Analyse du poème Colloque sentimental de Verlaine
Commentaire de texte : Analyse du poème Colloque sentimental de Verlaine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Emma Auriel • 11 Juin 2019 • Commentaire de texte • 1 188 Mots (5 Pages) • 4 316 Vues
Colloque Sentimental
Dernier poème du recueil, à mettre en relation avec le précédent, et sans doute le premier (Clair de Lune) : les personnages ne sont plus d’insouciants danseurs, mais des « spectres » (v.6), évoquant le fantôme de l’amour passé.
Composé de huit distiques (on appelle distique un groupe de deux vers, rimant entre eux, et possédant une autonomie de sens).
La disposition des strophes mime le sujet du poème : comme les deux spectres dans le parc glacé, les strophes de deux vers sont isolées dans le blanc de la page.
Trois premiers distiques = décor et personnages.
Quatre suivants = cœur du poème, dialogue lié au thème fondamental du texte : le rapport au passé qu’entretiennent d’anciens amants, rapport manifestement différent pour chacun des deux spectres.
Distique final = effacement des spectres et de leurs propos dans la « nuit », fermant ainsi le recueil entier sur l’idée de la solitude des êtres et de la mort des sentiments.
Titre « Colloque sentimental » = dialogue central des anciens amants
Mot « colloque » = « conversation entre deux ou plusieurs personnes » (note 1.), utilisé surtout pour un débat savant ou politique : légèrement ironique.
Le décor
Parc = précédemment lieu de joyeuse réunion, associée à la douceur de la nuit. Ici, adjectifs « solitaire » et « glacé » = antithèse du parc galant
Vers 1 et 5 semblables : Mêmes adjectifs qui reviennent, suivis du mot « spectre » au vers 6.
froid de la mort, revenants de la littérature fantastique du XIXème siècle
Les personnages
Le mot « formes » (v. 2) est plus neutre que « spectres » (// silhouettes imprécises des danseurs en contexte joyeux).
Vers 3 : « Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles »
Absence terrifiante du regard, décrépitude de la chair (déchéance des parties les plus délicates du corps, et les plus symboliques :
yeux = vie, ardeur, lèvres = sensualité, baiser.
mort de l’amour.
sobriété du tour syntaxique (deux sèches propositions symétriques)
écho de la voyelle grave O (« morts, molles ») => certaine brutalité, cruauté du poète.
Vers 6 : « Deux spectres ont évoqué le passé »
« évoquer le passé » = expression anodine, d’un registre courant, contexte sans gravité => humour grinçant
Le Dictionnaire Robert donne en premier sens : « évoquer les âmes des morts ».
// invocation - sens étymologique : rappeler au jour ou à la vie (par un pouvoir occulte).
Colloque = invocation par la parole d’un monde mort, sorte de cérémonie nocturne où deux fantômes tirent brièvement du néant un amour défunt.
Deux spectres anonymes (distiques 4 et 5)
spectre questionneur = homme ou femme ?
Identité biographique ? (Verlaine et sa cousine Elisa ?)
= anonymat, intemporalité, universalité de ce dialogue : deux êtres se sont aimés ; longtemps après, ils se retrouvent. L’un se souvient, l’autre non.
Le langage du spectre questionneur
= style littéraire et suranné propre aux personnages des Fêtes galantes :
- « Te souvient-il de » pour « te souviens-tu de » (v. 7).
- « Extase » pour « plaisir suprême »
=> registre recherché, vocabulaire précieux de l’amour
Réponse : « Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ? »
=> question calquée sur les mots mêmes de la question :
- Ancienneté de « l’extase » ?
- Refus hautain de se souvenir – de revivre cette extase
Différence entre :
tutoiement tendre de la question => vouvoiement distant de la réponse
Les questions
Dissymétrie entre les questions du distique 4 et la place
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