Pensez-vous que les plus belles réussites poétiques soient liées à l’expression du sentiment de douleur ou de tristesse ?

Baudelaire a écrit dans ses Notes Nouvelles sur E. Poe que « le ton le plus poétique de tous » est « le ton mélancolique ». Pensez-vous que les plus belles réussites poétiques soient liées à l’expression du sentiment de douleur ou de tristesse ?

Analyse du sujet.

Le type de plan : la formulation « pensez-vous » suggère que nous avons affaire à une dissertation dialectique : il va falloir reformuler la thèse de Baudelaire et envisager une thèse adverse.

Les mots clés :

• Ton : le terme est à creuser car c’est le cœur de la citation à discuter. Qu’a voulu dire Baudelaire ? « Ton » est emprunté d’abord au vocabulaire de la musique, désignant le timbre ou l’intensité d’une voix ou d’un instrument. Il est employé plus tard par la peinture pour renvoyer à la teinte, à l’effet dominant des couleurs d’une toile. Employer le terme « ton » pour qualifier la poésie est donc d’abord métaphorique. Il s’agit de l’effet produit, de l’impression générale qui se dégage du texte. On ne peut le réduire aux sentiments qu’il décrit, même si les sentiments du poète sont à l’origine de cette impression globale. De même, il ne s’agit pas seulement du thème. Le thème participe au ton, mais c’est aussi la manière de traiter ce thème, la « partition » constituée par le poème, par l’agencement des mots, qui va créer un effet.
• « le plus poétique » : on notera bien sûr le superlatif relatif. « poétique » désigne ce qui est propre au genre « poésie » Au XIXe siècle la poésie est encore un genre très contraint, le travail métrique impose un rythme, un jeu sur les sonorités. La poésie donne aussi à voir le monde sous un jour singulier. Pour Baudelaire, ce qui relève du « poétique » désigne aussi un effet global. Un texte « sonnera » comme « poétique », sans doute par le choix de sa composition, par le travail sur les sonorités et les images. Par ailleurs,pour Baudelaire la mélancolie est ce qui est le plus à même de faire de la poésie.
• Ton mélancolique : désigne le ton qui naît du sentiment de mélancolie mais aussi l’effet global qui se communique aux lecteurs par les partitions poétiques, par les émotions transmises, par la composition du poème. On se rappellera par ailleurs de la théorie des humeurs, de la forme que prend la mélancolie pour Baudelaire, le spleen, du contexte du mal du siècle. La consigne le reformule en « expression du sentiment de douleur et de tristesse », « expression du sentiment » ne doit pas être réduit à « sentiment ».
• « les plus belles réussites » renvoient sans doute aux poèmes unanimement reconnus, celles qui ont su toucher le cœur des lecteurs et résister au Temps.

Reformulation et problématisation :

• Nous nous demanderons dans quelle mesure la poésie trouve sa réalisation la plus accomplie dans l’écriture de la mélancolie.

Thèse adverse : On ne peut nier totalement que la mélancolie soit « poétique », mais on peut considérer que la vision de Baudelaire est réductrice.  La poésie peut avoir d’autres objectifs que l’expression de sentiment de mélancolie et l’épanchement lyrique. Les possibilités qu’offre le genre peuvent être investies dans d’autres buts, pour exprimer et communiquer d’autres types de sentiments.

Plan détaillé (le plan organise l’argumentaire, le squelette de ma démonstration) :

I. Certes la mélancolie est « poétique » :

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