Lecture linéaire À une mendiante rousse, Baudelaire
Commentaire de texte : Lecture linéaire À une mendiante rousse, Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Riridu05 • 1 Décembre 2022 • Commentaire de texte • 2 644 Mots (11 Pages) • 3 552 Vues
LECTURE ANALYTIQUE n°1: A une mendiante rousse, Baudelaire
Introduction
En 1857, Baudelaire publie le recueil Les fleurs du mal d’une centaine de poèmes qui fit scandale et fut l’objet d’un célèbre procès. Cette œuvre s’inspire des principaux mouvements poétiques du XIXème siècle, le Romantisme et le parnasse, et annonce déjà le symbolisme. Comme le faisaient les romantiques, Baudelaire exprime ses sentiments, en particulier la sombre mélancolie qu’il appelle le « spleen » et comme les parnassiens, il compose des poèmes de facture classique, finement ciselés, qui brillent par leur perfection formelle. Mais ce qui est nouveau, en revanche, et qui va contribuer au scandale, c’est son amorale modernité. Alchimiste des mots, Baudelaire ose transformer la laideur physique et morale en beauté poétique.
Alors que la première section amorçait l’inexorable chute de l’Idéal vers le spleen, la deuxième, intitulée Tableaux parisiens, se tourne vers les splendeurs et les misères de la ville. Parmi elles, se trouve « À une mendiante rousse », figure éponyme qui fera l’objet de notre étude. L’éloge de cette mendiante s’étend sur quatorze quatrains: trois heptasyllabes suivis d’un tétrasyllabe, en rimes plates.
Lecture
Problématique: En quoi ce poème illustre-il la vision paradoxale de l’artiste sur le monde qui l’entoure?
Plan: Dans les deux premières strophes, Baudelaire commence par faire l’annonce de l’éloge paradoxale de la jeune mendiante. De la 3ème strophe à la 7 ème strophe, la mendiante nous est décrite à travers les yeux du poète. Des strophes 8 à 11, la mendiante est transfigurée par la parole poétique et l’imaginaire et pour finir dans les trois derniers quatrains, on assiste au brusque retour à la réalité du poète.
1. Annonce de l’éloge paradoxale de la mendiante (strophes 1 et 2)
* Apostrophe : il s’adresse directement à la mendiante-> dédicace
* Dédicace paradoxale-> mendiante qui n’a même pas de nom
* Article indéfini une -> obscur anonymat
* Adjectif épithète rousse-> exclusion due préjugés de l’époque
A une mendiante rousse est une dédicace paradoxale car le poète ne s’adresse pas à une dame mais j’ai une mendiante qui ne porte même pas de nom dans le poème. Le article indéfini « une » laisse la dédicataire dans un obscur anonymat, propre aux pauvres, aux marginaux, à celles et ceux que l’on ne distingue pas les un·es des autres. L’adjectif épithète « rousse » renforce encore l’exclusion de la jeune fille, car à cette époque les personnes rousses étaient victimes de préjugés : on associait leur chevelure au Diable, et parfois à la prostitution.
Le titre du poème prend donc le contrepied de ces préjugés, en présentant le poème comme un hommage « à une mendiante rousse ».
1ère strophe
1 « Blanche fille aux cheveux roux,
2 Dont la robe par ses trous
3 Laisse voir la pauvreté
4 Et la beauté, »
- Le faite qu’il l’a nomme « fille » renforce l’idée que c’est une prostituée
- Rimes plates tout au long du poème. La rime entre « pauvreté » et « beauté » crée un contraste saisissant.
- Regard un peu lubrique du poète, malgré l’éloge : il glisse son regard par les déchirures de la robe.
- Le rétrécissement métrique du vers 4 souligne la « beauté » de la mendiante.
2ème strophe
5 « Pour moi, poète chétif,
6 Ton jeune corps maladif,
7 Plein de taches de rousseur,
8 A sa douceur. »
Incursion du poète, à la première personne, par le pronom personnel tonique « moi ».
L’apposition « poète chétif » opère un rapprochement entre les deux personnages : tous deux sont faibles et rejetés par la société, souvent méprisés. Le « poète chétif » est aux antipodes de la figure du poète romantique forgée par Victor Hugo, qui se voulait le mage, l’étoile guidant les hommes. Dans « Fonction du poète », Hugo se fait l’intermédiaire entre les hommes et Dieu.
A contrario, Baudelaire descend parmi les « fleurs du mal » qui poussent dans la cité : les pauvres, les prostituées, les ivrognes, et même les assassins.
Ce faisant, il réhabilite la personne exclue, rejetée.
Les « taches de rousseur » étaient aussi mal vues que les cheveux roux ; on les considérait autrefois comme des stigmates de liaisons avec Satan.
2. Le regard de transformation que porte le poète (strophes 3 à 7)
3ème strophe
9« Tu portes plus galamment
10 Qu'une reine de roman
11 Ses cothurnes de velours
12 Tes sabots lourds. »
L’adverbe de manière « galamment » signifie : avec grâce,
élégance est renforcé par l’adverbe de comparaison « plus », corrélé avec l’adverbe « que » : « plus...que », ce qui confère un caractère hyperbolique à l’élégance de la mendiante.
L’antithèse entre les « cothurnes de velours » (matière soyeuse, précieuse, agréable, légère) et les « sabots lourds » (symboles de pauvreté, d’une existence rude) est soulignée par la rime.
Le poète s’inscrit dans la tradition médiévale du BLASON : poème qui fait l’éloge (ou la satire) d’un être ou d’un objet.
Ainsi ce poème est écrit dans un registre épidictique (l’éloge et le blâme). L’auteur y exprime de façon subjective son admiration pour la mendiante, et son mépris pour les prétendants qui la courtiseraient, si elle était reine.
4ème strophe
...