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Balzac, la peau de chagrin

Dissertation : Balzac, la peau de chagrin. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Novembre 2019  •  Dissertation  •  3 271 Mots (14 Pages)  •  15 190 Vues

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Dissertation

Balzac, La Peau de Chagrin

Un auteur inconnu a écrit à propos du fantastique : « Dans l’univers fantastique, l’homme est pris au piège. Nulle perspective ne s’ouvre à lui, et tout est joué d’avance pour des hommes qui cependant s’éprouvent libres. C’est ici que le fantastique rejoint la tragédie. ». Ainsi, on peut se demander si cette citation s’applique à La Peau de Chagrin. En effet, dans cette citation, le fantastique est mis en parallèle avec la tragédie à travers la fatalité. La question que l’on peut se poser est : Balzac a-t-il fait de Raphaël et sa découverte de la peau de chagrin l’élément principal de ce parallèle entre le fantastique et la tragédie ou bien est-ce l’ensemble du roman qui permet d’introduire cette dimension ?

Nous verrons tout d’abord qu’en effet, Raphaël va être confronté à la fatalité, mettant ainsi en lien le fantastique et la tragédie. Toutefois, les personnages, les lieux et la structure du roman intègrent aussi le fantastique et la tragédie à La Peau de Chagrin. Enfin, nous nous demanderons si la citation s’applique aussi à l’ensemble de La Comédie humaine.

Tout d’abord, nous verrons que Raphaël est un héros fantastique et que la découverte de la peau de chagrin va renforcer le côté fantastique de l’œuvre. En effet, le héros fantastique a presque systématiquement une réaction de refus, de rejet ou de peur face aux événements surnaturels qui surviennent. C’est le cas de Raphaël, qui, ayant compris le danger de la peau de chagrin va la jeter au fond d’un puits, et lorsqu’elle réapparaîtra, il tentera par tous les moyens de l’étirer afin de gagner du temps de vie. La peur que Raphaël ressentira a pour but de contaminer le lecteur. Selon Sigmund Freud, une œuvre fantastique aurait en fait pour but de provoquer la peur afin de générer une catharsis chez le lecteur. Cette peur viendrait du fait que la littérature fantastique a pour habitude de révéler des choses que nous ne voulons pas voir, comme par exemple le dilemme central du roman « vivre avec excès et s’user ou vivre longtemps mais sans passions ? ».

De plus, dans une œuvre fantastique, l’élément déclencheur est fantastique. Dans La Peau de Chagrin, ce critère est respecté. En effet, la découverte de la peau de chagrin, qui est un élément fantastique, va bouleverser les convictions de Raphaël et faire prendre à sa vie un nouveau tournant. Ainsi, Raphaël allait se suicider, mais lorsqu’il entre dans le magasin d’antiquités et prend possession de la peau de chagrin, il formule aussitôt le souhait d’un repas luxueux et ne pense plus du tout au suicide. Cependant, il finira par comprendre que la peau de chagrin est en fait néfaste. C’est une autre caractéristique du fantastique, qui est une littérature de la souffrance, de la folie, et de l’échec. Alors, qu’il pense être sauvé, la peau de chagrin entraînera finalement sa mort.

La peau de chagrin est un élément fantastique du roman. Ainsi, Balzac souhaite donner l’illusion du réel en choisissant un objet très commun. La peau de chagrin était en effet quelque chose de très répandu à l’époque, puisque le terme désignait la peau de ces animaux dont on fabriquait tambours, chaussures ou reliures de livres. De plus, lorsque Raphaël la voit pour la première fois, il la compare à une peau de renard, ce qui est aussi assez commun.

        Mais Raphaël et la peau de chagrin n’entrent pas seulement dans le registre du fantastique puisqu’ils obéissent aussi aux caractéristiques d’une œuvre tragique. En effet, l’intrigue typique d’une tragédie met rapidement en place une situation face à laquelle le héros devra faire un choix qui déterminera le reste de sa vie. Il s’agit d’une épreuve initiatique. Son choix l’élèvera au rang de héros puisqu’il va porter une part de divin en lui :  jusque-là, il n’était qu’un homme comme les autres. Malheureusement, cette part le condamnera à la fin de l’œuvre. Lorsque Raphaël va accepter le terrible marché de la peau de chagrin, il va commettre le péché typique de la tragédie : il est à la fois victime d’une force divine plus puissante que lui et à la fois de son hybris. L’antiquaire le mettra en garde en introduisant le thème du « vouloir, pouvoir, savoir ». Selon lui, le désir nous consume, le pouvoir nous détruit et la connaissance nous apaise. Ainsi, l’antiquaire incite Raphaël à choisir la connaissance et non pas le désir ou le pouvoir. Cependant, Raphaël ne l’écoutera pas et c’est seulement à la fin du roman, lorsqu’il sera malade et au bord de la mort, que Raphaël comprendra ce qu’avait voulu lui dire l’antiquaire. Dans les tragédies, le héros meurt en se sacrifiant, afin de réparer son erreur. C’est ce que va faire Raphaël, lorsqu’il sauvera Pauline de la mort en se tuant. La notion de catharsis se retrouve aussi dans la tragédie puisque selon Aristote, toute bonne tragédie doit susciter la pitié et la terreur afin de provoquer une catharsis chez le lecteur : le lecteur doit se libérer de ses passions. De plus, dans les tragédies la force maléfique est rarement représentée par un homme. C’est le plus souvent une force divine, comme dans La Peau de Chagrin, où la peau possède un pouvoir dépassant largement celui des mortels.

        Dans La Peau de Chagrin, Balzac va beaucoup utiliser la notion de fatalité. Tout au long du roman, Raphaël sera pris au piège et pensera être libre de ses choix et pouvoir éviter la mort. Pourtant, dès son premier choix, il sera en fait guidé par une force divine dont il n’a pas conscience. « Si tu me possèdes, tu possèderas tout. Mais ta vie m’appartiendra. Dieu l’a voulu ainsi. Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. A chaque vouloir je décroîtrai comme tes jours. Me veux-tu ? Prends. Dieu t’exaucera. Soit ! ». L’avertissement lié à la peau de chagrin est en fait illusoire. En effet, au final, Raphaël apparaît comme marqué par une fatalité qui le prive de son libre-arbitre, malgré les apparences. Raphaël finira donc par se rendre compte qu’il a été manipulé par une force supérieure contre laquelle il est impuissant, et qui l’entraîne vers une issue fatale. C’est pourquoi lorsqu’il jettera la peau de chagrin dans un puits afin de s’en débarrasser, elle réapparaîtra un an plus tard. Il ne peut pas échapper à son destin. De même, alors que Raphaël se pensera sauvé de la mort grâce à l’acquisition de la peau de chagrin, elle lui prolongera simplement son temps de vie. La mort est ainsi inévitable.

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