Lecture analytique, Les Animaux malades de la peste, Jean de La Fontaine
Commentaire de texte : Lecture analytique, Les Animaux malades de la peste, Jean de La Fontaine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Marie-Hélène Simonpietri • 2 Octobre 2017 • Commentaire de texte • 2 072 Mots (9 Pages) • 3 471 Vues
Les Animaux malades de la peste, VII, 1
Jean de La Fontaine
Introduction
Première fable du livre VII. souligne, dans un registre satirique, l'injustice qui règne à la cour, en montrant comment un conseil réuni par le lion pour châtier le plus coupable, finit par sacrifier en réalité le moins coupable de tous.
Reprise d'une histoire semblable de la tradition médiévale : La Confession de l'Asne, du Renard et du Loup, dans les Apologues de Haudent, 1547.
Problématique : Comment La Fontaine use-t-il des ressources du tragique pour faire une satire de la cour marquée par l'ironie ?
- Un récit tragique
a) Les ravages de la peste
Situation initiale (v. 1-14) décrivant les ravages de la peste traitée sur un mode tragique .Omniprésence du champ lexical de la mort : Achéron, v.5 (désignant par métonymie les Enfers mythologiques) + hyperbole (capable d'enrichir en un un jour l'Achéron) ; verbe mourir présent deux fois (ils ne mouraient pas tous ; une mourante vie). Chiasme montrant la virulence du fléau (Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés).
Ravages du fléau ne touchant pas seulement les victimes directes mais aussi les survivants : une mourante vie > oxymore ; emploi des négations (v.7 ne … pas ; v.8 n'... point ; v.10 Nul ; v .11 Ni … ni … ; v.14 Plus d' … plus de). Instauration d'une vie anormale, dans laquelle les animaux se comportent à l'inverse de leurs habitudes. Désordre profond. Vie étriquée qui n'est plus qu'une survie. Rétrécissement du désir et de la vie rendu aussi par le rétrécissement des vers (octosyllabes des vers 10-14, par opposition à l'alternance octosyllabes/alexandrins des vers 1-9).
b) Le thème du châtiment divin
Maladie présentée dramatiquement comme un mal (le mot est répété deux fois), donc associée à un châtiment divin. Il n'est pas d'abord nommé (périphrase sur deux vers et désignation retardée au vers 4, avec rejet > La Peste) => horreur divine ; on ne prononce pas ce qui effraie, ce qui est associé à l'idée de puissance destructrice de Dieu (la parenthèse, v.4, inclut le narrateur présenté comme terrifié).
Peste présentée aussi de façon allégorique (majuscule + personnification : Faisait aux animaux la guerre, v.6).
Lexique de la faute et du châtiment divin : le Ciel, punir, crime. Référence notamment à l'Ancien Testament et aux dix plaies d'Égypte (la dixième étant la mort des premiers-nés).
La solution (mort du plus coupable) qui est proposée par le Roi est elle aussi éminemment tragique puisqu'elle repose sur l'idée d'un sacrifice expiatoire. Référence explicite à la tragédie de Sophocle Oedipe-Roi : la ville de Thèbes est ravagée par la peste et le devin Tirésias révèle que le châtiment perdurera tant que le meurtrier du roi Laïos n'aura pas été puni ou chassé (v. 21-22 L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents/ On fait de pareils dévouements).
Registre tragique enfin marqué par un style noble (cf nombre de figures de style précédemment évoquées + perfection de certains alexandrins fortement structurés : Ils ne mouraient/ pas tous// mais tous/ étaient frappés : 4/2//2/4).
- Le dénouement sacrificiel
Schéma tragique par excellence dans le dénouement avec l'âne comme bouc émissaire. Pratique religieuse judaïque citée ds la Bible (Le prêtre d'Israël posait ses deux mains sur la tête d'un quelconque bouc. On pensait qu'ainsi tous les pêchés commis par les Juifs étaient transmis à l'animal. Il était ensuite chassé dans le désert pour servir d'émissaire et y perdre tous les pêchés). Sacrifice pour le bien de la collectivité, afin de rétablir un ordre menacé ou perturbé.
Cf lexique du sacrifice et de la mort : dévouer, v.57 ; expier, v.62.
Âne bel et bien coupable d'une transgression blasphématoire dans son aveu maladroit : il a enfreint un commandement divin (« le bien d'autrui tu ne prendras »), a cédé à quelque diable (v.52) tentateur et brouté dans un pré de Moines (v.50). Faute matériellement négligeable mais symboliquement beaucoup plus grave.
II. Une parodie de procès
a) Structure de la fable
Cette fable présente clairement tous les aspects d'un procès. Cf lexique du droit et de la justice : tint conseil, v.15 ; coupable, v18 ; s'accuse, v.31 ; le plus coupable, v.33 ; nul droit, v.54 ; un cas pendable, v.59 ; crime abominable, v.60 ; son forfait, v.62.
Cependant, scène judiciaire concurrencée par modèle de la confession religieuse puisque chacun s'accuse soi-mm et que le terme de péché se mêle à ceux de crime et de forfait. Du coup, procès faussé.
Procès faussé aussi par la composition inique du tribunal : les juges (Lion, Renard, Tigre, Ours, simples mâtins) sont du mm camp, c'est-à-dire des carnivores et ont pour eux le nombre et la puissance (cf énumération, v.43, 45, 47) ; alors que l'âne est faible car seul et herbivore. On remarque que les prises de parole au style direct sont quantitativement plus importantes du côté des carnivores (Lion + Renard : 27 vers // Âne : 6 vers).
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