Lecture Analytique Manon Lescaut
Commentaire de texte : Lecture Analytique Manon Lescaut. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jegdogs • 6 Janvier 2019 • Commentaire de texte • 1 727 Mots (7 Pages) • 2 890 Vues
Lecture Analytique de l’extrait de la première partie de Manon Lescaut,
écrit par l’abbé Prévost et publié en 1731
Introduction:
Antoine François Prévost, dit l’abbé Prévost, est un écrivain du XVIIIe siècle était issu d’une famille noble de province. Il a étudié dans des écoles jésuites pour ensuite devenir un religieux séculier. Néanmoins, il s’enfuit deux fois du cloître pour goûter aux plaisirs de la vie aristocratique. Il s’agit donc d’un personnage complexe dont la vie a oscillé entre devoirs et morales religieuses d’une part, et fêtes et salons mondains d’autre part. Cela l’a même conduit à un exil en Angleterre. Son roman, Manon Lescaut, publié en 1731, fut jugé scandaleux, car mettant en scène une passion amoureuse. Ce sujet était alors immoral, a fortiori de la part d’un homme d’église. Le roman est une oeuvre qui n’est pas classée dans un courant littéraire à part entière même si on peut voir une inspiration classique et préromantique. L’extrait que nous allons étudier correspond au début de la première partie du roman, donc à la mise en place du cadre et des personnages (qui vont évoluer au cours du roman). Nous pouvons nous demander comment cet extrait de roman original donne une vision dépréciative de la rencontre amoureuse. Nous répondrons à cette question en nous intéressant d’abord à l’aspect singulier de l’extrait, puis, en étudiant la vision de la fatalité que donne l’abbé Prévost de la rencontre amoureuse.
I - Je veux montrer que c’est un texte singulier
- Car son thème est singulier pour un homme d’église
- l’abbé Prévost est un religieux qui écrit un roman d’amour sur la passion qui peut-être qualifié de roman libertin → originalité car d’une part l’Eglise condamnait les romans libertins et d’autre part car en tant qu’homme d’Eglise, il n’était pas censé connaître les plaisirs de la chair. L’abbé Prévost a d’ailleurs lui-même été condamné à la suite de la publication de son roman (exil en Angleterre), qui fut censuré à deux reprises.
- il donne dans cet extrait une vision dépréciative de la rencontre amoureuse à travers ses personnages → Manon est très jeune, “fort jeune” l.6, “encore moins âgée que moi” l.13, et est paradoxalement déjà en proie aux dangers du plaisir, “son penchant au plaisir” l.19, qui fait référence au péché de la luxure dans la religion chrétienne → elle est envoyée dans un couvent pour la guérir de ses pulsions.
- Manon est par ailleurs le personnage éponyme et occupe la place centrale du roman. Au XVIIIème siècle, le fait qu’un religieux choisisse un personnage principal féminin est suffisamment rare pour argumenter sur le fait que ce roman est original de par ses personnages.
- il est toutefois important de noter que l’étrange personnage qu’est l’abbé Prévost oscillait entre vie aristocratique et religieuse. La morale de son oeuvre est ambiguë compte tenu de son style de vie. On peut le voir dans son texte par les allusions à la vie religieuse comme le “couvent”, l.19, où Manon est censée aller et qui est présenté comme un remède à son mal.
- Car ses personnages sont des indices sur la fin du roman
- Manon est décrite comme ayant beaucoup de connaissances dans le domaine de l’amour bien qu’étant très jeune, “elle était bien plus expérimentée que moi” l.18, “elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée” l.13, cela montre qu’elle a déjà fréquentée assez d’hommes pour ne plus être embarrassée par leur présence, alors qu’à l’époque l’homme était considéré comme supérieur, et une femme devait être soumise et ne pas avoir de vie sexuelle sans mari. On peut penser que l’auteur a voulu, au travers du personnage de Manon, rappeler le péché du fruit défendu causé par Eve. On peut aussi penser, Manon étant le seul personnage féminin développé du récit, que l’abbé Prévost critique la femme et la luxure incarnée par celle-ci.
- Des Grieux est un chevalier, symbole de foi et de pureté, dont le nom de famille avec la particule “Des” fait référence à une famille de noblesse de terre. La religion veut que les chevaliers soient les protecteurs du peuple contre le mal et se tiennent donc à l’écart des vices, aient une certaine pureté et un sens de la justice et du devoir.
- Le titre de ce passage “la rencontre de Manon et Des Grieux” nous indique que ces deux personnages, très opposés, vont se rencontrer. Le Mal représenté par Manon va rencontrer le Bien représenté par Des Grieux. On peut donc penser que cette rencontre va bouleverser la vie de Des Grieux, que Manon va le corrompre et l’entraîner avec elle dans le péché de luxure qu’elle incarne.
