Abraham A. Moles, Elisabeth Rohmer, L’évolution du centre ville, Castermann,1978.
Résumé : Abraham A. Moles, Elisabeth Rohmer, L’évolution du centre ville, Castermann,1978.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Stephanie Roxane • 25 Décembre 2021 • Résumé • 877 Mots (4 Pages) • 757 Vues
DOCUMENT DE REFERENCE
Le centre ville est réhabilité dans sa fonction et dans sa valeur : on prend des « mesures » et on ravale les édifices en exploitant au maximum leur historicité devenue une valeur essentielle et irremplaçable. Toute une législation qui est loin d’être achevée se constitue sur ces bases ; un de ses outils essentiels sera le développement de pyramide de l’âge des maisons. C’est ici que se greffe sur ce développement plein de bonne volonté qui a été l’histoire urbaine des quarante dernières années, un mécanisme qui n’avait pas été prévu et qui va devenir un des problèmes dominants de la cité européenne concentrée. Le premier stade de ce développement est celui de la fripe. Puisque la valeur du centre ville a été redécouverte, un certain nombre de leaders de comportement, artistes, intellectuels avant-garde des anciens riches propriétaires, viennent s’y installer, bientôt suivis par ceux-là mêmes qui l’avaient déserté au début du siècle. Les maisons aménagées résolvent heureusement (avec de l’argent) le conflit entre principe de conservation et principe de spéculation, souvent en conservant exclusivement la façade et en les rebâtissant à l’intérieur. Les greniers se transforment en duplex ou triplex, la valeur au sol croît très vite, la spéculation prospère, seules quelques municipalités courageuses qui ont bloqué au départ le prix des terrains échappent à cette règle. Avec les artistes et les intellectuels viennent les touristes qui passent, cherchent le charme et l’y trouvent, et les commerces de tourisme s’installent pour les satisfaire. Le marchand de fripe – cher autant que possible – s’installe aux côtés de la mercière oubliée là, et convoite ses mètres carrés sur la grand-rue. Le royaume de la fripe est pittoresque, de l’ancien-ancien on passe au nouveau-ancien, au kitsch de la fripe, à la fripe signée ou portant des marques de la signature, à la fripe fabriquée, « artistiquement râpée ». Dès ce stade, le centre ville n’a que faire des ses commerces « pauvres », épiceries et boucheries, mercières et cordonniers, vrais artisans dont l’atelier encombre la cour dans laquelle on pourrait si bien mettre du clinquant et des tables de restaurant : nous sommes dans la frime, les commerces de frime, la frime historique ou la frime alimentaire, celle des lettres gothiques de l’Hostellerie normande. Ediles et artistes sont heureux et triomphants, le centre ville est rénové, recouvré depuis les bas-fonds des cas sociaux, la bruyante joie se répand dans les rues piétonnes, et le Ministère de la Culture se félicite. Les habitants découvrent cependant – au bout d’un certain temps, car c’est un processus très progressif - , la disparition de ces petits ou moyens commerces dont l’assortiment recouvrait le spectre à peu près complet de leurs besoins. L’épicier est parti, le boucher s’est installé en banlieue, seul résiste quelque Prisunic par la force de sa grandeur et sa capacité d’animer à bon marché. Chelsea, Greenwich Village ou le Quartier Latin, proposent à l’époque actuelle des exemples parfaits de ce stade du processus. Une maladie subtile s’est installée : on pourrait l’appeler la maladie de la frite. Le centre ville est devenu centre d’un commerce bien particulier qui, au lieu de couvrir le spectre des besoins humains, couvre celui des touristes et le touriste est bien différent de l’homme quotidien. Il a plus besoin de bijoux que de pain, et plus besoin de snacks que de restaurants fins. Le centre ville est le haut lieu de la caméra photographique et celle-ci à toute heure du jour et de la nuit a besoin de se nourrir, rapidement et à bon marché, car le touriste est essentiellement au milieu de la pyramide sociale. C’est le règne de la frite : la marchande odorant s’étale sur le trottoir à côté du masque nègre, fait bon ménage avec le souvenir de la cathédrale et la chemise indienne. La mauvaise monnaie chasse la bonne, l’odeur et le bruit font refluer par leur permanence les reconquérants du centre ville, qui repartent à la conquête d’autres résidences. Ainsi, un nouveau cancer s’installe dans le centre ville, celui-ci retourne à une nouvelle dégradation de luxe que ses édiles n’avaient pas prévue.
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