Oeuvre libre, fiction ou réalité en droit français ?
Dissertation : Oeuvre libre, fiction ou réalité en droit français ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Paul Rodet • 5 Février 2017 • Dissertation • 1 568 Mots (7 Pages) • 619 Vues
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« Œuvre libre, fiction ou réalité en droit français ? »
Avant la consécration des règles du droit d’auteur, l’œuvre était par nature évolutive et plurale. En l’absence de protection, rien ne faisait obstacle à la reprise et la transformation de l’œuvre. Cependant, dans un contexte juridique et social bien différent, l’œuvre libre apparait aujourd’hui comme un phénomène nouveau, où l’individu est mis au premier plan et s’est vu reconnaitre des droits privatifs sur sa création. Les œuvres libres existent dans la pratique, mais souffrent d'une absence de reconnaissance juridique permettant de garantir leur usage paisible.
L’œuvre libre peut être définie comme toute œuvre, quel que soit son mode d’expression, protégée par le droit d’auteur, évolutive, à pluralité d’auteurs, car il est possible de la copier, de la diffuser et de la modifier, de par la volonté de son auteur, sans autres restrictions que celles nécessaires à la garantie de ces libertés. Elle suppose un nouveau mode de création qui s'accorde mal avec les règles du droit d’auteur.
Au-delà de l'opposition apparente entre l'idée de partage, qui caractérise la notion d'œuvre libre, et les principes régissant le droit d’auteur, se dessine la possibilité d'une coexistence constructive qui participe au renouveau des notions d'auteur et d’œuvre. De nombreux mécanismes juridiques de droit privé et de droit public, combinés avec les règles du droit d'auteur, permettent d'organiser le partage de la jouissance des œuvres libres.
Cependant, le concept d’œuvre libre est-il réellement présent en droit français ? Ce concept ne remet-il pas en cause le droit d’auteur et la propriété intellectuelle ? La mondialisation et le consumérisme ont-ils eu un impact sur le droit d’auteur ? Malgré les profondes mutations que connait le droit d’auteur, l’œuvre libre reste-t-elle pertinente en droit français ? Ce concept, certes critiquable, est aujourd’hui en quête d’un statut juridique.
I - L’œuvre libre, un concept critiquable
Le concept d’œuvre libre est une pratique contestée, et difficilement mis en œuvre du fait des droits d’auteur.
A) La pratique contestée des œuvres libres
En réaction au système jugé trop « réservataire » de la propriété intellectuelle, des auteurs ont revendiqué la possibilité de rendre leurs œuvres libres. Les instigateurs du libre ont alors imaginé des licences permettant à quiconque de copier, diffuser et de modifier un logiciel. L’originalité de ce mode de diffusion tient au fait que l’auteur, qui souhaite rendre son œuvre libre, ne se contente pas de divulguer son œuvre sans se préoccuper de ce qui en sera fait par le public. En l’absence de statut juridique, c’est par un contrat que l’auteur va manifester sa volonté de rendre libre son œuvre. Il autorise alors la copie, la transmission et la modification de sa création. Une œuvre devient libre que par la volonté de son auteur.
Ces licences libres sont en fait des contrats. Ce sont des licences volontaires, non-exclusives, en pratique gratuites et en général internationales. Cependant, le bilan actuel de ces licences est mitigé. Chacune d’elle est une source précieuse pour comprendre quelle est la volonté des auteurs lorsqu’ils décident de rendre libre leurs œuvres. Mais celles-ci sont contestables sur le plan juridique et pratique. Sur le plan juridique, d’une part, elles contreviennent à l’indisponibilité du droit moral, et d’autre part, les autorisations conférées sont en l’état actuel parfois sans portée en raison de la stricte interprétation des cessions. Sur le plan pratique, la gestion des droits entre les différents intervenants est insoluble. La détermination des droits est non seulement incertaine puisque l’œuvre peut être successivement une œuvre composite, collective ou de collaboration, mais aussi, l’intégration de plusieurs œuvres libres soulève le problème de la compatibilité des licences entre elles. De plus, les licences libres manquent leur principal objectif qui est de permettre que l’œuvre évolue selon un mode de création collaboratif.
B) Le droit d’auteur, un obstacle au développement des œuvres libres
Selon le lexique des termes juridiques, « le droit d’auteur est le droit exclusif d’exploitation temporaire conféré à l’auteur d'une œuvre de l’esprit formalisée et correspondant à certains critères. Il peut s’agir d’une œuvre littéraire et artistique, d’un dessin et d’un modèle, d’un logiciel, ou d'une base de données. Ce droit comprend des droits patrimoniaux et un droit moral. » Le droit d’auteur s’acquiert sans formalités, du fait même de la création de l’œuvre. D’après l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle, « l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. »
Cependant, ce droit d’auteur est un obstacle, représente même une limite, au développement des œuvres libres. Avec l’essor de la société d’information et la révolution numérique, le droit d’auteur est quelque peu mis en retrait, et sa survie est au cœur des préoccupations.
Depuis la loi du 11 mars 1957, innovations techniques et transformations économiques sont venus perturber la construction du droit d’auteur. Dématérialisation, mondialisation, industrialisation, consumérisme…sont autant de facteurs des profondes mutations que connait le droit d’auteur depuis des décennies.
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