Alchimie de la douleur
Commentaire de texte : Alchimie de la douleur. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar proflettres73 • 5 Octobre 2021 • Commentaire de texte • 1 291 Mots (6 Pages) • 2 221 Vues
Alchimie de la douleur : commentaire linéaire
Introduction : Le titre antithétique « les fleurs du mal », recueil célèbre de Charles baudelaire sonne comme une provocation lors de sa parution en 1857. Baudelaire y décrit sa lente descente aux enfers et son tiraillement entre le Spleen et l'Idéal, le sublime et le sordide. Les poèmes de la fin de la section « Spleen et idéal » portent des titres qui révèlent une place grandissante donnée à l'expression du désespoir et une acceptation , voire un acquiescement progressif au mal.
Or le sonnet en octosyllabes « Alchimie de la douleur », est l'un des derniers poèmes de la section « Spleen et idéal ».
Problématique : Comment ce sonnet exprime-t-il l'incapacité du poète à dépasser son Spleen morbide ?
Nous pouvons observer trois mouvements dans ce poème. Le poète évoque d'abord la tension des principes de vie et de mort qui le déchirent avant de s'adresser à Hermès Trismégiste pour enfin affirmer son incapacité à être un alchimiste poétique.
- Le poète déchiré par la tension entre vie et mort (vers 1 à 4)
Ce bref sonnet s'ouvre de manière mystérieuse avec un parallélisme antithétique aux vers 1 et 2 :
« L'un t' éclaire avec son ardeur, / l'autre en toi mets son deuil, Nature ! » .
Cette ouverture est mystérieuse car « l'un » et « l'autre » sont des pronoms indéfinis : le sujet du poème n'est donc pas immédiatement identifiable par le lecteur.
Le mystère est renforcé par la concision des vers et la violente apostrophe à la Nature, marquée par un point d'exclamation « Nature ! ». C'est donc à une Nature sacralisée par la majuscule que le poète s'adresse.
C'est l'opposition entre vie et mort qui est mise en scène. (antithèse entre « ardeur » et « deuil », « sépulture » et « vie et splendeur ».
Ainsi, le premier vers va vers la vie avec les termes « éclaire » et « ardeur ». L'allitération en « r » restitue la puissance vitale de cette énergie guidant vers l'idéal.
Le deuxième vers met au contraire en valeur un principe de mort, le Spleen, qui « met son deuil » jusqu'au sein de la Nature.
Cette tension entre vie et mort, Spleen et Idéal, est permanente, comme le suggère le présent de l'indicatif, mode de la certitude. « éclaire », « met ».
Les deux vers suivants prolongent cette tension tragique : « ce qui dit à l'un Sépulcre ! / Dit à l'autre : Vie et splendeur ! »
Les rimes embrassées de ce quatrain « ardeur » / « Nature » / « Sépulture » / « Splendeur » / font résonner les différents états d'âme du poète.
Le répétition du verbe « dire » aux vers 3 et 4 resitue le théâtre intérieur de Baudelaire où le Spleen morbide et la tension vers l'Idéal se répondent.
- Le poète s'adresse à Hermès trismégiste (vers 5 à 8)
Au deuxième quatrain, Baudelaire semble changer de sujet en s'adressant à Hermès « Hermès inconnu qui m'assistes » v. 5. Baudelaire évoque ici Hermès Trismegiste, personnage de l'antiquité greco-égyptienne, à qui sont attribués les écrits sur l'alchimie. Il fait directement référence au titre « alchimie » et son qualificatif d' »inconnu » tient à son statut de figure obscure et mystérieuse.
Baudelaire se dit assisté par Hermès. Il s'inscrit ainsi dans une conception antique du poète, qui voudrait que ce dernnier soit inspiré par les Dieux. Hérmes symbolise aussi ici la faculté ou le travail de l'imagination du poète : c'est cette imagination qui lui permet de transfigurer le monde.
Cependant, il est montré aussi ici comme un Dieu obscur et inquiétant qui guide le poète et l'intimide (v.6).
Le patronnage d'Hermès est donc une malédiction « Tu me rends l'égal de Midas / Le plus triste des alchimistes ».
Midas était un roi Mythique dont les mains transformaient en or tout ce qu'il touchait, ce qui fait de lui un alchimiste.
Baudelaire assimile la poésie à l'alchimie : la poésie est censée transformer le matériau qu'est le langage en or.
Pourtant, le poète et Midas sont désignés comme « le plus triste des alchimistes ». (v.8). Cette hyperbole peut surprendre : le poète devrait se réjouir de pouvoir tout transformer en or, car c'est l'idéal de tout poète. Cependant, comme Midas, ses pouvoirs d'alchimiste l'empêchent de vivre. En effet, Midas transformait en or même l'eau et la nourriture et il en est mort. Tout comme lui, le poète souffre donc de ses pouvoirs poétiques.
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