Dissert sur la Fontaine
Dissertation : Dissert sur la Fontaine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Benoît Jaud • 28 Septembre 2021 • Dissertation • 1 949 Mots (8 Pages) • 356 Vues
Sept ans après que Louis XIV soit arrivé au pouvoir en 1661, La Fontaine signe son premier recueil de fable en 1668 avant d’y rajouter des livres en 1678. La Fontaine s’inscrit dans le XVIIème siècle, dit par la tradition, siècle de la raison avec Les Fables qui sont encore à ce jour, son ouvrage le plus célèbre et tiennent une place importante au «panthéon» de la littérature classique française. Le but des Fables est simple, «placere et docere» (plaire et instruire) comme le veulent les principes classiques. L’emploi des animaux permet de plaire par sa fantaisie tout en instruisant ses lecteurs par l’exposition plus ou moins explicite de ses morales.
Il est évident que l’imagination dans Les Fables joue un rôle primordial. L’imagination est la capacité qu’a l’esprit à se représenter des images, des conceptions nouvelles ainsi que des solutions originales à des problèmes. Cependant, ce terme est très ambivalent dans le monde de la littérature. Alors que Pascal l’appelle «maîtresse d’erreur et de fausseté» Baudelaire l’appelle «reine des facultés». La question qu’il convient alors de se poser est la suivante: De quel côté La Fontaine se trouve-t-il? Du côté de ceux pour qui l’imagination ne peut qu’induire en erreur ou bien du côté de ceux pour qui elle est un moyen d’enseignement et d’apprentissage de soi? Dans un premier temps, nous verrons que dans l’univers des fables La Fontaine donne une acception négative de l’imagination. Dans un second temps nous verrons qu’en réalité, ce n’est pas tant l’imagination qui est négative mais plutôt le défaut de jugement des hommes. Enfin, dans un troisième temps nous verrons comment les récits fictifs de La Fontaine, à travers leur mise en scène des défauts humain permettent d’acquérir une meilleure connaissance de soi.
La Fontaine dans les fables, donne une acception négative de l’imagination. En effet, cela s’illustre dans l’univers des fables notamment par trois grandes passions humaines, la peur, le désir de l’homme et enfin, son amour propre.
La peur fait de l’imagination une maîtresse d’erreur du fait qu’elle vient dérégler l’imagination, si bien que celle-ci devient une faculté divagante. La principale cause de la peur est la crainte dont la peur n’est qu’une émanation. En effet, la crainte vient d’un trouble inquiet de l’âme produit par l’appréhension d’un mal dont nous nous croyons prochainement menacés. L’âme troublée ne voit donc plus rien et n’entend plus rien, la raison est obscurcie, l’homme est en délire et tout se dénature à ses yeux. N’ayant plus sa raison, l’imagination ne peut que divaguer et être oscillante. Comme le dit La Fontaine dans La fable «Le Mari, La Femme, et le Voleur» extrait du livre IX «la plus forte passion //C'est la peur: elle fait vaincre l'aversion; //Et l'amour quelquefois; quelquefois il la dompte». Dans cette fable, un homme n’ayant jamais pu toucher sa femme, arrive à ses fins grâce à la venue d’un voleur en sa maison. Sa femme alors terrifiée se précipite dans ses bras et il arrive donc enfin à la toucher pour la première fois. On peut voir ici, l’effet implacable de la peur sur les hommes. La Fontaine prouve même ce qu’il avance en faisant référence au comte de Villa Mediana qui provoqua un incendie pour pouvoir prendre la reine d'Espagne dans ses bras «J'en ai pour preuve cet amant //Qui brûla sa maison pour embrasser sa Dame».
Le désir de l’homme pousse aussi l’imagination à nous induire en erreur. La question du désir de l’homme est une question fondamentale dans l’univers des Fables. Le fait que la puissance de l’imagination soit si facilement menée par la crainte ou le désir des hommes fait qu’elle nous trompe facilement. Dans «Le Curé Et Le Mort» extrait du livre VII, un curé imagine, en récitant son oraison, tout ce qu’il va pouvoir acheter avec l’argent qu’il aura récolté pour l’enterrement d’un pauvre homme. Il s’imagine avec du bon vin, avec les faveurs de sa nièce et celles de sa femme de chambre. Il est complètement perverti par son désir et en oublie même la réalité. Il est encore en train de rêver lorsqu’il se heurte au carrosse et meurt. Le retour à la réalité fut si violent qu’il en «mourut». Le rêve n’est pas quelque chose de mauvais en soi, mais il est très important de faire attention à ne pas confondre rêve et réalité, voilà la morale de cette fable.
Enfin, c’est l’amour propre de l’homme qui déséquilibre l’imagination. L’homme est contaminé par la vanité, d’où les erreurs qu’il commet. Dans «Le Statuaire et la Statue de Jupiter» extrait du livre IX des Fables on voit un cas où l’homme est victime de sa vanité. Cette fable raconte l’histoire d’un sculpteur qui voulant sculpter une sculpture de Jupiter, la sculpta si bien qu’il prit peur après l’avoir achevée. La sculpture était trop «parfaite» à son goût, l’homme fut aveuglé par sa vanité et son amour propre. La Fontaine critique explicitement avec sa morale la vanité des hommes «Chacun tourne en réalités,//Autant qu’il peut, ses propres songes://L’homme est de glace aux vérités;// Il est de feu pour les mensonges» En effet, l’homme vit dans le mensonge car il déforme la réalité sur lui-même et ne peut donc jamais atteindre la vérité.
Dans notre seconde partie nous allons maintenant voir qu’en réalité, ce n’est pas l’imagination qui induit l’homme en erreur mais plutôt son défaut de jugement.
Ce n’est pas l’imagination le réel problème dans les Fables. Le réel problème c’est le défaut de jugement de celui qui en fait usage.
Chaque fois qu’un personnage semble être «victime» de l’imagination, en réalité il est victime de son défaut de jugement, de sa mauvaise «lecture» du monde. C’est le cas de Pérette dans «La Laitière et le pot au lait» extrait du livre VII. Alors qu’elle est sur son chemin pour aller au marché, vendre son lait, elle imagine déjà ce qu’elle va pouvoir acheter avec l’argent de la vente, de nombreuses vaches, des volailles et un cochon. Cependant, alors qu’elle est en train de rêver, elle ne fait pas attention à la réalité et trébuche. Le pot au contact du sol est donc cassé et le lait est perdu. Après être rentrée chez elle sans argent ni nourriture, la femme est battue par son mari. Son problème est qu’elle n’a pas su faire la différence entre le rêve et la réalité, ce qui a rendu le retour à la réalité d’autant plus brutal. Elle a en réalité fait preuve d’un manque d'exercice de jugement et de discernement de ce qui est vrai et de ce qui est faux. L’erreur de jugement dont il convient alors de s’éloigner et d’éviter est la confusion entre la réalité et l’imagination.
Le Fabuliste nous montre donc qu’il ne faut pas se méfier de l’imagination, bien au contraire mais qu’il faut plutôt savoir se méfier de l’absence totale de raison. Il prouve dans la fable «Un Animal dans la lune» extrait du livre VII, la place primordiale de la raison, son importance «Quand l’eau courbe un bâton, ma raison le redresse:// La raison décide en maîtresse.» L’importance de la raison est d’ailleurs soulignée par le mot «maîtresse». La raison nous permet de ne pas nous égarer dans les sentiers de l’imagination tel Pérette et de garder les pieds sur terre, en contact avec la réalité.
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