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Lecture Linéaire une mendiante rousse

Commentaire de texte : Lecture Linéaire une mendiante rousse. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  2 389 Mots (10 Pages)  •  489 Vues

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Les Fleurs du Mal, Baudelaire, 1857-1861

« Tableaux parisiens », « A une mendiante rousse»

Au XIXème siècle, des courants littéraires majeurs fleurissent, tels que le romantisme (qui est la mise en avant des sentiments personnels des poètes), le parnasse (qui veut s’éloigner des élans lyriques) et le symbolisme (qui s’appuie davantage sur la spiritualité, l’imagination et le rêve). Nombreux sont les auteurs qui ont marqué cette période ; parmi eux Hugo, Verlaine, Rimbaud et Baudelaire. Ce dernier peut être qualifié « d’inclassable » puisqu’il puise son inspiration au sein de ces trois courants littéraires, ce qui rend son écriture très originale. Il écrit Les Fleurs du Mal dont l’édition définitive paraît en 1861, après de nombreuses critiques et censures. En véritable alchimiste des mots, Baudelaire va transformer la laideur physique et morale en beauté poétique. La 2ème section du recueil, « Tableaux parisiens », se tourne vers les splendeurs et les misères de la ville. Parmi elles se trouve une « mendiante rousse ». Nous découvrirons ici l’éloge de Baudelaire « A une mendiante rousse ». Comment le poète outrepasse-t-il la laideur apparente de cette jeune femme pour faire apparaître une beauté atypique ? [Annonce des mvts]

        1er mouvement (st. 1 & 2) : Annonce de l’éloge

        ⸙ Dès le titre, Baudelaire nous offre une dédicace assez paradoxale. Il ne s’adresse pas ici à une dame, mais à une « fille » (supposée prostituée) quelque peu misérable, qui n’a pas de nom.

        ⸙ L’article indéfini « une » laisse la dédicataire (personne à qui le texte est dédié) dans l’anonymat. Mais cet anonymat est propre aux pauvre, aux marginaux, aux rebus de la société que personne ne prend la peine de distinguer les uns des autres.

        ⸙ L’exclusion de la jeune fille est renforcée avant même le début du poème par l’adjectif « rousse ». En effet, à cette époque, les personnes rousses étaient victimes de préjugés : ils étaient associés à la prostitution, voire au diable. Baudelaire prend ainsi le contrepied de ces aprioris en rendant hommage « A une mendiante rousse ».

        ⸙ Le v.1 est une apostrophe ouverte à la « mendiante ». La périphrase permet au poète de désigner les prostituées (« filles »).

        ⸙ Malgré l’éloge, le lecteur une pointe de lubricité chez le poète qui regarde « par [l]es trous » de la robe de la jeune fille. (v.2).

        ⸙ Les v.3 & 4 offrent une antithèse entre « pauvreté » et « beauté ». Le contraste qui apparait est alors saisissant.

        ⸙ Baudelaire expose encore sa modernité au v.4 qui subit un rétrécissement métrique : 7 syl. (heptasyllabes) > 4 syl. (tétrasyllabes ou quadrisyllabes). Cette alternance est surprenante et déroutante, tout autant que le choix du thème de son poème.

        ⸙ Pour souligner davantage sa marginalité, Baudelaire utilise le pronom personnel (tonique) « je ». La périphrase en apposition « poète chétif » opère un rapprochement entre l’artiste et la « mendiante rousse » : ils sont tous 2 rejetés par la société, voire méprisés. Ce « poète chétif » s’éloigne de l’image romantique proposée par VH du « poète voyant », du « mage ». Baudelaire, lui, se fond dans les « fleurs du mal » de la cité et donne à voir les pauvres, les prostituées, les ivrognes…

        ⸙ Dans son rôle d’alchimiste, Baudelaire réhabilite la jeune fille exclue. Le GN « taches de rousseur » (v.8) lui permet de mettre en avant ses atouts, alors perçus comme les signes d’un lien avec Satan.

        2ème mouvement (st. 3 à 7) : Une multitude de blasons

        ⸙ Le poète n’a de cesse de mettre en valeur la « mendiante ». L’adverbe de manière « galamment » (v.9), qui signifie « avec grâce, élégance », associé à la comparaison « plus galamment qu’une reine de roman » confère à la jeune fille une élégance particulière, atypique, mais hyperbolique. Ce procédé permet à Baudelaire de la magnifier davantage.

        ⸙ A travers l’antithèse des vers 11 & 12 (« cothurnes de velours » ≠ « sabots lourds »), nous découvrons que le poète s’appuie sur la tradition poétique médiévale. Il offre ainsi au lecteur un blason. La matière soyeuse du « velours » est en contraste avec les « sabots lourds » qui sont symboles de la pauvreté.

[Le cothurne était, dans l’antiquité grecque et romaine, une sandale enserrant le mollet par des lanières. Les acteurs de tragédie portaient des cothurnes avec des semelles en bois épaisses, pour être visibles de loin par les spectateurs. Par extension, il désigne aussi les lacets, lanières ou rubans, pour des chaussures de femme. C’est plutôt ici le sens utilisé par Baudelaire.]

        ⸙ Ainsi, Baudelaire emploie un registre épidictique tout au long de cette strophe ( et de celles à venir) pour exprimer son admiration pour la mendiante et son mépris pour ceux qui la courtiseraient si elle était une reine.

        ⸙ Dans la 4ème strophe, Baudelaire laisse aller son imagination. L’emploi du subjonctif, « qu’un superbe habit de cour / Traîne à plis bruyants » (v.14-15), met en place un cadre irréel. Il métamorphose ainsi la « fille de joie » en jeune fille digne d’un conte de fées.

        ⸙ De plus, la gradation du haute vers le bas du corps de la mendiante (« haillon » > « talons ») crée un mouvement vertical. Le regard du poète donne à voir une belle robe qui enveloppe la jeune femme dans un rêve, dans un fantasme.

        ⸙ Le parallélisme « plis bruyants et longs » (v.15) offre un rêve également sonore, musical. Tous les sens du lecteur sont sollicités, sont en éveil.

        ⸙ Le parallélisme « au lieu d’un » // « en place de » (v. 13 & 17) prouve que l’imagination possède un pouvoir certain : chaque élément de pauvreté est transfiguré en élément luxueux. C’est bien la représentation du travail du poète alchimiste : transformer la boue en or, faire voir la beauté au-delà de la couche de laideur.

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