II - Je veux montrer que la rencontre amoureuse est décrite comme un changement du chevalier et une fatalité
- Car le personnage n’est plus le même après avoir rencontré Manon
- Le personnage de Des Grieux avant la rencontre
- texte au discours indirect, mais ici emploie 2 temps principaux du passé : l’imparfait et le plus-que-parfait (“n’avait jamais pensé” l.8, “j’avais” l.11) → impression d’un passé révolu.
- Le narrateur et le personnage masculin mis en scène sont la même personne, présentée avec beaucoup de distance, changée (on ne le reconnaît pas et il ne se reconnaît pas lui-même) et dont les actions sont commentées, presque justifiées (“nous n’avions pas d’autres motifs que la curiosité”,...) → il se cherche des raisons d’avoir agit ainsi, sembler plaider son innocence.
- personnage pur : “n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention” l.8-9 → personnage qui a été préservé, jusqu’à cette rencontre, du sentiment amoureux.
- “j’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter” l.11 : c'est ce qui lui a permis de ne pas tomber dans le “péché” (ici connaître l’amour dans les bras d’une femme)..
- “tout le monde admirait la sagesse et la retenue” l.9-10 : il est très réservé mais il va se faire emportée par l’amour qu’il porte envers Manon, et succombera au mal
- Le personnage de Des Grieux après la rencontre
- Emploi du passé simple et du passé antérieur après la rencontre → impression d’un passé proche (“je m’avançai” l.12, “je me trouvai enflammé” l.10).
- Ce passage écrit au discours indirect est une rétro-introspection où le narrateur, ici Des Grieux, remet en cause ses choix et réfléchit à sa rencontre avec Manon. Cela montre qu’il n’est plus le même, qu’il a changé moralement depuis son coup de foudre (sans quoi il ne se remettrait pas en cause).
- Utilisation de pronom de la première personne du singulier : “moi”×2, “me”×2. Cela montre qu'il y a un changement chez Des Grieux et qu’il ne se reconnaît pas lui-même, il parle de lui comme d’une autre personne.
- Son ami Tiberge avec qui il se promenait initialement ne réapparaît pas dans le texte comme si Des Grieux l'avait oublié → opposition par rapport à sa description de personne “dont tout le monde admire la sagesse et la retenue” l.10, où il est présenté comme étant un ami fidèle
b) Car cette rencontre est fatale pour le héros
- paragraphe entier sans alinéa → donne une impression d’enchaînement. Le héros ne pouvait pas prévoir cette rencontre, elle sonne comme une fatalité, il est entraîné.
- impression de rapidité : par la ponctuation du texte avec essentiellement des virgules, lignes 6 à 13 → renforce l’impression de fatalité, tout est arrivé soudainement et rien n'aurait pu empêcher cette rencontre.
- Manon à un pouvoir sur Des Grieux : “enflammé” montre ici avec cet hyperbole que l'homme est presque brûlé, vivant grâce à son amour, de plus, “la maîtresse de mon coeur” exprime aussi que Des Grieux ne peut se soustraire à Manon, il est décrit comme en transe, possédé, ce qui renforce l’impression que Manon n’est pas humaine, mais est une enchanteresse.
- “je regardais ce dessein comme un mortel coup pour mes désirs” l.17 → “mortel” adjectif péjoratif pour montrer que ici une vision manichéenne de l’amour, pouvant tuer “mes désirs” renvoie à l’ensemble des désirs du personnage. Or Des Grieux nous a été présenté comme ne ressentant pas de désirs, excepté pour Manon. L’idée qu’il ne puisse vivre de passion avec elle enterrait non seulement ses désirs nouveaux, mais lui aussi.
- Lorsque le personnage raconte son histoire, on peut voir une interjection “Hélas!” ainsi qu'une phrase injonctive, appuyant sur le côté dramatique de la scène, et une question rhétorique, “que ne le marquais-je un jour plus tôt” l.1-2. Il se lamente en regrettant le mauvais choix qu’il a fait en restant un jour de plus, qui lui a fait rencontrer Manon.
- “La veille même de celui que je devais quitter cette ville” l.2-3, Des Grieux devaient normalement quitter la ville d’Amiens le lendemain mais c’est pourtant cette petite journée qui le transformera mais il -celui qu’il était alors ne pouvait le prévoir.
⇒ Des Grieux blâme ces actions qui l’ont poussé à cette rencontre, mais celle-ci semble être leur destin. Celui-ci s’annonce tragique, comme le montre l’emploi de la phrase “qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens” l.20, en parlant du penchant au plaisir du manon. Ce passage nous donne des indices sur la suite du récit et montre la place du destin et de la fatalité dans l'oeuvre, qui se rapproche par ce moyen d’une tragédie classique.
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