Dom Juan Acte 1 scene 2
Fiche : Dom Juan Acte 1 scene 2. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar epislor • 15 Mai 2022 • Fiche • 8 589 Mots (35 Pages) • 360 Vues
Dom juan : Acte 1 scene 2
-la tirade de Dom Juan (la profession de foi du séducteur)
DOM JUAN: Quoi? tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n’est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cours. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J’ai beau être engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d’aimable; et dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d’une conquête à faire. Enfin il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne, et j’ai sur ce sujet l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
Commentaire :
I – La vision de l’amour de Dom Juan
Dans cette tirade, Dom Juan expose sa vision de l’amour. Après avoir vivement critiqué la fidélité (A), il fait l’éloge de l’inconstance (B) puis compare ses conquêtes amoureuses à des conquêtes militaires (C)
A – Une critique de la fidélité
Ce passage s’ouvre sur une vive critique de la fidélité.
La fidélité est dénoncée par Dom Juan comme un emprisonnement, une servitude volontaire. On relève des verbes faisant référence à laservitude et à la contrainte : « qu’on se lie », « qu’on renonce ».
La fidélité est une considérée comme une privation. C’est ce que révèle le vocabulaire à connotation négative et les phrases à la forme négative : « tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? »
Cette privation est d’autant plus insupportable qu’il s’agit d’une privation précoce comparée à une mort prématurée. On observe le champ lexical de la mort : « on renonce au monde », « s’ensevelir » « être mort dès sa jeunesse ».
L’antithèse dans cette dernière expression (« mort » et « jeunesse » sont rapprochés) met en relief le caractère insupportable et contre-nature de la fidélité.
B – Un éloge de l’inconstance
La doctrine amoureuse de Dom Juan se résume à cette phrase clé : « Tout le plaisir de l’amour est dans le changement« .
Le changement est l’essence même de l’amour, de la passion. Il ne peut y avoir d’amour sans nouveauté et sans multiplication des conquêtescar « lorsqu’on en est maître une fois, il n ‘y a plus rien à dire ni rien à souhaiter« .
Pour Dom Juan, l’amour n’est envisagé qu’au pluriel. On peut relever l’abondance des pluriels dans sa tirade : « toutes les autres beautés », « toutes les belles », « aux autres », « le mérite de toutes« , « les inclinations naissantes ». La multiplication des conquêtes est renforcée par l’anaphore en « tout » qui marque le désir mégalomane de Dom Juan de séduire la totalité des femmes.
C – La conquête amoureuse comme une conquête guerrière
Dans la bouche de Dom Juan , la conquête amoureuse prend la forme d’une conquête guerrière.
On relève le champ lexical de la conquête guerrière à la fin de sa tirade : « combattre », « rendre les armes », « forcer », « résistances qu’elles nous opposent », « vaincre », « conquêtes », « triompher de la résistance », « ambition des conquérants », « victoire en victoire », « pour y pouvoir étendre mes conquêtes ».
Les conquêtes amoureuses permettent à Dom Juan d’assouvir son besoin de puissance.
II – Le portrait d’un libertin
A – Un esthète
Dom Juan se présente dans cette tirade comme un esthète qui voue un véritable culte à la beauté : « la beauté me ravit partout où je la trouve ». Le pouvoir qu’exerce sur lui la beauté transparaît à travers le choix de verbes qui connotent une forme de fatalité à laquelle il est impossible de résister : « ravit », « cède », « entraîne », « charmer ».
...