Alcools, recueil de poèmes

“Zone”, document élève

OE LA POÉSIE DU XIXème AU XXIème siècle ALCOOLS OI P.11 ET 12 E. L. N°1

“Zone”

1 A la fin tu es las de ce monde ancien

2 Bergère ô tour Eiffel le troupeau des pont bêle ce matin

3 Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine

4 Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes

5 La religion seule est resté toute neuve la religion

6 Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation (1) terrain en Essone près de Paris considéré comme le

premier aérodrome organisé.

7 Seul en Europe tu n’es pas antique Ô Christianisme

8 L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X (2) Pape de 1903 à 1914 ; très hostile au modernisme.

9 Et toi que les fenêtres observent la honte te retient

10 D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin

11 Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut

12 Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux

13 Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières

14 Portraits des grands hommes et mille titres divers

15 J’ai vu ce matin une rue dont j’ai oublié le nom

16 Neuve et propre du soleil elle était le clairon

17 Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes (3) secrétaires qui tapent à la machine et

18 Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent maîtrisent la sténographie

19 Le matin par trois fois la sirène y gémit

20 Une cloche rageuse y aboie vers midi (...)

si c’est possible, nous ajouterons les vers 21 à 24...

Introduction

Amorce possible : tour Eiffel célébrée au vers 2, symbole de la modernité + peinte par les cubistes.

2ème de couverture, tableau de Delaunay.

Symbolise bien l'œuvre de Guillaume Apollinaire, une des figures de l’avant-garde artistique du début du XXe siècle. Ami des cubistes, il cherche dans son œuvre de nouvelles voies d’expression poétique, à l’instar des artistes de son temps. Il crée de nouvelles formes poétiques tels les calligrammes (voir

corpus dissertation)

En 1913 paraît Alcools, recueil de poèmes écrit sur une dizaine d’années qui surprend par l’absence de ponctuation, l’originalité des images, la diversité des formes et affiche la modernité de son auteur d’où sa présence dans le parcours Modernité poétique.

Le titre du poème qui nous occupe, « Zone », renvoie à la bande de terrains vagues qui entourait

Paris, lieu de la marginalité sociale comme la poésie d’Apollinaire est en marge de la poésie

traditionnelle. C’est le récit d’une déambulation tout à la fois dans la ville et dans les souvenirs du poète.

Poème liminaire (premier) du recueil, il le place sous le signe de la modernité et d’une esthétique

nouvelle, ce qui apparaît dès les 23 premiers vers, notamment grâce à une organisation du texte non

traditionnelle, l’absence de ponctuation, les vers libres de longueur variée.

-2 questions-guide au choix : comment ce poème allie-t-il nouveauté créatrice et tradition ?

: comment ce poème transfigure-t-il la réalité quotidienne ?

MVTS 1 (vers 1 à 5) la revendication de la modernité / de la nouveauté

2 (vers 6 à 9 ) un regard neuf qui modernise la religion

3 (vers 10 à 14 ) apologie de la modernité d’une rue industrielle

4 (vers 15 à la fin ) apologie de la modernité d’une rue industrielle

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MOUVEMENT 1 : la revendication de la modernité / de la nouveauté La

revendication passe par le rejet de l’ancien mis en relief par les trois premiers monostiches.

1 A la fin tu es las de ce monde ancien

-auteur et lecteur peuvent s'identifier à travers le « tu », qui nous invite à suivre les déambulations d'un citadin dans la ville de Paris. En tout cas, invitation au lecteur à adopter son point de vue.

-”las de” (définition) : fatigué et dégoûté de

A / la / fin / tu / es / las / de / ce / mon / de an / ci / en (diérèse) = insiste sur l’élément rejeté

-envie du modernisme annoncée paradoxalement avec un alexandrin, vers traditionnel. Marque un désir non encore réalisé de voir apparaître un monde nouveau qui n’existe pas encore. -« A

la fin ». le CCT renforce le sentiment que l’on est sur le point de voir apparaître un nouveau monde.

2 Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

IDÉE : la Tour Eiffel fut l’emblème de l’exposition universelle de 1900 ; donc un symbole de la modernité.

- la célèbre par l’apostrophe “ô”. Construite pour l’exposition universelle de 1889, sa modernité séduit Apollinaire.

- la bergère en font une figure protectrice et indispensable à la ville de Paris

-métaphore filée soit : Bergère : robe de forme évasée et sortes de dentelles métalliques = silhouette de bergère.

Troupeau = les automobiles en train de s’engouffrer toutes à la fois.

Moutons bêlent = conducteurs klaxonnent. (// v. 72, les “troupeaux d’autobus mugissants”).

3 Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine

Tu = la Tour Eiffel, symbole de la modernité (neuve / en fer) est fatiguée d’être entourée d’antiquités.

-comment se traduit la lassitude ?

“assez” : adverbe indique que le “vieux Paris” est devenu insupportable

“l’antiquité grecque et romaine”, donne ici une image péjorative du Paris historique, le reproche est exagéré par la référence à «l’antiquité

4 Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes

Une des premières voitures en 1898

4 Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes

IDÉE les premières automobiles datent de la toute fin XIXème, elles sont donc modernes MAIS :

l’adverbe de lieu, “ici” désigne Paris, décrit au vers 3 comme dominé par des éléments antiques.

Ce vers signifie donc que *même l’automobile, jeune invention de 20 ans, apparaît comme vieille dans le cadre parisien.

*même : adverbe intensif qui marque un renchérissement, une gradation.

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