Commentaire composé Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, Partie 2, scène II
Fiche de lecture : Commentaire composé Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, Partie 2, scène II. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Luna JOURNET • 14 Décembre 2022 • Fiche de lecture • 1 938 Mots (8 Pages) • 743 Vues
Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce aborde le thème du retour du fils prodigue : en effet, Louis,
après avoir disparu pendant plus de dix ans, revient voir sa mère, son frère Antoine, et sa sœur Suzanne, afin
de leur annoncer sa mort prochaine. Il repart toutefois sans avoir pu exprimer le motif de sa visite. Dans
l’extrait que nous étudions, issu de la deuxième partie, scène 2, une dispute éclate entre Antoine et Suzanne,
alors que Louis s’apprête à repartir. A travers ce conflit nous retrouvons le thème fondateur de la jalousie
fraternelle.
Problématique : Comment, à travers cette scène de conflit, Jean-Luc Lagarce livre-t-il une vision tragique
des relations familiales ?
Mouvements :
1. V. 1 à10, de "Je suis un peu brutal?" à "Je n'ai rien, ne me touche pas!" → un dialogue conflictuel
2. V. 11 à 29, de "Faites comme vous voulez" à "cela ne se peut pas" → Antoine se défend contre les
reproches de sa famille
3. V. 30 à 36, de "je disais seulement" à "Tu me touches: je te tue" → l'échec définitif de la
communication.
1er mouvement : un dialogue conflictuel
Le ton est monté progressivement dans les répliques qui précèdent: Antoine a proposé de raccompagner
Louis à la gare, mais Suzanne lui reproche d'abord de vouloir précipiter ce départ, puis de se montrer
désagréable. Catherine, sa femme, a confirmé qu'il était un peu brutal.
→V. 1-4 Antoine s'adresse donc à Catherine, théoriquement son alliée car sa femme. Il est à la fois étonné et
blessé par sa remarque, qu'il reprend dans une question "Je suis un peu brutal ?" avant de refuser fermement
le reproche à deux reprises, d'abord avec l’adverbe de négation "Non", catégorique, ensuite renforcé par une
négation totale : "Je ne suis pas brutal." Il ne cherche pas à développer ou se justifier, il nie ce que lui reproche
sa femme.
→V. 5 Antoine exprime à son tour un reproche : "Vous êtes terribles, tous, avec moi." Or, on voit qu'il ne
s'adresse plus seulement à Catherine comme il le faisait au début de la réplique ("Pourquoi tu dis ça?") mais à
tous les membres de la famille présents, Catherine, Louis, Suzanne, la mère, qu'il englobe par le pronom
personnel "vous", renforcé par le pronom "tous". L'opposition entre "vous", "tous" au début de la phrase,
d'une part, et "moi" d'autre part, à la fin de la phrase est très marquée. Elle dénote un sentiment de persécution
d’Antoine.
→V. 6-7 Louis, par son intervention, refuse cette configuration du seul contre tous en se mettant spontanément
du côté d'Antoine dont il prend la défense : il confirme ce que vient de dire Antoine en reprenant sa phrase:
"Non, il n'a pas été brutal", et se place aussi hors du groupe désigné par le pronom "vous": "je ne comprends
pas ce que vous voulez dire".
→V. 8 Seulement, Antoine refuse brutalement le soutien de Louis en le prenant à partie: "Oh, toi, ça va, "la
Bonté même"!" Il s'agit d'une réplique cassante, qui renvoie Louis à un rôle : l'allégorie de la bonté, marquée
par la majuscule. C'est une remarque pleine de sous-entendus : Antoine reproche à Louis de se faire passer
pour un personnage plein de bonté, ce serait seulement une attitude, la détresse d'Antoine serait un moyen
pour Louis de se faire valoir. Il y a donc de l'ironie dans le propos d'Antoine (c’est pourquoi l’on retrouve
l’expression entre guillemets), qui semble ne pas croire à cette bonté. Antoine reproche par ailleurs à Louis
le rôle qu'il a endossé au sein de la famille, et qui en fait une incarnation de la Bonté. D’ailleurs, cette remarque
d'Antoine est exprimée de manière extrêmement brutale : Louis est pris à partie avec l'apostrophe "oh, toi"
dans une phrase exclamative brève, qui se comprend comme une invite à se taire. C'est donc paradoxalement
en se défendant d'être brutal qu'Antoine se montre brutal.
→V. 9 Catherine vient en renfort, en nommant Antoine. Cette réplique peut être jouée avec des nuances
différentes : il y a à la fois un reproche et une volonté d'apaisement dans cette réplique. Même s'il n'y a pas
de didascalies, la réplique suivante d'Antoine suggère que cette réplique est accompagnée d'un geste. On peut
imaginer que Catherine s'approche d'Antoine, peut-être lui touche le bras, l'épaule. Il s'agit en tout cas d'un
geste de réconfort car Antoine répond "Je n'ai rien".
→ V. 10 "Je n'ai rien, ne me touche pas !" Une nouvelle fois, Antoine se montre donc brutal,
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