Décrochage scolaire - analyse Fortin

        Introduction

        En France, la sortie du système de formation initial d'un jeune sans l'obtention d'un diplôme est nommé « décrochage scolaire ». Ce phénomène est toujours lié à une norme, cette norme détermine notamment le niveau de certification minimum requis par les jeunes, qui est aujourd'hui fixé à l'obtention du baccalauréat. En augmentant le niveau d'exigence de notre système éducatif, une partie de la population s'en trouve exclut, ainsi environ 140 000 jeunes quittent le système éducatif sans l'obtention de ce diplôme classé au niveau IV ou V. Depuis les années 90, ces sorties précoces du système éducatif concerne 1 jeune sur 7.

        Pour mesurer l’abandon scolaire, nous avons recours à deux indicateurs européens : le taux de sortants sans diplôme (les plus de 15 ans sortis du système de formation initial sans diplôme du second cycle secondaire) et le taux de sortants précoces (les 18-24 ans en dehors de tout système de formation et sans diplôme du second cycle secondaire).

        Pour étudier et comprendre ce fait social qu'est le décrochage scolaire, il faut en passer par sa déconstruction, c'est cette déconstruction qui va permettre de cerner les processus qui mènent au décrochage. Si c'est le processus qui est étudié, « le fait de quitter l'école », on cherchera surtout à comprendre le problème et à le prévenir, tandis que lorsqu'on étudie le décrochage en tant qu'état, c'est à dire comme « le fait de ne plus être à l'école », on cherche à y remédier.

1. Biographie

        Laurier Fortin est un professeur de la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Il travaille depuis 38 ans dans la recherche, notamment auprès d'élèves présentant des troubles du comportement. Ses travaux ont mené à des résultats très convaincants, il a d'ailleurs reçu la médaille d'or de la FCSQ. Pour financer ses recherches, il a fait une demande de subvention au conseil de recherches en sciences humaines du canada. Cette demande de subvention à été classée première. Cela à été pour lui la plus grande reconnaissance de sa carrière. Laurier Fortin recevra également pour celle-ci un budget de 1,25 million de dollars. Son étude durera 5 ans, elle consistera à mesurer une quinzaine de variables touchant le comportement des élèves à l'école, à la maison et en société, à l'aide de questionnaires qu'il fera passer à ces élèves 2 fois l'an. En effet, les chercheurs ont mis au point un outil permettant de diagnostiquer les élèves à risque de décrochage, auprès de 776 jeunes âgés de 17 et 18 ans lors de leur entrée au secondaire. Cela est la continuité d'un vaste projet qu'il avait entrepris auprès de 810 élèves du secondaire. Il effectue cette recherche avec l'aide de 3 autres chercheurs. Contrairement à la grande majorité des programmes de prévention du décrochage scolaire mis sur pied jusqu’à ce jour et qui s’adressent essentiellement aux élèves présentant des troubles d’apprentissage ou des problèmes de comportement (40 % des élèves à risque), ce programme vise une intervention adaptée à chacun des types de décrocheurs potentiels.

1. Thèse des auteurs

        Les auteurs ont d'abord recensé les précédentes études réalisées dans le domaine du décrochage scolaire : des études descriptives et rétrospectives pour la plupart.

        Les facteurs à risque de décrochage scolaire mis en évidence par ces différentes études sont les suivants : les difficultés d'apprentissage apparaissent comme le principal facteur de décrochage scolaire, il est suivi des troubles du comportement extériorisé, de la délinquance et des lacunes d'habilités sociales.

        Les auteurs ont pu déceler certaines limites dans ces différentes études. Ils ont d'abord repéré que les objectifs principaux de la majorité de ces études « se centrent essentiellement sur les troubles du comportement extériorisé des élèves décrocheurs », et que si toutefois il existe bien quelques études qui rendent compte de la concomitance entre les troubles du comportement et l'anxiété/dépression, elles ne la mettent pas en lien avec le décrochage scolaire. De plus, ces études sont réalisées pour la grande majorité sur de faibles échantillons d'élèves, ce qui ne permet pas une réelle compréhension, ni une meilleure prévention du décrochage scolaire chez les élèves à risque, en effet on ignore toujours les facteurs et caractéristiques positives qui pourraient permettre de prévenir le décrochage scolaire.

        Pour remédier à ces différentes lacunes, Fortin et Picard ont choisi de réaliser une étude prospective sur trois années et sur un plus grand nombre d'adolescents et d'adolescentes à risque de décrochage scolaire. Ils ont étudié chez ces élèves : leur caractéristiques personnelles et les difficultés concomitantes du décrochage rencontrées (délinquance, comportements intériorisés et extériorisés, lacunes d'habilités sociales).

        Nous ne sommes pas ici dans remédiation directe du problème mais bien dans l'étude des processus qui mènent au décrochage scolaire. En s'intéressant aux processus, les auteurs cherchent à comprendre ce qui conduit le jeune à quitter le système éducatif, ainsi qu'à en prévenir le décrochage.

        Ainsi les auteurs ont posé cette question de recherche : parmi l'ensemble des caractéristiques personnelles des élèves à risque, lesquelles permettent le mieux de discriminer les décrocheurs des persévérants ? → Quels sont ces adolescents et adolescentes à risque ?

1. Méthodes

        Les auteurs ont mis au point une méthode en trois étapes :

        - Dans un premier temps, ils ont comparés les caractéristiques personnelles d'élèves à risque de décrochage répartis en trois cohortes distinctes : la cohorte 93, la cohorte 94 et la cohorte 95. Ils étudient ainsi les troubles du comportement, la délinquance, les habilités sociales et enfin au QI de ces élèves.

        - Dans un deuxième temps, après l'abandon ou la poursuite d'étude de ces élèves, ils les ont réparti cette fois en deux groupes : celui des élèves persévérants et celui des élèves décrocheurs. Ils ont ainsi pu comparer les caractéristiques personnelles de ces deux groupes.

        - Dans un troisième et dernier temps, ils ont tenté d'identifier ce qui permet de discriminer le mieux les persévérants des décrocheurs parmi leurs caractéristiques personnelles.

        Les sujets de cette étude sont âgés de 15 à 18 ans, et comme préciser précédemment ils sont divisés en trois cohortes : la cohorte 1 (1993-1994), la cohorte 2 (1994-1995) et la cohorte 3 (1995-1996). Ils participent à un programme d'insertion sociale et de préparation au marché du travail (ISPMT). Les auteurs ont choisi de s'intéresser à ces élèves car ils se trouvent en situation d'échec scolaire, ce qui se caractérise chez eux par des difficultés d'apprentissage depuis l'école primaire.

...