Jacques Le Fataliste , Diderot
Mémoires Gratuits : Jacques Le Fataliste , Diderot. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar aaoron • 20 Décembre 2013 • 1 772 Mots (8 Pages) • 1 179 Vues
Lecture analytique 2 : Denis Diderot, Jacques le Fataliste (1796)
« Plus d’un, comme moi sans doute, écrivent pour n’avoir plus de visage. Ne me demandez pas qui je suis et ne me dites pas de rester le même : c’est une morale d’état civil ; elle régit nos papiers. Qu’elle nous laisse libres quand il s’agit d’écrire. » M. Foucault, L’Archéologie du savoir.
Il est difficile de classer cet auteur car, ce que Diderot a écrit se trouve pris dans des ouvrages collectifs d’abord : l’Encyclopédie, la Correspondance littéraire, l’Histoire des deux Indes. Mais aussi, il arrive qu’il recopie, et donne pour siennes, des pages écrites par d’autres : c’est le cas dans l’Addition aux pensées philosophiques. Il est fréquent, enfin, que son écriture prenne appui sur des textes qu’il a lus. Des titres suffisent à le montrer comme Réfutation d’Helvétius. Mais cela n’est pas moins vrai du Paradoxe sur le comédien ou, plus subtilement, du Supplément au voyage de Bougainville qui feint d’être la suite, jusque-là restée secrète, du récit de Bougainville. Diderot, par une sorte de multiplication de si, ne cesse, dans ses écrits, de confier sa pensée, sa parole à d’autres.
Le plus étonnant est peut-être que Diderot se mette en scène lui-même dans de nombreux dialogues et que ces images qu’il donne de lui soient biaisées, provisoires-sortes d’éphémères figures, ressemblantes et inattendues, prises dans le jeu de la parole et de l’échange. C’est ainsi qu’il « est »- dans une mesure inégale, flottante- le « philosophe » du Neveu de Rameau, le « moi » de Dorval et moi, le « B » du Supplément de Bougainville, le « premier interlocuteur » de Paradoxe sur le comédien, le narrateur de Jacques le Fataliste...
Il n’y va pas là d’une vague fantaisie, ni de pudeur, ni de prudence. Il s’agit d’une pratique d’écriture qui engage, au plus profond, le sens : le sujet a perdu son unité, sa cohérence cartésienne, il est définitivement engagé dans le jeu de l’interlocution, dans la fragmentation et la circulation de la parole.
Les œuvres de Diderot répondent à cette poétique de la conversation : non seulement parce qu’elles sont le plus souvent dialoguées, mais parce qu’elles s’en remettent à un ordre souple où jouent les associations et les relancent inattendues. Œuvres non closes qui s’achèvent sans qu’on ait épuisé les questions. Les phrases, les voix, les questions, les récits ressemblent ainsi aux molécules dont le monde est fait. Ils n’obéissent à aucun ordre souverain, à aucune providence, ils se rassemblent et se détachent composant d’éphémères ouvrages.
En outre, Diderot est resté matérialiste. Dieu et l’âme ne sont que deux hypothèses inutiles et obscures. Tous les êtres sont matériels, depuis la pierre jusqu’à l’homme. Selon son degré d’organisation et de complexité, la matière est en effet inerte, ou active, ou pensante. Son mouvement éternel a produit le monde où nous sommes, et, si nous le croyons éternel, c’est que notre vie est trop courte pour que nous le voyions changer. Ce matérialisme a deux sources : la première antique (atomisme de Démocrite, Epicure et Lucrèce), la seconde récente (médecine et chimie du XVIIIe). De là découle une conception déterministe (« fataliste ») du monde.
Les sources de l’œuvre :
Issu sans doute du roman Tristam Shandy de Sterne sans garantie toutefois.
Rédaction commence en 1770 alors que Diderot voyage à Langres et à Bourbonne. Il prend conscience de la misère de ces régions et décide de la mise en route de l’œuvre initialement un conte. Le roman présente la France des années 1660-1670.
L’œuvre paraît pour la première fois dans La Correspondance littéraire (nov 1778 à juin 1780) en 15 parties mais seule une élite a accès à cette revue. Elle est enrichie par l’auteur dès 1780. En 1786 (Diderot est mort depuis deux ans) paraît une version encore enrichie. La première version imprimée ne paraîtra pas avant 1796.
L’œuvre a sans doute été retouchée par la fille et le gendre de Diderot.
Le titre
Les deux personnages principaux sont présentés de manière différente :
- le premier (visiblement le valet) est présenté avec une double détermination :
son prénom : Jacques. Le terme désigne à la fois une identité et un état : il désigne un personnage populaire et original, souvent issu du monde paysan et fait référence aux jacqueries (émeute de 1358 contre la misère) : cela suggère un personnage à la fois simple et décalé.
Son caractère : sa philosophie de la vie : le Fataliste. La majuscule et la substantivation de l’adjectif assimilent Jacques à cette doctrine : « tout cela est écrit là-haut, sur le grand rouleau » ne cesse de répéter Jacques. L’étymologie, fatum= destin, suggère que pour Jacques, l’homme est déterminé dans ses actions, c’est-à-dire qu’il n’a pas la liberté d’influer sur le cours des choses. Cette philosophie déterministe initiée par Spinoza part de l’idée matérialiste de l’univers en tant que « tout uni » suggère d’emblée une réflexion sur la philosophie de Spinoza.
- le second, le maître :
désigné par son statut social, il n’est ni nommé ni identifié, apparemment qu’un faire-valoir pour Jacques. (Il apparaît en second)
Le titre suggère la notion de duo, voire de couple. Les deux personnages semblent complémentaires, et même composer une seule entité : l’un sera le complément, la conscience de l’autre.
La question de la relation maître-valet est posé immédiatement à travers le titre : l’ordre de présentation, les précisions et le déterminant « son » engendrent immédiatement la question du rapport entre les deux personnages.
L’ordre
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