Jacques le Fataliste, D Diderot
Commentaire de texte : Jacques le Fataliste, D Diderot. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar David Eva • 23 Décembre 2015 • Commentaire de texte • 1 824 Mots (8 Pages) • 3 631 Vues
Lecture analytique
Jacques le Fataliste, D Diderot
Contexte :
Ecrivain et philosophe, Denis Diderot interroge les codes romanesques en s’inspirant d’un roman : Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme deLaurence Sterne, paru quelques années auparavan. Ce roman est assez complexe et déconcertant par ses digressions d’une part et par ces nombreux rebondissements qui n’aboutissent à rien, laissant ainsi le lecteur dans des attentes souvent déçues. Diderot semble hésiter entre le théâtre et le récit. Néanmoins, une certitude demeure, ce roman original explore les relations entre l’auteur et ses personnages éponymes qui sont au nombre de 2 : Jacques le fataliste et son maître. Ce titre suggère d’ores et déjà un paradoxe :
- un valet présenté avec une double détermination : son prénom + une notation sur son caractère :
- le fataliste : adjectif montrant que l’homme est déterminé dans ses actions, il n’a pas la liberté d’influer sur le cours de sa vie.
- Jacques : prénom qui désigne un paysan, un homme misérable et marginal, un niais, un sot. Selon la règle de l’onomastique.
- Le 2nd personnage est désigné par son statut social : ici paradoxe : le maître est nommé en seconde position ce qui tend à signifier qu’il sera un faire-valoir de Jacques.
Le paradoxe de ce titre n’est pas sans rappeler la dialectique du maître et du valet : mais qui va mener l’autre ? Ce texte va nous permettre de réfléchir sur la notion de héros et le genre romanesque.
Problématique :
En quoi cet incipit est-il ouvrage –inclassable ? Quelle en est l’originalité ?
Comment Diderot construit-il un incipit surprenant et pourtant cohérent à la fois ?
I / : Un couple de personnages surprenant
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Le récit s’ouvre in média res sur une série de questions. Certaines correspondent à celles que le lecteur est en droit de se poser au début d’un récit : Cet incipit est donc surprenant car le narrateur refuse explicitement de répondre aux interrogations du lecteur. On ne sait, en fait, quasiment rien des deux personnages en présence que l’on appelle « Le Maître » (l.4) et « Jacques ». La situation que l’on s’attend à avoir au début d’un récit reste ici très vague La discussion que le lecteur surprend après les quelques lignes de présentation des personnages lui permet de reconstituer l’histoire de Jacques : le valet, bien nommé « le Fataliste » s’est enrôlé dans un régiment après une dispute violente avec son père. Il a ensuite participé à la célèbre bataille de Fontenoy, et y a reçu un coup de feu dans le genou. Tous ces événements le conduiront aux amours dont on attend qu’il raconte l’histoire. Le héros de ce roman est et sera donc Jacques. Le titre du complet de l’ouvrage est « Jacques le Fataliste et son maître ». Le héros est donc éponyme et son maître n’est défini que par rapport à lui. La désignation « Le Maître » introduit un rapport hiérarchique entre lui et Jacques, que l’on devine être son valet. Le M n’a pas d’individualité propre. Cependant le Maître a deux attitudes très opposées : tout d’abord, une attitude bienveillante animée par l’envie de savoir, de découvrir l’histoire des amours de son valet, puis une attitude violente telle qu’elle pouvait exister alors entre maître et valet Les événements sont racontés chronologiquement avec la plus grande concision et imprécision : ce qui est fort original pour un incipit. Le narrateur, double de Diderot refuse de nous informer davantage et nous amène à nous interroger sur la nature de l’illusion romanesque. Il nous prive de tous les repères dans un récit déjà entamés | Nombreuses questions introductives adressées par le lecteur au narrateur : « Comment s’appelaient-ils ? », où allaient-il (l. 2/3) auquel ce dernier répond avec une grande désinvolture : «Que vous importe ? » (l. 2) ; « est-ce que l’on sait où l’on va » (l.3) Le comportement des 2 personnages confirment cette inversion puisque le M pose des questions : « l.23 : tu as don été amoureux … » (l.25) au lieu d’être celui qui sait et qui peut répondre. Il s’exprime peu : le faible volume de ces interventions Rapport validé par le tutoiement qu’il lui adresse et le vouvoiement qui lui est retourné. Le M n’a pas de nom et se donne comme l’auditeur de jacques : il est l’objet, là où J est le sujet // un double du lecteur. J s’exprime bcp et longuement ; il conduit le dialogue : « le M s’étonne du SILENCE de J sur ses amours » (l.27). J parle sur un ton sup : l.30 : réponse un peu ironique. Litote : « il prend un bâton et m’en frotte un peu durement les épaules » (l. 16) : « une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet… » (l. 41-42). Cette ambivalence est tout à fait conforme à ce que nous montre la comédie. |
