strophes sont en rupture par rapport à ce schéma :

-          strophe 13 le 2ème vers ne commence pas par « Sur… » : « Du miroir et de ma chambre » : cette rupture exprime de manière formelle l’idée de « fruit coupé en deux »

-          strophe 17 3ème vers « Bien au-dessus du silence » : poème écrit donc silencieux mais qui a le pouvoir d’être lu voire crié partout et par tous

-          strophe 21 aucun vers n’obéit à cette répétition : strophe finale à partir de laquelle le poème pourrait recommencer

2)     Certaines strophes peuvent-elles être regroupées en raison de thématiques communes ? Lesquelles ? Pourquoi ? (Vous pouvez vous aider du relevé des champs lexicaux) Donnez un titre à ces différentes "parties" du poème.

-          l’enfance : strophes 1 à 4 (école, livres)

-          les années de formation : strophes 5 à 11(le fiancé, les nuits, la découverte du monde)

-          la vie d’homme : strophes 12 à 16 (maisons, vie amoureuse, chien fidèle, loyer, amour et amitié)

-          le moment présent : strophes 17 à 21(17 à 19 : période noire de la guerre, 20-21 : espoir)

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