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Fiche de lecture Sociologie Devenir Adulte

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Par   •  18 Mars 2019  •  Fiche de lecture  •  2 603 Mots (11 Pages)  •  972 Vues

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Dans un contexte de dissolution de la frontière entre adolescence et âge adulte en Europe, caractérisé par un éloignement vis à vis des trajectoires traditionnelles de passage d’un état à l’autre, Cécile Van de Velde a cherché à analyser les destins des jeunes européens, dans son ouvrage Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe. Ce texte constitue le rapport de thèse de cette diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, devenue aujourd’hui sociologue.

Dans son ouvrage, l’auteure affirme que l’effacement des seuils de passage à l’âge adulte et le changement opéré ces dernières années quant à la représentation du « devenir adulte », ne modifient pas les différences de trajectoires des jeunes adultes en Europe, qui restent singulières à chaque pays. Au contraire, le « devenir adulte » reste fortement structuré par des normes sociales et par des agencements économiques, politiques et culturels. C’est ce constat paradoxal qui constitue la problématique de Cécile Van de Velde.

La sociologue a étudié quatre pays européens, dont les sociétés sont particulièrement différentes quant aux politiques et aux normes s’adressant directement ou non aux jeunes, tel que le lien entre diplôme et accès à l’emploi ou la présence d’un état-providence. Ces quatre pays sont le Danemark, l’Angleterre, la France et l’Espagne. Son approche est d’abord quantitative, la sociologue exploitant les résultats des six vagues du Panel européen des ménages, réalisés entre 1994 et 1999. L’étude est également qualitative : l’auteure a conduit et analysé 135 entretiens semi-directifs auprès de jeunes adultes vivant dans ces quatre pays. Cette échelle d’analyse, nationale, est le résultat de l’hypothèse avancée par l’auteure de l’existence d’un effet structurant des sociétés sur les trajectoires de la jeunesse et sur les conceptions de l’adulte qui lui sont associées, effet plus important que celui d’autres variables telles que la dimension sexuée, le niveau d’éducation, ou l’origine sociale. L’auteure avait donc un double objectif : étudier les différents itinéraires des jeunes en Europe mais surtout comprendre en quoi l’agencement des cadres sociaux et institutionnels nationaux a un impact sur leur vie.

Les résultats de son analyse comparative semblent montrer la véracité de son hypothèse : à partir des entretiens, l’auteure a dégagé des façons de penser dominantes, et il s’est avéré que ces trajectoires typiques se trouvaient quasi-systématiquement associées à l’appartenance à l’un des pays de l’enquête. Ces idéaux-types ont ensuite été confirmés et affinés avec l’approche quantitative, à partir des trajectoires effectives des individus, et d’une mesure de l’effet propre de cette variable intermédiaire comparativement à celle du genre ou de l’origine sociale. La dernière étape du travail de Cécile Van de Velde, un travail d’interprétation, a consisté à mobiliser les facteurs sociaux, économiques ou culturels permettant de rendre compte du lien entre une société donnée et un type de trajectoire de jeunesse ou de représentation de celle-ci, en déconstruisant cet apparent « effet sociétal ou géographique » au profit d’une interrelation de facteurs susceptibles de rendre plus ou moins probable l’émergence de tel ou tel parcours. Pour ce faire, elle s’appuie notamment sur les recherches de ses collègues européens.

 

C. Van de Velde a ainsi dégagé quatre idéaux-types de représentation de la jeunesse : « se trouver », « s’assumer », « se placer » et « s’installer ».

Le premier modèle, « se trouver », est majoritaire au Danemark. Au sein de celui-ci, la jeunesse s’envisage comme un temps d’exploration, long et axé sur la logique du développement personnel. La première caractéristique de ce modèle est celle de la décohabitation, réalisée autour des vingt ans en moyenne, typique des jeunes Danois, et étant la plus précoce d’Europe. Elle est observable dans la représentation du départ exprimée dans les entretiens avec des expressions telles que « il faut partir » ou « C’est dangereux de rester chez ses parents », et la nécessité d’un départ très jeune est partagée par la génération antérieure. Selon l’auteure, le départ n’est pas légitimé par des contraintes géographiques mais est jugé nécessaire à la construction de soi en tant qu’individu, et frappe par sa facilité et sa rapidité, résultats d’une liberté déjà acquise pendant l’adolescence. La deuxième caractéristique de l’idéal-type danois est celle de trajectoires « d’expérimentation », avec des jeunes susceptibles de partir à l’étranger, dans la non-urgence de s’inscrire à l’université directement après le lycée, ou de réaliser des aller-retour entre vie solitaire et union libre. Enfin, toujours dans une optique de découverte, les jeunes Danois sont beaucoup plus enclins que les autres européens étudiés à se réinvestir dans les études après les avoir arrêtées.

Le dernier chapitre de cette première partie est le plus important, car il étudie les facteurs spécifiques de la société Danoise permettant l’émergence de telles trajectoires. Ainsi, elles sont d’abord permises par l’Etat, de type « social-démocrate » garantissant une indépendance financière des jeunes, au travers d’aides (bourses étudiantes, indemnisation chômage…) qui ainsi ne dépendent pas des ressources familiales, dès leur majorité et pendant longtemps. Une autre source de financement est celle issue de l’emploi, la structuration du marché de l’emploi et du système éducatif permettant à plus de la moitié des jeunes danois de cumuler emploi et étude. Un ensemble de valeurs, dont la première est « une éthique du travail », héritière de l’éthique protestante webérienne et perceptible dans la socialisation à l’autonomie au sein des familles danoises, poussent les jeunes à se détacher de l’aide financière familiale. De la même manière, Cécile Van de Velde explique que l’individualisme et l’égalité sont deux traits importants de la culture danoise, justifiant les aides étatiques mais aussi la décohabitation précoce des jeunes. Cet ensemble de valeurs ayant fondé l’agencement sociétal danois est appelé « logique démocratique » par l’auteure et justifie donc les itinéraires des jeunes dans ce pays.

Le deuxième modèle concerne les Britanniques et est nommé « s’assumer » dans une logique d’émancipation. Il est tout d’abord caractérisé par un « devoir d’indépendance » chez les jeunes voulant « devenir adulte à tout prix », avec une décohabitation précoce (vingt-et-un ans en moyenne), brusque et totale, et une indépendance financière vis-à-vis de la famille, malgré l’absence d’aides étatiques importantes comme au Danemark. Cela pousse les jeunes à acquérir un emploi au détriment de leurs études, et se reflète dans une durée d’études moyenne plus courte que chez les pays voisins du Royaume-Uni. L’auteure note que certains indicateurs montrent une dimension contraignante de cette façon accélérée d’entrer dans l’âge adulte, avec une dimension normative au départ précoce, un nombre important de jeunes vivant en situation de précarité, une différence d’accès aux études selon le milieu social…

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