II / : Le brouillage des genres entre les mains d’un narrateur puissant
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Nous pouvons remarquer que le texte fonctionne sur le mode de la surprise et de la rupture. Diderot brouille les codes comme si il hésitait entre le théâtre et le récit. L’histoire de Jacques et de son Maître tient à la fois de la comédie, un genre facilement repérable à la mise en page, à la désignation des personnages et aux dialogues. Le lecteur peut être désorienté dans l’identification di genre de l’œuvre. De plus, le récit semble aussi contenir des débuts de récits qu’on abandonne : le 1° épisode évoque le capitaine Jacques l.4 est suspendu ; idem l.34/35/53/54. Le récit est constamment interrompu par des adresses directes au lecteur faites au présent d’énonciation qui brise le rythme du passé simple. Enfin, ce début de roman permet de comprendre que Jacques, comme l’indique le titre du roman, semble adepte de la philosophie fataliste. Mais la fatalisme est une posture partagée par Diderot, éloignées de conceptions religieuse : c’est accepter de dépendre du déterminisme, des lois de la nature et de la marche du monde, au lieu de croire au libre arbitre prêché par les catholiques. Selon lui et son capitaine, tout ce qui arrive devait arriver, laissons faire le destin. Cette philosophie qu’on nommera quelques années plus tard déterministe énonce un principe universel de causalité : ainsi, c’est parce qu’il a reçu une balle dans le genou qu’il a rencontré l’amour. Et s’il reçoit des coups de son maître, c’est qu’il devait les recevoir L’originalité de cet incipit tient aussi aux deux systèmes d’énonciation : d’un côté, il y a les interventions du narrateur qui interpelle le lecteur : il prend directement la parole pour s’adresser à nous en utilisant le JE Il se pose bcp de questions auxquelles il ne répondra pas pour évoquer les destins qu’il aurait pu prêter à ses personnages. Diderot remet en cause les procédés du roman en bousculant nos habitudes de lecteur et nous pousse à nous interroger sur la liberté de l’écrivain. Puis de l’autre côté, il y a le dialogue entre jacques et son maitre. Le narrateur prend le risque de voir ce lecteur le quitter. Un risque bien calculé car c’est précisément cette distance ironique feinte qui pique la curiosité de ce même lecteur. Le narrateur joue avec lui de son pouvoir sur les personnages et leur histoire. Il veut faire le récit des amours de Jacques en évoquant nombre de scénarii possibles, des clichés romanesques attendus, qu’il réfère au genre du conte où, en effet, tout est permis. C’est donc dans la catégorie du conte que Diderot inscrit le début de son récit, un conte philosophique qui pourrait interroger le fatalisme | Des lignes 6 à 36 : discours direct reproduit de manière théâtrale Guillemets : l.43/44 Stichomythies l. 25 à 29 « L’aube du jour parut » (l. 53)=/= » Vous voyez, lecteur… » (l. 45) « Celui-là était apparemment encore écrit là-haut… » (l. 43-44). Le goût pour la litote de Jacques, la stichomythie du dialogue et l’enchaînement rapide et mécanique des actions qui construisent son destin, comme celui du Candide de Voltaire, concourent à rendre le texte drôle jusqu’à l’ironie. C’est pour étayer sa thèse que Jacques fait le récit d’un enchainement implacable et rapide d’actions au présent de narration : l.20 Idem pour l’attente du récit de ses amours : l.31. « Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? » : par une sorte d’indifférence, voire de mépris, « Que vous importe ? » (l. 2) l.45 : vous voyez lecteur L.46 … : JE Moi L 46/47 à partir de la ligne 6 « Qu’est-ce qui m’empêcherait de marier le maître et de le faire cocu ? » (l. 48-49) « Qu’il est facile de faire des contes ! » (l. 50-51 |
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