Dans l’ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition, Baudelaire termine par cette phrase : “ Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence/ Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or” En quoi cette citation peut-elle s’appli
Dissertation : Dans l’ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition, Baudelaire termine par cette phrase : “ Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence/ Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or” En quoi cette citation peut-elle s’appli. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Dlmagathe • 10 Mai 2021 • Dissertation • 1 908 Mots (8 Pages) • 4 362 Vues
Consigne :
Dans l’ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition, Baudelaire termine par cette phrase : “ Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence/ Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or” En quoi cette citation peut-elle s’appliquer au recueil ?
Dissertation :
En mai 1860, Charles Baudelaire travaille à un épilogue qu’il doit terminer comme il l’indique à son éditeur Poulet-Malassis : « Je travaille aux Fleurs du Mal. Dans très peu de jours, vous aurez votre paquet, et le dernier morceau ou épilogue, adressé à la ville de Paris, vous étonnera vous-même, si toutefois je le mène à bonne fin ». On sait ce qu’il en est et le poète n’a jamais achevé ce qui est resté un projet dans lequel Baudelaire déclare son amour pour la capitale et énumère ce qu’il résume à la fin par le terme « boue » : « Tu m’as donné ta boue et j’en fait de l’or ». Par conséquent, la métaphore de fond fait référence à tout ce qui est méprisable, sans valeur ou même moralement condamné, car le mot est associé au sens péjoratif de la renonciation. L'alchimiste a ainsi transformé la boue très simple et réaliste en or poétique. Pouvons-nous donc dire que la poésie de Baudelaire est une phrase, un poème méchant, méprisable et boueux ? Si tel est le cas, devrions-nous voir dans l’œuvre de Baudelaire un tas de boue qui est moralement condamné, pour aucune autre raison que la boue comme objet de changement ? Nous verrons dans quelle mesure la citation de l’épilogue s’applique au recueil des Fleurs du mal, puis nous montrerons de quel nature est cet « or » poétique, et enfin quels sont les enjeux esthétiques d’une telle conception de la poésie.
Dans le projet d’épilogue, deux vers avant le vers « Tu m’as donné ta boue et j’en fait de l’or », Baudelaire se compare à « un parfait chimiste » par conséquent, l'opération de conversion de la boue en or est effectuée. À l’autre bout du recueil, dès l’adresse « Au lecteur », ce type d'opération de transformation est - bien que la raison soit très différente déjà évoquée dans la troisième strophe à travers les termes « Satan Trismégiste », « riche métal », « ce savant chimiste ». On trouve aussi une mention du « chemin bourbeux » emprunté par le poète et nous-même, l‘ « hypocrite lecteur ». La notion de « chimie » poétique voire d’ « alchimie » il parcourt donc toute la collection du début à la fin. Le thème de la boue n'est pas moins omniprésent dans la collection Fleurs du mal. Qu’on pense au « Sept Vieillards », au « Vin des chiffonniers » ou encore à « Brumes et pluies ». Ce ne sont que quelques exemples et l’on pourrait les multiplier on retrouve le terme dans « Le Cygne », « Le Monstre » ... La boue est clairement un sujet incontournable dans la poésie de Baudelaire. Vous marchez littéralement dans la boue dans le Paris du XIXe siècle. Nous en avons la preuve chez Baudelaire lui-même dans Petits poèmes en prose : « Mon cher, vous connaissez ma terreur des chevaux et des voitures. Tout à l’heure, comme je traversais le boulevard, en grande hâte, et que je sautillais dans la boue, à travers ce chaos mouvant où la mort arrive au galop de tous les côtés à la fois, mon auréole, dans un mouvement brusque, a glissé de ma tête dans la fange du macadam. Je n’ai pas eu le courage de la ramasser. » En fait, on a vu et on verra que cette boue était l’objet d’une transmutation, d’une transformation poétique faisant de la laideur quelque chose de beau.
Nous avons dit que la boue est une métaphore de ce qui est physiquement sale, le Paris du XIXe siècle que moralement, ceux qui habitent cette ville. Donc la boue est liée au mal, à la pauvreté sociale dans « Le Vin des Chiffonniers » par exemple ou encore ans les deux « Crépuscules » où l’on croise « catins » et « escrocs » et où s’expriment les « rêves malfaisants », « la lésine ». En somme, Paris devient avec Baudelaire un lieu allégorique du théâtre du mal dans la section de la peinture parisienne ou du vin. Ici, le temps, la vieillesse et la mort sont omniprésents. Il appartient toutefois au poète de sublimer cette matière, ce que montre le poème « Le Soleil » dans lequel l’astre transforme le réel : “Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes, Il ennoblit le sort des choses les plus viles, Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets, Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.” Mais tout comme le soleil, la mission poétique est d'éclairer ce qui est caché, de le montrer, en somme de le révéler non seulement poétiquement, mais aussi d'embellir. Le laid devient donc beau comme dans « Une Charogne ». Plus précisément, cette représentation de la laideur devient belle. Qui envisagerait un tel choix esthétique, il conviendrait de montrer qu'il y a dualité. Le poète ne saurait choisir entre la boue et l’or. Ce ne peut être l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre. La femme n‘est-elle pas à la fois muse et vampire, le poète n’est-il pas à la fois béni et maudit.
L'impossibilité de ce choix se trouve dès le poème « Correspondances », dans lequel Baudelaire exprime l’idée
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