Analyse linéaire Colette le goût des détails
Fiche : Analyse linéaire Colette le goût des détails. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cyriane Legardeur • 15 Février 2023 • Fiche • 1 950 Mots (8 Pages) • 3 109 Vues
- LECTURE LINEAIRE N°2 : « Le goût des détails » - Sido, Colette –
Colette écrit dans le Fanal bleu : « Choisir, noter ce qui fut marquant, garder l’insolite, éliminer le banal, ce n’est pas mon affaire, puisque, la plupart du temps, c’est l’ordinaire qui me pique et me vérifier. » Dans Sido, Colette manifeste ce goût pour les détails, l’insignifiance apparente des petites choses. Dans cet extrait, Léo, le frère de Colette, est retourné à Saint-Sauveur. Il est venu lui raconter son pèlerinage au château qui a changé de propriétaire, lequel a réparé la « grille de son enfance » qui chantait. De quelle manière Colette donne-t-elle vie à un souvenir d’enfance partagé ? PLAN avec les mouvements du texte : Lignes 1 à 16 : le minutieux récit d’un pèlerinage
Lignes 17 à la fin : la chute, la révélation de la confrontation avec la réalite.
- Dialogue entre un frère, Léo et sa sœur, Colette
- RAPPEL du pacte autobiographique : JE = auteur = narrateur = personnage
- Dialogue rapporté au discours direct afin de conserver la saveur de l’oralité = signes de ponctuation expressifs avec … / ! / ?/ -
- « C’est tout, vieux ? » = interrogation directe totale = familiarité et impatience de la narratrice qui ouvre l’extrait
- Le terme « vieux » évoque à la fois la proximité familiale avec le frère et fait référence à l’enfant d’alors, qui a grandi.
- Exclamation avec la phrase averbale « Minutes » qui capte l’attention de sa sœur en la faisant attendre et retarde la révélation 🡺 il crée l’impatience de connaître la suite avec l’interrogation directe partielle « Et ?... »
- La manière de s’exprimer de Léo manifeste des traits de son caractère : adverbe « férocement » (« ferus » en latin = bête sauvage => frère indomptable), adjectif « incisive » (= Qui atteint profondément, qui touche, blesse, précis à l’extrême) + verbes « répéta », « si j’ose appeler » = recherche de la précision, du terme exact.
- Souci de donner à voir avec l’emploi du présent de narration (faire vivre l’expérience) : « je monte… Je m’en vais… » + utilisation des sens pour représenter la scène (odeur « mare infecte »)
- Conteur aguerri car emploi de métaphores pour désigner le lieu « canal » = « cette mare infecte » + « cette soupe de moustiques et de bouse » = négativité
- A la fois structuration de la narration : 2 X conjonction de coordination « donc » qui marque moins la conséquence que la succession temporelle, la succession d’actions et « passons » (impératif présent) pour éviter de s’attarder, sans le faire vraiment
- Aspect pictural de la vision du frère de Colette + proximité des deux personnages : liens fraternels, familiaux marqués par la connivence, la complicité, la familiarité du dialogue. Colette raconte elle-même ce souvenir à la manière d’une scène de théâtre, au discours directe pour actualiser, rendre vivant le passé.
- La révélation retardée
- Importance de l’attitude « il tourna », « sans me voir », « sourire vindicatif » (adjectif qui rappel « incisif » et « férocement »)
- Poursuite de la révélation : verbe « avouer » (2 fois) + expression des sentiments « je n’ai pas aimé particulièrement » = tournure négative, révélatrice d’un dégoût.
- Utilisation des italiques : pronom « ils » péjoratif = on devine implicitement qu’il s’agit des nouveaux propriétaires des lieux.
- Présentation en incise de détails géographiques « devant la grille, derrière les écuries aux chevaux » et d’approximations « une espèce de préau à sécher la lessive » = recherche de la connivence par le rappel de souvenirs restés précis. Les lieux sont inscrits dans la mémoire.
- Evocation d’un moment central, cardinal dans la construction de la personnalité de Léo = pourtant anecdotique, futile 🡺 disproportion entre ce qui paraît revêtir une importance capitale, vitale pour Léo ou les autres.
- Evocation du moment fatidique
- Opposition avec la conjonction adversative « mais » + tournure négative « je n’y ai pas trop fait attention » + proposition subordonnée conjonctive qui indique la cause « parce que j’attendais le « moment de la grille » » = expression un peu énigmatique placée entre « «… » : importance qu’elle revêt pour lui mais qui a besoin d’être explicitée
- Interrogative « Quel moment de la grille ? »
- Incommunicabilité entre le frère et la sœur : la connivence devrait se passer d’explication : manifestation de son agacement à l’aide de l’expression « il claqua des doigts » + adjectif « impatienté »
- Rappel à leurs souvenirs communs : « Voyons » + reprise du même verbe (Colette est amenée à visualiser la scène dépeinte par son frère) « tu vois » = forme de constat au présent dans une phrase interrogative totale
- Après la vue, référence au toucher avec la supposition « comme si… » qui amène à faire ressurgir le passé « comme si j’allais le saisir » + reprise du verbe « voir » au passé simple : retour à la narration + locution adverbiale « en effet »
- Incise entre les deux tirets : « de fer noir, poli et fondu » = rythme ternaire avec les adjectifs.
- Le rythme marqué par des interruptions fréquentes, des ruptures de rythme contribuent à la dramatisation de l’instant qui est essentiel pour le frère de Colette. Les petites choses acquièrent une importance capitale dans la vie et marque durablement. Les perceptions sont inscrites dans la construction de la personnalité du « sylphe » qu’est le frère de Colette.
