« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », Baudelaire
Dissertation : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar tawashi • 5 Mai 2021 • Dissertation • 1 129 Mots (5 Pages) • 1 913 Vues
Louis JAMET
1er B
« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or »
Quand Baudelaire, dans l’appendice aux écrits « tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », il développe le sens de l’oxymore du titre qu’il a choisi pour son recueil et nous ouvre son laboratoire. Nous verrons comment cette formule provocante permet de mieux comprendre l’esthétique baudelairienne. Nous commencerons par étudier la présence du mal dans le recueil, puis nous nous demanderons ce qui fait la beauté du mal et provoque à la fois fascination et répulsion ; enfin, nous verrons que cette transmutation presque alchimique que suppose la formule baudelairienne est le propre de toute poésie.
Le titre d’une des six parties du recueil, devient le titre de l’ensemble et caractérise donc tous les poèmes aussi bien ceux du « Spleen » que ceux de « l’Idéal ». Baudelaire dédie ces fleurs malades, à Théophile Gautier ; chaque poème serait alors une « fleur maladive » où s’exprime la souffrance du poète. Mais le titre « Les Fleurs du mal » dépasse l’expérience personnelle du poète pour extraire les fleurs hors du mal qui sont susceptibles de produire la beauté. La relation entre les fleurs et le mal peut aussi être une relation de possession : les fleurs appartiennent au mal dont le poète deviendrait le représentant. La thématique du mal est présente sous différents aspects dans cette œuvre.
Elle se glisse dans la section « Spleen et Idéal » sous la forme du spleen, ce mal qui ronge le poète et qui empêche toute action et toute élévation. Le mal trouve sa personnification dans Satan, le Diable est associé à l’Ennui, et de nombreux poèmes décrivent à plaisir des lieux infernaux et les supplices qui s’y pratiquent. Le mal présente la double figure de la Débauche et de la Mort offrant «de terribles plaisirs et d’affreuses douceurs » (« Les deux bonnes sœurs »). Comment cette présence de la mort, de la débauche, de figures infernales peut-elle être source de beauté ?
Comment décrire la beauté présente dans le mal ? Quelles seraient les caractéristiques d’une esthétique du mal ?
Baudelaire est contre le sentimentalisme, comme il l’écrit dans « L’Art romantique » : « La sensibilité du cœur n’est absolument pas favorable au travail poétique ». Il recherche au contraire la violence du tragique : « Ce qu’il faut à ce cœur profond comme un abîme, / c’est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime / Rêve d’Eschyle éclos au climat des autans » (« L’Idéal »). Certains de ses poèmes vont même jusqu’à trouver de la beauté dans la glauque : « Et le ciel regardait cette carcasse superbe / Comme une fleur s’épanouir ». (« La Charogne »). Mais l’effet de fascination et de répulsion provient certainement de l’ambiguïté du mal et du bien : « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l’abîme, / Ô Beauté ? ton regard infernal et divin, / verse confusément le bienfait et le crime » (« Hymne à la beauté »).
Quel argument peut-on établir entre l’or et la boue ? L’or de la boue. Dans « Allégorie », une prostituée « femme belle et de riche encolure / Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure », par sa beauté et sa fierté l’emporte sur la Débauche et la Mort : elle est présence de beauté dans le monde du vice. La boue sous l’or. « Un Voyage à Cythère » dénonce l’illusion d’un beau et heureux lyrique et révèle l’omniprésence de la douleur et du macabre. La boue et l’or.
Dans « L’Amour et le crâne », on voit l’Amour régner sur les hommes et leur faire croire à « un songe d’or » alors qu’il ne s’agit que d’un jeu « féroce et ridicule » mais dont les parties, l’Amour et les hommes, sont indissociables. Ces transmutations que fait Baudelaire entre les deux matériaux que sont l’or et la boue, ne sont-elles pas le propre de toute poésie dont le rôle serait de transformer une matière informe en une forme porteuse de sens ?
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