Commentaire Composé : « Colloque sentimental », Verlaine
Commentaire de texte : Commentaire Composé : « Colloque sentimental », Verlaine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Julianna.kenny • 10 Février 2016 • Commentaire de texte • 1 573 Mots (7 Pages) • 3 832 Vues
Kenny 1eS3
Julianna 15/11/15
Commentaire Composé : « Colloque sentimental », Verlaine
L’amour fini est un thème sans cesse évoque dans le monde artistique, notamment dans le domaine de la poésie. Verlaine n’est pas l’exception. Poète symboliste du XIX siècle, il s’y prendra à cette thématique nombreuses fois, comme dans son poème « Colloque sentimental » du recueil « Les fêtes galantes » paru en 1869. Après la dominance naturaliste pendant cette période, les auteurs comme Verlaine sont poussés à chercher une libre expression des sentiments par moyen de l’écriture. Dans cette poésie, nous voyons se dérouler une scène entre deux amants dont l’amour n’existe plus, néanmoins, l’un des deux porte encore un feu de passion. Nous posons donc les suivantes questions : comment Verlaine arrive-t-il à détourner le topos littéraire du rendez-vous amoureux, et comment refuse-t-il d’idéaliser le souvenir et prend le contre-pied du stéréotype amoureux ? Pour tenter de répondre à ces interrogations, nous verrons la représentation du couple hors du commun et ensuite le thème omniprésent du colloque en soi.
Comme nous l’avions déjà mentionné, il ne s’agit pas d’une histoire amoureuse traditionnelle dans ce poème. L’auteur décide plutôt de développer une rencontre considérablement plus marquante ; et il met en jeu la forte conception spirituelle du monde caractéristique des symbolistes. Après une lecture préliminaire, le lecteur comprend immédiatement que quelque chose est hors du commun.
Dès les premiers vers, les deux personnages ne sont pas clairement définis ni décrits, mais d’ailleurs désignés comme des « formes » v.2. Graduellement, nous voyons apparaître un champ lexical surprenant ; celui de la mort : « vieux » v.1, « morts » v.3, « spectres » v.5 et « ancienne » v.7. Nous comprenons qu’il s’agit de deux spectres, qui s’aimaient autre fois et qui sont maintenant séparés. Verlaine continue à dépeindre la situation de manière de moins en moins concrète. Le couple avance dans le moment, pourtant les repères temporels sont confondus. Nous commençons la narration avec l’utilisation du passé composé, exprimant un lien avec le présent : « ont passé » v.2. Un changement a ensuite lieu et Verlaine utilise un présent de l’indicatif marquant une certaine vivacité : « vois-tu » v.10, « bat-il » v.9. D’autre part, nous faisons face à l’emploi de l’imparfait dans les derniers vers de la poésie : « ils marchaient » v.18, et « il était » v. 14. Ce temps attire bien l’attention puisqu’il est révélateur d’une habitude. Nous restons donc avec l’impression qu’un cycle éternel a lieu entre les deux spectres, à la fois séparés et liés éternellement. Ce cycle est rompu brutalement lors du dernier vers avec le passé simple « entendit » v.16. Le lecteur est transporté au présent, distancié des personnages qui eux, se trouvent dans un passé sans fin. L’effet flou du temps est ajouté à la description du cadre spatial de l’action. Nous sommes placés dans un monde fantomatique, dont le rythme est un signal. Le poème porte une certaine musicalité assez lente provenant de la répétition du vers « Dans le vieux parc solitaire et glacé ». Ce petit refrain dégage un air de mélancolie notable, combiné avec le calme rythmique des premiers vers. La solitude joue aussi un rôle important dans le décor. Une répétition du mot « solitaire » est faite aux vers 1 et 5, puis nous revenons à la même idée à la fin avec l’expression « la nuit seule entendit leurs paroles » au v.16. On comprend que le couple se trouve dans un monde parallèle au notre mais isolé. Ils sont entourés par une ambiance mélancolique et glaciale, silencieuse.
Verlaine poursuit donc une représentation assez unique du couple en question. Il s’agit de deux spectres séparés et joints, ne pouvant trouver une sortie de leur éternité.
Verlaine n’est pas intéressé à donner une fausse image de l’entretien. Il cherche précisément à signaler la brutalité et même la cruauté d’un amour qui n’est pas correspondant.
L’auteur choisit une forme d’écriture inhabituelle pour nous montrer la communication : le dialogue. Nous voyons une discussion se dérouler entre les deux spectres, froide et argumentée. La forme choisie par l’auteur rend donc l’action notamment plus vivace. Dans la conversation, deux voix peuvent être clairement identifiées, et un fort contraste entre les deux saute aussi à l’œil. La première voix cherche encore une correspondance quant à ses sentiments, elle fait une persuasion très discrète en jouant avec la nostalgie : « Te souvient-il de notre extase ancienne ? »v.7, « les beaux jours de bonheur indicible où nous joignions nos bouches » v.11 à v.12. L’argument fait est clair : la vie est meilleure quand ils sont ensembles. Pourtant, la nostalgie n’est pas le seul moyen de persuasion. Cette voix amoureuse fait aussi des inclusions de et avec sa deuxième moitié : « notre extase » v.7, « nous joignions » v.12, « nos bouches » v.12. Il s’agit d’un débat discret, dont les arguments visent à gagner un amour réciproque. Le lecteur est lui aussi inclus dans la narration avec l’utilisation du pronom « on » (« l’on entend à peine leurs paroles » v.4). Ce côté de l’histoire n’est quand même pas le seul. Nous revenons à la forte opposition que fait la deuxième voix face aux arguments de la contre partie. Dès la longueur des répliques, il est évident que l’effort est porté par la première voix, alors que la deuxième répond de manière directe et surtout courte. Prenons l’exemple des vers 11 et 12. La première voix demande : « Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ? Toujours vois-tu mon âme en rêve ? ». Face à ces remarques, l’opposition se daigne de répondre simplement « Non ». D’autre part, nous remarquons que même les pronoms employés des deux côtés se différencient. Alors que la première voix emploie le « tu » pour désigner le récepteur de son affection (« vois-tu » v.16), la deuxième voix parle avec plus de distance et froideur, utilisant le pronom « vous » (« voulez-vous » v.8). Verlaine fait appel aux figures de style pour bien illustrer la communication discordante ayant lieu. La deuxième voix utilise une personnification de l’espoir pour répondre à l’image de joie que crée la première : « L’espoir a fui » v.14. La deuxième voix construit aussi un parallélisme entre l’argument mis en place par l’opposition et sa réplique. Alors que la première voix mentionne « bleu, le ciel » au vers 13, la deuxième répond avec « le ciel noir » au vers 14. Ces figures de style marquent d’autant plus la force de conviction que porte en soi la deuxième voix.
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