« Alchimie poétique : la boue et l’or » Les Fleurs du mal de BAUDELAIRE
Fiche : « Alchimie poétique : la boue et l’or » Les Fleurs du mal de BAUDELAIRE. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Fepco • 17 Mai 2021 • Fiche • 3 396 Mots (14 Pages) • 1 811 Vues
Parcours : « Alchimie poétique : la boue et l’or » Les Fleurs du mal de BAUDELAIRE
Introduction :
Le 20 août 1857, Baudelaire voit son ouvrage poétique : « Les Fleurs du mal » condamné pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Le tribunal exige de l’auteur une amende de 300 francs et la suppression de six poèmes, accusés de contenir des passages ou des mots obscènes, portant atteinte à la morale. Baudelaire est affecté par ce procès, l’ampleur des accusations et l’incompréhension de son œuvre par le public. Le soir même du verdict il se montre au café les cheveux rasés et avec une chemise sans col, comme un guillotiné. Pourtant, aujourd’hui, le recueil de Baudelaire est incontestablement considéré comme un chef-d’œuvre et l’une des œuvres poétiques majeures de la modernité littéraire : Baudelaire a ouvert des voies nouvelles à la poésie, par son esthétique originale : notamment un goût du contraste qui s’exprime dans l’alliance de termes contradictoires présente déjà dans le titre : « Les Fleurs du mal » ou dans « Spleen et idéal » - titre de l’une des sections - (Le « Spleen », mot emprunté à l’anglais, qui signifie « humeur noire » est le mal être baudelairien. Il s’agit d’un dégoût de tout, d’un état dépressif et morbide ressenti par le poète. A ce spleen, Baudelaire oppose l’ « Idéal », un monde invisible fait de douceur et de volupté.) L’auteur précise dans le poème « Au lecteur » qui ouvre le recueil : « Aux objets répugnants nous trouvons des appas ». Il célèbre ainsi une charogne en décomposition dans : « Une charogne » ou transforme la beauté en laideur dans « Les métamorphoses du vampire », et le titre du recueil est significatif puisqu’il s’agit d’extraire « les fleurs » c’est-à-dire la beauté (les fleurs poétiques : les poèmes) « du mal », c’est-à-dire toutes les formes de vice ou de laideur. Cela éclaire le titre du parcours associé à l’étude des Fleurs du mal : « l’alchimie poétique : la boue et l’or ». On retrouve en effet cette formule dans un projet d’épilogue, un poème en tercets adressé à la ville de Paris : « Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte. /Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence. /Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. » Baudelaire compare donc sa poésie à de l’alchimie, une pratique occulte destinée à réaliser la transmutation des métaux vils (plomb) en un métal noble (l’or). Cette transformation apparaît dès le titre « Les Fleurs du Mal » qui suggère la métamorphose du « mal » en « fleur ». Baudelaire s’adressait à la ville de Paris, dans la phrase : « Tu m’as donné… », nous pourrons donc particulièrement nous intéresser aux poèmes de la section « Tableaux parisiens » où sont célébrés, entre autres, les exclus, les marginaux, les miséreux qui se trouvent dans Paris, c’est-à-dire les réalités parfois sordides du Paris populaire.
I L’alchimie poétique dans l’histoire littéraire en poésie :
Le rapprochement de la poésie et de l’alchimie s’opère dès le Romantisme au début du XIXème. Elle est favorisée par la revalorisation du rêve comme puissance de l’imaginaire capable de transfigurer la réalité mais aussi d’ouvrir ou d’initier l’esprit à un autre monde (chez le poète Gérard de Nerval, le prosateur anglais Thomas de Quincey, les auteurs allemands comme Novalis, etc.). Le poète, réduit au rang de versificateur au XVIIIème, siècle de la raison et des Lumières, retrouve son aura d’initié ou de prophète : il redevient un Orphée qui a pénétré dans les ténèbres de la mort et peut en révéler les mystères, bien qu’il ait échoué à ramener des Enfers sa bien-aimée Eurydice, qui était décédée.
[N.B. Ambiguïté du poète au XIXème siècle : Si les auteurs romantiques présentent encore le poète comme un « rêveur sacré » (Victor Hugo « Fonction du poète ») ou comme un « mage », ils n’ignorent pas que le poète est socialement marginalisé, et l’on voit apparaître la figure du poète malheureux, isolé, qui devient dans la seconde moitié du XIXème siècle « le poète maudit », génie incompris et pourtant souverain, supérieur, dans sa solitude au milieu des hommes. cf « L’albatros » de Baudelaire.]
Car l’alchimie, comme la magie, est une métaphore des pouvoirs de la poésie : transfiguration de la réalité (mutation du fer en or) mais surtout le poète se fait « voyant », déchiffreur de symboles et messager du monde spirituel. D’ailleurs, le poète symboliste, Rimbaud dira de Baudelaire : « Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu ». Car après Baudelaire, l’ « alchimie poétique » sera une métaphore permanente et Rimbaud parlera de l’ « alchimie du verbe », c’est-à-dire de la magie des mots. Le poète joue de cette magie du langage pour dire ses visions, car il est « voyant », il perçoit une réalité autre que la réalité commune. C’est au début du XXème siècle, chez les poètes surréalistes, que cette conception de la poésie atteint son apogée : le mouvement surréaliste reprend cette figure du poète-alchimiste (jusque dans le Second Manifeste du surréalisme d’André Breton, paru en 1930) pour signifier la façon dont la poésie peut donner à voir, au-delà du réel et du visible, le monde surréel de l’inconscient, de la nuit et du mystère.
II Les problématiques à travers lesquelles on peut aborder le parcours :
« L’Alchimie : la boue et l’or » est chez Baudelaire une véritable interrogation sur ce que peut la poésie :
-Comment la poésie peut-elle transfigurer la réalité ?
-Comment convertit-elle le laid et l’immoral en beauté ?
-La poésie ne doit-elle représenter que la beauté ?
-La poésie nous aide-t-elle à voir le monde autrement ?
-Dans quelle mesure le poète est-il un « voyant » ?
-La poésie fait-elle du poète un démiurge, c’est-à-dire un créateur, à l’instar de Dieu ?
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