Manon Lescaut, L’Abbé Prévost (1731).

Manon Lescaut, L’Abbé Prévost (1731).

Méthode de la dissertation (sujet pages 240-242).

Sujet 1. Dans une lettre de 1734, Montesquieu reconnaît le charme du roman de Prévost, même si, écrit-il, « le héros est un fripon et l’héroïne une catin ». Les protagonistes du roman peuvent-ils selon vous se réduire à ces caractérisations ?

Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur l’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut de Prévost, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.

1. Analyse du sujet.
2. Recherche préliminaire d’arguments et d’exemples.
3. Choix du plan.
4. Plan détaillé.
5. Rédaction au propre.

1. Analyse du sujet.  **Les mots clés, les mots de liaison : une citation de Montesquieu : le « charme » (du latin ‘’carmen’’, chant magique, = un roman qui envoûte, qui plaît, séduit, ensorcèle) ; concession introduite par « même si » (Opposition entre une action, un état, et sa conséquence inattendue, Cause contraire (Bien qu’il ait une forte fièvre, il est sorti)) : termes péjoratifs « fripon », « catin » (un personnage malhonnête, immoral, une prostituée). « Se réduire » : se limiter.

**Reformulation du sujet : Montesquieu reconnaît que Manon Lescaut est un roman qui envoûte les lecteurs bien que les héros soient immoraux. Mais peut-on limiter les personnages de Des Grieux et Manon à ce jugement défavorable ?

**Problématique (le problème littéraire soulevé par le sujet) : le sujet invite à s’interroger sur la signification complexe des deux personnages principaux du roman, sur les valeurs qu’ils incarnent et sur le plaisir de lecture qu’ils suscitent.

1. Recherche préliminaire d’arguments et d’exemples.

1. Des personnages immoraux et condamnables.

Des marginaux, qui s’écartent de leur famille et de la société (la rencontre, Lescaut, mensonges, vols, tricherie …) Leur démesure (les infidélités successives …), les sanctions (prison …). Les vices. Ces péripéties, dignes d’un roman d’aventures, plaisent au lecteur (évasion, vie par procuration).

1. Mais aussi des personnages touchants, leur grandeur tragique.

Victimes des inégalités sociales, l’argent, l’arrogance des riches …La passion, le tragique … Ceci nous attache aux personnages (intimité avec eux, compassion).

1. Des personnages d’une grande complexité.

Des Grieux se questionne sans cesse, il est faible par amour et non foncièrement mauvais, Manon fidèle sentimentalement. Manon insaisissable, un ‘’fantôme’’ … D. G. « un caractère ambigu, un mélange de vertus et de vices, un contraste perpétuel de bons sentiments et d’actions mauvaises ». (p. 18). Nous voyons en eux un miroir de notre propre complexité (analyse de soi, de la « force des passions » (p. 17).)

1. Choix du plan : la question (« selon vous … ces caractérisations » ?) invite à une réponse dialectique (thèse / antithèse / synthèse).
2. Plan détaillé.

1. Des personnages immoraux et condamnables.

1. En marge de leur famille : Des Grieux, jeune noble sage et studieux, s’écarte du chemin « auquel (m)es parents me destinaient » (p. 28), « (m)on père, qui (m)’avait promis de (m)’envoyer bientôt à l’Académie » (p. 28). Manon, « envoyée » à Amiens par ses « parents pour être religieuse », ment à l’homme chargé de l’accompagner (p. 30). Comme Armand, le héros de La Dame aux camélias, qui s’oppose à son père. Le lecteur adolescent ou adulte peut se reconnaître dans cette opposition à la famille. Dans Gigi, Colette met en scène une famille marginale : les grand-mère et grand-tante de Gigi préparent sa prostitution, ce qui est immoral et choquant pour les lecteurs.
2. En marge de la société : Manon et D.G. se mettent hors la loi du XVIIIème siècle (mariage impossible entre un noble et une fille de condition inférieure, délits (vol, tricherie, crime, prostitution punis par séquestration (p. 48), prison (p. 87), déportation). Lecteur instruit de ces fautes graves (‘’Avis de l’auteur’’ : « l’ouvrage entier est un traité de morale », ‘’docere’’). Comme les amants du Diable au corps, dont la liaison est un scandale (femme d’un soldat le trompe avec un jeune homme). Marginalité plus intéressante qu’une vie rangée, côté roman d’aventures qui séduit les lecteurs.
3. Leur démesure condamnable : ils n’écoutent pas les voix sages (du père de D. G. (p. 172), de Tiberge (p. 67)). Leurs fautes deviennent de plus en plus graves (les infidélités de Manon, le crime commis par D. G.), rien ne les arrête, ni l’amour d’un père, ni l’amitié. Le lecteur condamne l’aveuglement criminel de D. G.. Pas de limites, comme dans Vernon Subutex, où défilent les vices de la société (alcool, drogue, sexe …). Une ‘’leçon’’ pour les lecteurs, une mise en garde sur les conséquences de la marginalité : « instruire en amusant. » (‘’Avis de l’auteur’’ p. 18).

1. Mais aussi des personnages touchants, leur grandeur tragique.

1. Des victimes d’une société inégalitaire et de leur jeunesse : au XVIIIème siècle, pas de liberté pour les jeunes gens, loi du père, de la classe sociale (chemin tout tracé par les parents : l’Académie pour D. G., le couvent pour Manon). Leur marginalité peut se comprendre comme une aspiration à la liberté, au bonheur de s’aimer. Ils sont jeunes (naïveté de D. G. : « moi qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention » (p. 29) ; goût pour les plaisirs de Manon : ses rires, son amusement lorsqu’elle joue un tour (le Prince italien, le fils G. M. …)). « L’amour et la jeunesse avaient causé tous nos désordres », p. 187. Le lecteur est prêt à pardonner ces péchés de jeunesse, ils se sent proche de cette frivolité. Dans Le diable au corps, la jeunesse du héros peut excuser aussi ses fautes, son immaturité.

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