L'ordre moral
Dissertation : L'ordre moral. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar avde • 14 Avril 2025 • Dissertation • 1 563 Mots (7 Pages) • 14 Vues
Introduction
Dans l’extrait proposé, tiré du Précis de droit administratif de Maurice Hauriou (1933), l’auteur souligne que la police administrative est avant tout compétente pour préserver l’ordre matériel et extérieur, en empêchant la survenance de troubles susceptibles de perturber la vie sociale. Selon lui, « elle ne poursuit pas l’ordre moral dans les idées et dans les sentiments, elle est pour cela radicalement incompétente ». Autrement dit, la police administrative aurait pour rôle de réprimer le désordre apparent et concret (les atteintes physiques ou matérielles), sans chercher à contrôler la moralité ou les opinions des individus.
Pourtant, la pratique et la jurisprudence ont progressivement nuancé cette affirmation. Les autorités de police peuvent, dans certaines circonstances, agir au nom de la moralité publique ou de la dignité de la personne humaine, dès lors que des « circonstances locales particulières » ou un risque d’atteinte à la dignité humaine justifient une intervention (CE 18 décembre 1959, Société des films Lutetia ; CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge).
Nous commenterons donc cet extrait en montrant, d’une part, en quoi la police administrative est tournée vers la préservation d’un ordre public matériel et extérieur, ce qui correspond à la conception classique d’Hauriou (I). Nous analyserons, d’autre part, les évolutions notables de la notion d’ordre public, qui intègre progressivement des considérations de moralité et de dignité, montrant ainsi que la police administrative peut, dans certains cas, intervenir au-delà du seul « ordre dans la rue » (II).
I. Une police administrative tournée vers le maintien d’un ordre public « matériel et extérieur »
Maurice Hauriou envisage la police administrative comme un mécanisme visant à maintenir un ordre public concret (A). Cette vision classique, longtemps dominante, s’est traduite dans la législation et la jurisprudence par des interventions strictement limitées aux risques effectifs de trouble (B).
A. L’« ordre dans la rue » : une finalité matérielle et extérieure
Fondement légal : l’article L.2212-2 du CGCT
L’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) rappelle que la police municipale « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Cet énoncé, repris dans le dossier documentaire, met l’accent sur la dimension matérielle : lutte contre les bruits, tumulte, dépôts sur la voie publique, etc. Il s’agit de garantir la tranquillité des habitants, leur sécurité (prévenir les accidents, inondations, incendies, etc.) et leur salubrité (hygiène, santé).
Le champ d’action classique de la police administrative
Historiquement, et selon la doctrine de Hauriou, la police administrative ne doit pas poursuivre de fins « morales » : seul compte le désordre physique ou concret (CE, 7 novembre 1924, Club des indépendant Chalonnais). Ici, le maire estimait que la boxe, par son « caractère parfois sauvage », portait atteinte à « l’hygiène morale » ; le juge a validé l’arrêté sur le fondement de l’ordre public, mais toujours sous l’angle d’un risque de troubles concrets (bagarres, danger pour la sécurité), non comme un impératif moral détaché de toute notion de désordre matériel.
B. Des interventions limitées par l’exigence de trouble effectif
Le contrôle du juge : la proportionnalité des mesures
Le juge administratif exerce un contrôle exigeant sur les mesures de police, en rappelant qu’une interdiction ne peut être maintenue que si elle est nécessaire et proportionnée à la gravité du trouble redouté (CE, Ass., 19 mai 1933, Benjamin). Autrement dit, le maire ou l’autorité de police ne peut interdire une activité (conférence, manifestation) que s’il n’existe pas de moyen moins restrictif pour éviter des désordres effectifs.
La neutralité vis-à-vis des « désordres moraux »
Selon Hauriou, « la police ne pourchasse pas les désordres moraux ». De fait, une simple atteinte aux bonnes mœurs, non accompagnée d’un risque concret de trouble, ne suffit pas à justifier une interdiction. L’arrêt CE, 8 décembre 1997, Commune d’Arcueil, illustre cet aspect : le maire avait interdit l’affichage publicitaire lié aux « messageries roses », sans que la preuve d’un trouble local avéré soit rapportée ; la mesure fut annulée en raison d’un simple « caractère immoral » supposé, insuffisant pour établir un trouble d’ordre public local.
Il ressort donc de ces principes qu’en droit français, la police administrative vise à prévenir et à faire cesser les troubles matériels, concrets et extérieurs. Cette approche reste majeure, même si l’on voit apparaître une extension de la notion d’ordre public intégrant progressivement des préoccupations de moralité publique ou de dignité.
II. De la préservation de l’ordre matériel à la prise en compte de la moralité et de la dignité : l’extension du champ de la police administrative
En pratique, les pouvoirs
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