Suffit-il de parler pour s'entendre ?
Dissertation : Suffit-il de parler pour s'entendre ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Clémentine Parmentier • 10 Avril 2021 • Dissertation • 1 762 Mots (8 Pages) • 1 522 Vues
Dissertation
Suffit-il de parler pour s’entendre ?
Ésope disait « la langue est la meilleure et la pire des choses ». Si l’on se fie à ce raisonnement, cette dernière permet aux êtres humains de communiquer entre eux, de nouer des liens, d’exprimer leurs satisfactions et leurs désirs. En d’autres termes, elle lie les hommes entre eux. Mais elle peut être aussi la pire des choses car parler ne veut pas forcément dire s’entendre. Cela peut ainsi mener à de l’incompréhension, de la frustration voire à une dispute. C’est pourquoi, parler est nécessaire mais pas suffisant. Ici, lorsque nous évoquons le verbe suffire, cela revient à nous demander si parler est le seul moyen pour se comprendre. Le verbe s’entendre a quant à lui de nombreuses nuances. Il peut vouloir dire s’entendre au sens propre, à l’aide de l’ouïe mais il signifie également s’entendre avec quelqu’un, fraterniser, créer une affinité, un lien social ou encore s’arranger en se montrant conciliant. Nous verrons alors qu’il suffit de parler pour s’entendre, à condition d’utiliser le langage de façon adéquate. Puis nous mettrons en exergue le fait qu’il ne suffit pas de parler pour s’entendre car le langage, en tant qu’objet culturel et personnel, dispose de nombreuses nuances. Enfin, nous nous questionnerons sur la nécessité de l’entente.
Le langage est nécessaire mais il faut savoir l’utiliser correctement pour s’entendre. Platon l’affirme dans Gorgias en opposant Socrate, célèbre philosophe faisant l’éloge du dialogue, face au sophiste Gorgias qui use de l’art du discours. Ainsi, nous allons confronter le dialogue et le discours, qui sont deux modes d’utilisation du langage ne menant pas aux mêmes fins. Socrate affirme que le dialogue est l’art authentique de la parole et qu’il faut l’apprendre. Tout d’abord, cela s’explique par des raisons morales puisqu’il est fondé sur l’égalité et la réciprocité : les orateurs sont donc au même niveau. En effet, ils avancent ensemble, ils exposent leurs arguments et sont en quête de vérité. Ils s’apportent mutuellement des connaissances. Ensuite, cela se justifie également par des raisons logiques, car le dialogue amène les orateurs à confronter leurs idées, leurs opinions et à favoriser leur soif de savoir. Par opposition, le discours est, pour Socrate, un moyen de communication qui va uniquement dans un sens car seule une personne a la parole et exprime ses idées. Lors du discours, l’orateur est seul, le public est donc en attente d’idées intéressantes ou d’une pensée qui va lui plaire par exemple. De ce fait, l’orateur va jouer de son charme et de son élocution pour convaincre et persuader. Cependant, le public ne peut pas exposer ses idées et son ressenti en retour, ce qui ne permet pas une entente totale et un échange des deux parties. Nous pouvons alors affirmer que l’utilisation du dialogue est favorable à une entente entre deux interlocuteurs. Il suffit donc de parler pour s’entendre.
Nous pouvons ensuite nous demander si le dialogue permet une compréhension totale entre deux orateurs. Pour Socrate, les deux interlocuteurs doivent être dans le même état d’esprit. Autrement dit, ils doivent être capables d’entendre des opinions contraires aux leurs et donc d’être contestés. Socrate pense ainsi que dans une telle situation, l’interlocuteur doit également être en mesure de faire de même en retour. Ainsi, ils doivent accepter l’idée qu’une autre personne puisse leur apprendre une vérité ou un fait différent de leur croyance. Dans ce cas, le dialogue devient alors intéressant et enrichissant pour les débatteurs. C’est en acceptant d’avoir tort et en écoutant les arguments et contre-arguments de leur égal qu’ils vont apprendre davantage et accroître leur bagage culturel. Le cas échéant, cela créerait un désaccord dans leur discussion et cela amènerait ainsi une tension suivie de méfiance. En effet, plutôt que de débattre, les orateurs entreraient en combat, chercheraient à étaler leur supériorité et rentreraient alors dans un discours en oubliant le sujet initial. Ce point de vue nous amène à dire que le dialogue peut créer une entente mais encore faut-il savoir écouter autrui et accepter les avis divergents.
Savoir écouter est un premier pas vers l’entente mais la langue est un objet sociétal composé de nombreuses nuances. En effet, c’est tout d’abord une caractéristique d’une réalité sociale qui aide à percevoir autrui. Nous pouvons nous appuyer sur l’avis de Sapir qui pense que la langue conditionne les hommes. Il soutient l’impossibilité de vivre dans une société si l’on ne maîtrise ou n’utilise pas le langage. Il met également en avant le fait qu’une langue est égale à un environnement et donc à une société. Selon lui, la langue n’est pas qu’un simple un outil de communication et de réflexion. Ainsi, la perception et l’interprétation des mots associés aux autres sens tels que l’ouïe et la vue sont différentes selon la société dans laquelle nous vivons. Les vérités fondamentales humaines sont alors remises en cause. Nous pouvons nous appuyer sur l’exemple du poème selon Sapir. Il explique que ce n’est pas parce que l’on comprend le sens de chaque mot que l’on est capable de comprendre le contexte dans lequel a été écrit le poème pour saisir son essence. Le monde peut être alors perçu comme incertain car la pluralité des langues fait qu’un seul et même propos peut avoir plusieurs sens. La langue universelle pourrait alors être une réponse. Arendt renforce la thèse de Sapir en interprétant l’absurdité d’une langue universelle. Pour Arendt, la langue est une association de vocabulaire et de grammaire, ce qui construit une manière de penser. Il y a donc autant de langues que de manières de penser. Ainsi, il serait absurde d’avoir une langue universelle car il est impossible de déterminer arbitrairement ce qu’est une chose indépendamment de toutes les nuances que peuvent lui donner les différentes langues. Nous pouvons affirmer ce propos en amenant l’exemple des Inuits qui ont une cinquantaine de mots pour décrire le mot : « neige ». Cela confirme qu’il ne suffit pas de parler pour s’entendre à cause des nuances des langues, des interprétations et des utilisations au sein des sociétés.
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