Être moral est-ce être bête ?
Dissertation : Être moral est-ce être bête ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar AryM • 18 Août 2021 • Dissertation • 787 Mots (4 Pages) • 428 Vues
Sujet 2 : Dans son dernier roman, Là où tout se tait, l’écrivain Jean Hatzfeld donne la parole aux quelques Hutus qui ont sauvé des Tutsi lors du génocide de 1994, au Rwanda. « Plus de vingt ans après son premier livre consacré au génocide des Tutsi, en 1994, au Rwanda, le magnifique Dans le nu de la vie (Seuil, 2000), Jean Hatzfeld continue d’affronter la question du Mal radical. Lui qui avait déjà recueilli la parole des victimes et des bourreaux redonne aujourd’hui voix aux quelques Hutus qui ont sauvé des Tutsi pendant l’extermination. » Le Monde. Ce titre (inspiré d’un vers du dernier poème d’Apollinaire, La jolie Rousse, « Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait »), nous pose la question suivante : que peut le silence face à la violence de l’Histoire ?
Alors que le Talmud confère au silence un pouvoir quasi mystique, puisqu’il est le moyen de se rapprocher de Dieu et “le remède à tous les maux” (Meguila, 18a), la monstruosité morale du vingtième siècle semble avoir fait vaciller le langage et imposé son silence aux milliers de juifs rescapés des camps de concentrations dont l’Europe refusait de voir l’horreur. Voilà qui montre bien l’équivoque du silence, il peut être à la fois celui du recueillement, de la prière et de la paix ou bien au contraire signer le refoulé, l’omertà voire l’oppression. La bonté est-elle donc vraiment cette “contrée énorme où tout se tait” dont nous parle Apollinaire ? Que peut ce silence face à la violence de l'Histoire et comment la littérature peut-elle paradoxalement s’en emparer ?
A priori, le silence semble d’abord être associé à l’oppression, particulièrement pendant la seconde guerre mondiale, ce que la littérature rapporte très bien : d’un kapo qui dit à Primo Levi « hier ist kein warum » (Ici il n’y a pas de pourquoi), à René Char qui parle dans les Feuillets d’Hypnos d’un village "bâillonné" par les SS, ou aux “six années sans crier” que Marguerite Duras dit avoir vécu dans La Douleur. Ecrire, parler, simplement produire un son semble dès lors être un acte politique, une résistance contre la violence et la guerre. Voilà l’ambition de Giono par exemple, qui par la littérature espère faire de la première guerre mondiale “la der des ders”. Mais il a bien vu que “Dès le lendemain, l’indignation était tombée”, l’Histoire aussi, son ambition fut vaine.
Peut-être faut-il alors se mettre physiquement à la place du poilu, dont Apollinaire et Giono sont d’ailleurs deux représentants, et imaginer la mitraille perpétuelle et le bruit insupportable des bombardements, pour comprendre que le silence c’est aussi la paix, ce sont les rares moments où l’on ne craint pas de mourir. La Douleur, lors du retour de Robert L. nous montre aussi cette dimension du silence : c’est au moment où “les bruits s’éteignent” qu’il sourit et que la narratrice peut en n reconnaître son mari, même si c’est comme au “au fond d’un tunnel”, le premier pas est fait.
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