Jean Luc Lagarce - Juste la fin du monde, partie 1, scène 11, « Les deux frères »
Analyse sectorielle : Jean Luc Lagarce - Juste la fin du monde, partie 1, scène 11, « Les deux frères ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Laslo Dold • 28 Juin 2022 • Analyse sectorielle • 2 524 Mots (11 Pages) • 1 884 Vues
Introduction.
Jean-Luc Lagarce est à la fois comédien, metteur en scène, directeur de troupe et dramaturge. En 1988, il apprend qu'il est atteint du sida et se sait condamné. En 1990, il écrit Juste la fin du monde. Si cette pièce traite de la maladie, celle-ci n'est pas la raison de son écriture et le thème du retour du fils prodigue au sein de la famille est tout aussi essentiel. Malgré sa mort prématurée en 1995 à 38 ans, il laisse derrière lui plusieurs dizaines de pièces qui rencontreront un succès posthume.
L'intrigue de Juste la fin du monde repose sur l'annonce par Louis, à sa famille, de sa mort certaine. Au début de la scène 11, Louis annonce à son frère qu'en réalité il n'est pas arrivé le matin mais dans la nuit et qu'il a attendu à la gare. Cela fait remonter chez Antoine des souvenirs douloureux. Selon lui, Louis a toujours inventé des histoires pour semer la confusion chez son frère. Il reproche à Louis un dialogue impossible car ne pouvant se fonder sur la confiance.
Problématiques possibles : Les deux frères vont-ils parvenir à dialoguer ? En quoi ce dialogue est-il un échec ? Comment Lagarce fait-il de cet échange un non-dialogue ?
Plan de la lecture linéaire :
- Du début à « Comment est-ce que c'était ? » : Un dialogue à deux vitesses.
- De « Non, je disais cela, c'est sans importance » à « des histoires, je ne comprends rien » : Le deuil de la conversation voulue par Louis.
- Un dialogue à deux vitesses.
a) Louis ouvre la conversation.
C'est Louis qui ouvre le dialogue. Sa réplique contient 8 lignes dans lesquelles il explique son arrivée. La première ligne débute par une négation « je ne suis pas arrivé ce matin ». Ces paroles semblent d'emblée démentir un état fait : contrairement à ce qu'Antoine pourrait croire, les choses sont différentes que ce qu'elles semblent êtres.
De plus, ces lignes sont intéressantes car elles sont marquées par des antithèses « ce matin »/ »cette nuit », « hier soir »/ « tôt », « en cours de route »/ « arrêté ». Celles-ci montre que Louis semble confus dans ses explications.
D'ailleurs, il se reprend lui-même pour essayer d'être plus synthétique comme nous le révèle l'expression « ce que je voulais dire ».
On constate aussi une opposition entre les verbes « je voulais (arriver plus tôt) » et « j'attendais (le moment décent ) ». Il semble il y avoir un certain antagonisme entre ce que Louis souhaiterait faire et ce qu'il fait réellement. Il semble s'imposer une certaine conduite comme le révèle l'expression « je me suis arrêtée » qui peut ici avoir un double sens (arrêt dans son voyage/ et dans sa volonté de dire sa mort prochaine : il interrompt lui-même son discours en parasitant ce dernier de banalités).
D'un point de vue syntaxique, la prise de parole de Louis et hachée. On dénombre 6 virgules qui peuvent laisser penser que le ton est hésitant.
Enfin, Louis entame cette entrevue en ne parlant que de lui, on dénombre 9 fois le pronom « je » et on note même un « je me ».
b) La réponse d'Antoine.
La première réplique d'Antoine contient, elle, 3 phrases interrogatives. On peut voir immédiatement que celui-ci est sur ses gardes.
Il répète deux fois l'adverbe interrogatif « pourquoi » qui montre son incompréhension face aux paroles que son frère vient de prononcer.
Les deux lignes suivantes constituent une seule phrase, scindée en deux parties par une virgule qui montre simplement la redondance de la question posée par Antoine. On comprend que celui-ci est dubitatif.
Contrairement à son frère, Antoine ne parle pas que de lui. Il emploie deux fois le pronom « tu ». Toutefois, on constate que Louis continue lui à être au centre de cette discussion « tu ME racontes », « tu ME dis » tandis qu'Antoine subit les paroles prononcées par Louis. On retrouve d'ailleurs cette idée avec l'emploi à deux reprises du groupe verbal « je dois ». Antoine se sent contraint par Louis.
D'ailleurs dans la réplique suivante, on peut lire: « je voulais que tu le saches », « je voulais te le dire ». Louis répète deux fois « je voulais » qui exprime sa volonté et ces deux groupes verbaux sont suivis d'une proposition subordonnée complétive dont Antoine et le sujet. Louis exprime directement ses désirs et sa volonté d'agir en direction de son frère Antoine .
Il tente quand même de minimiser la réaction de son frère en employant des formules négatives telles que « je ne sais pas » ou « ce n'est pas important ».
Ce à quoi Antoine répond « Ne commence pas ». Sa réponse négative est lapidaire. Une seule phrase, très courte, comme pour mettre un frein au verbiage de son frère.
Louis semble alors surpris comme le montre sa réplique composée du seul adverbe interrogatif « quoi ? ». Il semble interloqué par cet excès de zèle que s'est permis son frère. (impression de stichomythies et donc d'affrontement)
Antoine ne veut pas que Louis se mette à « raconter des histoires » comme il le répète à deux reprises. Louis, l’écrivain, maîtrise le vocabulaire, peut inventer des histoires et élaborer des stratégies rhétoriques contre son cadet.
Il semble y avoir un passif entre les deux frères : « Tu sais », « Ne commence pas », « je te vois assez bien ». Derrière ces expressions se cache des non-dits qui prennent une allure de reproches.
Antoine est vraiment sur la défensive et il ne semble pas exagéré de dire qu'il se sent en danger comme le montre le champ lexical qu'il utilise : « perdre » ou encore « noyer ».
Antoine emploie des phrases simples, non verbales, et perçoit le langage comme un piège qui va se refermer sur lui. On perçoit alors un rapport au langage différent entre les deux frères.
On peut cependant penser qu'il tente de faire un effort. En effet, il clôt son argumentation par un « Bon » qui résonne comme un signe de vouloir mettre fin à ce début d'échange assez chaotique. Antoine essaie de se reprendre et de renouer le dialogue avec Louis. Il tente de s'intéresser à son frère en lui posant deux questions personnelles : « Tu as voyagé cette nuit, c'était bien ? Comment est-ce que c'était ? ». L'incise « c'était bien » montrer un effort d'amabilité.
- Le deuil de la conversation voulue par Louis.
a) Une tentative de rapprochement.
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