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Yasmina Reza / "Art"

Commentaire d'oeuvre : Yasmina Reza / "Art". Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Février 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 785 Mots (8 Pages)  •  2 380 Vues

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Explication linéaire de l’extrait de Yasmina Reza, « Art » (p. 194-196)

Problématique :

Montrer comment un stratagème peut favoriser un dénouement.

Explication linéaire

I. Lignes 1 à 12 (jusque « Yvan tend le feutre à Serge. ») : Un huis clos au bord de l’explosion

a. Par quels procédés la dramaturge rend-elle sensible l’état d’épuisement psychologique d’Yvan ? Des trois amis, Yvan est le plus émotif. Ses nerfs semblent lâcher alors que la pièce touche à sa fin, comme le signalent :

— les phrases inachevées, réduites à une proposition infinitive (« En arriver à de telles extrémités », l. 1‑2) ou à une proposition nominale (« Un cataclysme pour un panneau blanc », l. 2), interrompues par les points de suspension : Yvan n’est plus en état de construire un discours réfléchi et complexe ;

— la grossièreté et le langage trivial (« un panneau blanc », l. 2 ; « une merde blanche », l. 4 et 5 ; « mon vieux », l. 5) : après avoir fait beaucoup d’efforts pour saisir la dimension artistique du tableau, Yvan passe par des périphrases péjoratives qui révèlent le fond de sa pensée ;

— la répétition des mots « une merde blanche », comme s’il avait enfin trouvé l’expression la plus juste pour définir le tableau, et dans une sorte de jouissance à laisser éclater ce qu’il n’osait pas dire jusque‑là : « c’est insensé ce que tu as acheté ! » (l. 5‑6).

— la didascalie « Il est pris d’un fou rire » manifeste sa nervosité. Ce rire est d’ailleurs communicatif puisque « Marc rit, entraîné dans la démesure d’Yvan ».

b. Par quels procédés la dramaturge rend-elle sensible l’état d’épuisement psychologique d’Yvan ? Les répliques d’Yvan sont marquées par des points d’exclamations et des points de suspension : on devine qu’il est très agité. Secoué par un rire irrépressible, il s’esclaffe en s’adressant à Serge et il peine à aller au bout de ses répliques à cause de son hilarité.

c. De quelle manière l’attitude et les interventions de Serge contribuent-elles à donner au spectateur la sensation d’un huis clos oppressant ? Par contraste avec l’hilarité irrépressible de ses deux amis, l’attitude de Serge est glaciale : il garde contenance, comme insensible à leurs rires. La didascalie « Serge sort de la pièce » laisse croire que, vexé, il abandonne la scène ; mais aussitôt une deuxième didascalie révèle que ce n’est pas le cas : « Et revient aussitôt avec l’Antrios ». Ses gestes sont précis

(« au même endroit »), mécaniques et un peu mystérieux. Ses répliques sont inattendues, et sa demande « Tu as sur toi tes fameux feutres ?… » (l. 7) met un terme brutal au fou rire d’Yvan, qui exprime immédiatement sa surprise et son inquiétude : « Tu ne vas pas dessiner sur le tableau ?… » (l. 8). Sur scène, le climat se tend tout à coup, et la détermination du Serge (« Tu as ou pas ? », l. 9 ; « Donne », l. 12) intensifie la tension dramatique. Le feutre, objet normalement anodin, devient une menace pour le monochrome blanc placé au milieu de la scène. En quelques instants, la comédie s’est transformée en un huis clos oppressant. La tension est à son comble : Yvan, Marc et les spectateurs retiennent leur souffle en comprenant où Serge veut en venir.

II. Lignes 12 à 17 (jusque « Marc esquisse un sourire. ») : Le coup de théâtre

a. En quoi le jeu des regards participe-t-il du suspense et du coup de théâtre mis en scène dans ce passage ? Analysez les regards entre les personnages, ainsi que le mouvement progressif du regard du spectateur sur les différentes composantes de la situation scénique (personnages, décor, accessoires). Cette partie du dialogue est presque silencieuse. Elle repose essentiellement sur le jeu des regards entre les personnages. Le champ lexical du regard parcourt tout le passage : « Serge […] observe un instant la pointe », « Il lève les yeux vers Marc », « Il regarde Serge », « Marc regarde Serge », « Sous le regard horrifié d’Yvan », « contemple son œuvre ». Le spectateur, quant à lui, ne peut quitter des yeux l’« arme du crime » à venir, qui circule de main en main (« Yvan tend le feutre à Serge », « Il lève les yeux vers Marc et lui lance le feutre », « Marc l’attrape »), ce feutre dont le capuchon tient lieu de fourreau ou de cran de sécurité (« Serge prend le feutre, enlève le capuchon, observe un instant la pointe, replace le capuchon », « il enlève le capuchon du feutre »).

b. Sur quels procédés comiques l’humour de ce passage est-il construit ? Dans ce très court passage, Yasmina Reza parvient à mettre en place un suspense intenable autour d’un simple feutre. Ce décalage est très spirituel, mais c’est la suite du texte qui joue à plein des ressorts de la comédie, en particulier à travers le comique de situation. Lorsque Marc se met à dessiner sur le tableau, ses camarades sont silencieux. Le spectateur a la sensation d’assister à un sacrilège, à un geste iconoclaste d’une grande violence, comme en témoignent les réactions fortes d’Yvan (hyperbole « horrifié » et exclamations : « Tu ne vas pas le faire !… », (l. 14) ; « Vous êtes fous à lier tous les deux ! »,

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