Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1772
Commentaire de texte : Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1772. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar rrrrrrrr • 2 Avril 2017 • Commentaire de texte • 1 121 Mots (5 Pages) • 1 982 Vues
LA n°2 : Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1772
Diderot philosophe des Lumières qui a combattu le principe du colonialisme. Bougainville est un navigateur qui a fait paraître son récit de voyage un an auparavant récit dans lequel il vante les bienfaits de la colonisation.
Le Supplément au Voyage de Bougainville : œuvre de fiction qui commence comme un dialogue philosophique entre deux personnages A et B dont l’un prétend qu’il a eu accès à une partie inédite de l’œuvre du navigateur Bougainville (le Voyage autour du Monde).
Dans cet extrait du vieillard s’adressant à Bougainville, Diderot fait le procès du colonialisme. Le vieillard porte-parole de l’auteur remet également en question le soi-disant esprit de civilisation caractérisant ces derniers.
Comment le discours du vieillard dénonce t-il la barbarie des européens colonisateurs ?
I Une harangue qui fait le procès du colonialisme
Dans cette harangue (discours solennel prononcé devant une assemblée), le vieillard opte pour un registre polémique (attaque directe visant à dévaloriser l’adversaire).
1 L’indignation du vieillard
- Les exclamations > signalent l’indignation du vieillard.
- L’emploi de l’impératif : « écarte promptement ton vaisseau », « Va dans ta contrée t’agiter »(l.2) « laisse-nous reposer », « ne nous entête... » (l.43-44) > expression du mépris.
- Le discours est majoritairement constitué de verbes à l’indicatif, mode de la vérité et de la certitude > monter l’assurance du vieillard et donc sa fermeté face à Bougainville.
2 Remise en cause de l’adversaire
- Mécanisme affirmation/question : »Tu n’es ni un dieu ni un démon : qui es-tu donc pour faire des esclaves ? », « Vous êtes deux enfants de la nature : quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi ? » >met en avant l’illégitimité de la colonisation.
- L’apostrophe qui interpelle Bougainville et le désigne d’emblée comme coupable : « Et toi, chef des Brigands », (le pronom « tu » marque le refus d’user d’une formule de respect.) > registre polémique.
- Quatre fois répétée, l’expression « et tu ... » vient accuser Bougainville mais aussi par extension, l’ensemble des européens.
II Le procès du colonialisme
1 Termes dépréciatifs critiquant la violence des européens
- La tournure restrictive/absolue « ne (…) que » dans l’expression « tu ne peux que nuire » > insiste sur le caractère inévitablement nuisible de l’intrusion des Européens à Tahitie.
- Le champ lexical de la violence et de la haine progressant par gradation ; ils ont « allum[é] en elles des fureurs inconnues », ils ont rendu « folles » les femmes, ils sont devenus « féroce[s] » (et donc sauvages, contraires à des êtres civilisés), « Elles ont commencé à se haïr » parce qu’ils ont voulu la possession exclusive et jalouse des Tahitiennes, ils se sont « égorgés pour elles », et les ont « teintes de leur sang », métaphore indiquant bien que leur violence est contagieuse > ils se sont comportés comme des êtres violents, destructeurs.
2 La colonisation est dénoncée comme un vol
- Dénomination des européens « brigands » > ici assimilés à des voleurs de terres qui profitent d’être « les plus forts ».
- Les périphrase par lesquelles le vieillard désigne le colonisateur « t as enfoui dans nos terre le titre de notre futur esclavage » (Bougainville avait en effet enfoui un acte de prise de possession inscrit sur une planche de chêne dans une bouteille scellée), « tu as projeté dans le fond de ton cœur le vol de toute une contrée », « tu veux nous asservir », « ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous » > renvoient à la thématique du vol, accusation d’expropriation, de mise en esclavage.
- La phrase hypothétique « Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierre ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? » > mise en exergue par un raisonnement par analogie du caractère illégitime de toute colonisation.
III Un discours qui prône le mythe du bon sauvages
1 L’idéalisation du mode de vie tahitien
- L’expression « nous sommes innocents, nous sommes heureux » > lexique qui concourt à l’idéalisation + l’anaphore et la régularité du rythme > renforce l’impression d’une vie harmonieuse.
- La récurrence du pronom « nous » > insiste sur l’union de la société dans laquelle le partage et l’égalité sont des valeurs fondatrices à mettre en parallèle avec « Ici tout est à tous » > société aux valeurs plus saines.
2 Un discours qui affirme la supériorité de ce mode de vie sur celui des européens
- Les parallélisme de constructions opposent le mode de vie tahitien et les actions néfastes des Européens. A chaque fois le vieillard évoque d’abord le bonheur de la société tahitienne, dont le pronom « nous » souligne l’union, l’accueil pacifique et généreux qu’ils ont fait aux européens, puis les actes de domination et de destruction des ces derniers. (l.2-8).
- Poids de l’affirmation « Nous avons respectés notre image en toi. » + question rhétorique « tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? Avons-nous pillé ton vaisseau ? T’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t’avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? » > Le vieillard évoque le peuple tahitien tel un modèle de respect d’autrui. Il rappelle en outre que les Tahitiens se sont montrés hospitaliers, accueillants avec les Européens : « tu as partagé ce privilège avec nous », « tu es entré dans nos cabanes ».
- Par opposition, les Européens tentent de « s’emparer comme de la brute » des Tahitiens, comme s’ils étaient des animaux (sens 1er de brute : la bête considérée dans ce qu’elle a de plus éloignée de l’homme) > aucun respect de l’autre.
Par une harangue indignée le discours que le vieillard fait est donc un procès du colonialisme. Ainsi, le registre polémique permet la remise en cause des européens. Ce procès dénonce d’une part la violence des européens et d’autre part l’illégitimité de la colonisation considérée comme un vol. Enfin, le texte est également l’occasion de démontrer les valeurs morale supérieure de ce peuple par l’idéalisation de leurs mode de vie. Ce qui concourt à établir un mythe du bon sauvage.
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