- La communion des souvenirs entre le frère et la sœur
- Identification de souvenirs communs le retour en arrière et le vocabulaire de la perception : « Je le vis » (verbe qui participe à la narration avec le passé simple) + la locution adverbiale « en effet » + acquiescement du frère avec adverbe « Bon » = indication qu’ils se comprennent et ont conservé des souvenirs communs.
- Indication d’une temporalité avec deux adverbes successifs : « Depuis toujours »
- Théâtralisation d’une sorte de mise en scène par le frère de Colette : « quand on tourne comme ça » = présent de vérité générale + pronom démonstratif qui n’est compréhensible que dans la situation d’énonciation. + « et qu’on laisse aller la grille » 🡺 2 verbes qui suggèrent une action.
- Appel à des souvenirs communs par l’emploi du pronom personnel « on »
- Indication d’une didascalie en incise : « il mimait »
- Personnification de la porte : « elle s’ouvre » + « elle dit »
- Ponctuation : les points de suspension « et en tournant elle dit… » : effet d’attente qui permet aux deux personnages d’intervenir en même temps.
- Discours direct : « I-î-î-an… » = aspect grinçant, voire musical, avec les accents circonflexes sur les i
- Champ lexical de la musique : « chantâmes », « « une seule voix », « sur 4 notes ».
- Connivence et entente établies par l’adverbe « oui ». Colette a rejoint son frère dans ses souvenirs.
- L’auditrice qu’est Colette complète le récit avec son frère. Il devient polyphonique. Il est fait à plusieurs voix et les voix chantent. Les deux adultes évoquent des souvenirs communs et se retrouvent plongés en enfance. Ce moment célèbre le souvenir retrouvé et redevenu présent à leur conscience. Les détails prennent une dimension particulière. Le grincement de la grille se fait chant dans le souvenir des adultes qui s’aperçoivent que le monde change et peinent à l’accepter.
- La révélation finale = l’importance du détail
- Attitude du frère de Colette marque son impatience : verbe « danser » (= sorte de fragilité, de légèreté et de ballet) + adverbe « fébrilement » => tic nerveux envisagé de manière poétique
- Succession d’actions au passé simple qui permettent de distinguer le récit (au passé simple) du discours (au passé composé) : « J’ai tourné » + « j’ai laissé aller » + « j’ai écouté » + « ont fait » ≠ présent de l’interrogative : « Tu sais… ? » = présent d’énonciation. Les actions passées ont une incidence sur le présent.
- Le rythme est marqué par les interruptions fréquentes des points de suspension qui contribuent à fortement dramatiser cet instant. Idem pour la matérialisation des coupables avec le pronom personnel « ils » en italiques présent dans l’interrogative ainsi que dans la phrase déclarative : « Ils ont huilé la grille » => l’implicite est désormais l’absence de musique produite par cette grille.
- Récit passionné devient dépassionné par le constat assorti de l’adverbe « froidement ».
- Léo est cruellement déçu par la réalité retrouvée au terme de son pèlerinage. Le banal, le quotidien, la simplicité marque plus que toute autre chose et la narration qui en est faite prend des accents épiques et presque tragiques. Ça n’est pas la mort des choses qui est vécue mais celle du temps passé de l’enfance où l’émerveillement portait sur de petites choses.
- La relecture de la situation par Colette, adulte et le regard porté sur son frère
- Attitude du frère de Colette décryptée par la narratrice adulte : sorte de fuite verbe « partir » / « s’en alla » (un peu plus loin, l. 22) + succession des 2 adverbes « presque aussitôt »
- Constat à l’imparfait : fin de la révélation : « Il n’avait pas autre chose à me dire. »
- Comparaison du frère de Colette à une sorte de grand insecte : « Il replia les membranes humides de son grand vêtement »
- Tournures négatives avec « dépossédé (négation lexicale) + « en vain »
- Champ lexical de la musique repris : « quatre notes », « son oreille musicienne »
- GN au superlatif « la plus délicate offrande » dont l’expansion dernière « dédiée au seul enfant qui en fût digne » insiste par la relative au subjonctif imparfait sur le caractère exceptionnel de Léo. Le terme « offrande » se rapporte aussi au domaine du religieux, conférant un caractère sacré au grincement.
- La succession des compléments d’agent : « composé par un huis ancien, un grain de sable, une trace de rouille » = insistance sur la valeur des petites choses et des petites choses insignifiantes, voire négatives.
- Colette donne une idée de l’aspect physique de son frère mais suggère surtout son étrangeté profonde de « sylphe », ou d’enfant sauvage qui ne comprend pas le monde moderne et fonctionnel mais voit de la poésie en toute chose, même dans ce qui semble le plus prosaïque.
Dans cet extrait de Sido, Colette évoque son frère par l’intermédiaire d’un souvenir, en apparence insignifiant, qu’il lui rapporte : la musique d’une grille qui grince. C’est l’occasion pour l’auteur de raviver le souvenir d’un personnage qui a marqué son enfance mais aussi de convoquer la banalité apparente du quotidien qui prend ici une importance considérable. Ce sont les détails qui permettent d’accéder à la poésie du monde, d’un monde qui paraît immuable au premier abord mais qui est fuyant, changeant, insaisissable. Seuls la mémoire et les souvenirs permettent de les raviver. La théâtralisation de la scène, le discours direct, la convocation des sens, la familiarité de la langue restituent la spontanéité des rapports fraternels. L’enfance est donc pour Colette la collecte de petits « morceaux de vie » qu’elle fait revivre par l’écriture. Francis Ponge, dans son recueil Le Parti pris des choses publié en 1942, réenchante le quotidien et fait d’un objet trivial comme « Le Cageot » par exemple une réalité qui prend vie et acquiert une dimension symbolique en montrant le caractère éphémère de toute chose, comme une sorte de vanité.
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