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Suffit-il De Faire Son Devoir Pour Pouvoir Se Dire Morale ?

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Par   •  9 Février 2014  •  1 406 Mots (6 Pages)  •  5 424 Vues

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suffit-il de faire son devoir pour pouvoir se dire morale?

Au paradoxe du bonheur répond un paradoxe du devoir. Mais commençons par définir ce terme. Un devoir, c'est un impératif moral, un commandement de la morale. Et la morale, c'est le système de valeurs qui :

a) différencie le bien du mal

b) prescrit de choisir et de faire le bien.

Il s'agit bien d'un système, et non d'un "tas" de règles morales, car on peut exiger des normes qui composent un code moral qu'elles soient cohérentes entre elles : une morale ne peut pas à la fois nous commander de faire quelque chose... et nous interdire de faire ce qui serait nécessaire pour l'accomplir. "Le" devoir désigne donc tout ce que la morale nous commande de faire.

Le fait même que l'on puisse parler de "la" morale plutôt que d'une morale nous indique déjà un problème sur lequel vous êtes (je suppose) en train de travailler de votre côté : celui qui concerne la possibilité d'une pluralité de morales. Porter un jugement moral, n'est-ce pas toujours se réclamer de LA morale, une, intemporelle et universelle ? Mais je laisse cela de côté pour le moment.

Il y a donc un lien de réciprocité entre devoir et morale : faire notre devoir est moral, et être moral est un devoir. Bien. Mais cela implique-t-il que tout individu qui "fait son devoir" soit moral ?

Tout dépend de ce que l'on appelle "faire son devoir". Accomplir son devoir, cela semble d'abord désigner le fait d'agir conformément à notre devoir, c'est-à-dire conformément à ce que la morale commande. Mais suffit-il d'agir conformément à notre devoir pour être moral ? Prenons un exemple. La morale me commande de venir au secours des plus démunis. Un politicien en période électorale invite des journalistes à assister à une cérémonie durant laquelle il lègue une partie de sa fortune à quelques SDF sélectionnés pour l'occasion. Au sens strict, cette action est conforme au devoir (le politicien vient en aide financièrement à des individus démunis) ; mais peut-on pour autant qualifier cette démarche de morale ?

Ce qui nous gène dans cet exemple, c'est évidemment que le politicien en question semble agir, non dans l'intérêt d'autrui, mais pour son intérêt à lui. S'il vient en aide aux plus démunis, ce n'est ni par solidarité, ni par générosité, ni par bienveillance, mais par intérêt. Ce qui détruit totalement la dimension "morale" de son geste.

Bien. Il nous faut donc rectifier notre précédent énoncé. Pour être moral, il ne faut pas seulement agir conformément à notre devoir ; il faut que notre devoir soit accompli, non par intérêt, mais par devoir ; c'est-à-dire qu'il doit être accompli parce que le devoir le commande, et rien d'autre.

Tout ceci semble être évident. mais le paradoxe apparaît si nous prenons un autre exemple. Supposons un individu qui, d'un naturel généreux, prend plaisir à répandre la joie autour de lui ; rien ne lui fait plus plaisir que de lire la joie dans les yeux de ceux auxquels il vient en aide. Voici donc venir l'individu vertueux : celui qui pourrait dire, à chaque fois que quelqu'un le remercie pour ses dons et son aide : "ne me remerciez pas, cela me fait plaisir."

Le problème avec le vertueux, c'est que si ce qu'il dit est vrai... alors il n'est pas plus moral que notre précédent politicien ! Pourquoi cet individu vient-il au secours de son prochain ? Par plaisir. Cela lui fait plaisir d'agir conformément au devoir. Mais dans ce cas, en quoi est-il moral ? Cet individu n'agit pas par devoir, maispar plaisir. La raison pour laquelle il vient en aide aux autres, ce n'est pas que "le devoir le lui commande", mais parce que cela le rend heureux. Or il n'y a rien de proprement moral dans le fait de faire ce qui nous rend heureux (sauf peut-être pour Alain... mais c'est une autre histoire !). Rien ne différencie véritablement le politicien de notre vertueux : tous deux agissent conformément au devoir ; tous deux agissent par convenance personnelle. Aucun des deux n'agit "par devoir" : aucun des deux n'est donc... moral.

Tel est donc le paradoxe du devoir

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