Sociologie d'une passion : les Beatles
Fiche de lecture : Sociologie d'une passion : les Beatles. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar proybon • 24 Mars 2017 • Fiche de lecture • 4 241 Mots (17 Pages) • 780 Vues
Fiche de lecture
Pauline Roybon – M1 Politiques Culturelles
Les Fans des Beatles : Sociologie d'une passion de Christian LE BART
Indication : L'ensemble de l'ouvrage fait 233 pages. Aussi, pour répondre aux consignes de l'exercice, j'ai choisi de travailler sur la première et le deuxième partie de l’œuvre qui regroupe six chapitres en 160 pages. Je ne traiterai donc pas de la troisième et dernière partie de cette étude intitulée : « La passion mise en ordre ».
La thèse :
A partir de son étude sur les fans du célèbre groupe de Liverpool, Christian Le Bart, maître de conférences en sciences-politiques à l'université de Rennes 2 (en collaboration avec Jean-Charles Ambroise docteur en sciences-politiques) propose une approche qui rompt radicalement avec une vision de la sociologie de la culture qui s'est le plus souvent employée à réduire la figure du « fan » à un pur produit de l'industrie culturelle. En effet, le dénigrement du statut de « fan » comme celui de « supporter » semble avoir été longtemps énoncé en sociologie. Aussi, Christian Le Bart qualifie cette vision critique d'ultra-élitiste et tente de la remettre en cause.
Ainsi, la thèse de ces auteurs à travers cette étude est de démontrer qu'une sociologie de la passion existe et que l'attitude « fan » constitue une modalité de construction identitaire qui a un sens dans nos sociétés contemporaines. Loin d'être néfaste pour l'individu, être « fan » permet de développer une passion qui se révèle être constitutive pour l'identité de la personne. Christian Le Bart affirme être lui-même un fan des Beatles qui éprouve ce concept de passion. Cette information donne une certaine cohérence à cette observation dans laquelle il s'engage. De ce fait, les deux auteurs ont adopté la technique de l'entretien compréhensif évoquée par Kaufmann en 1996 qui leur a permis de réaliser vingt-neufs entretiens auprès de fans des Beatles en assumant auprès d'eux une identité identique de fan qui permettait de les déculpabiliser.
A partir de cette démarche, ils ont tenté de comprendre les logiques de la fascination extraordinaire que des hommes et des femmes de tous les âges et de tous les milieux sociaux portent à la musique et aux membres des Beatles. Christian Le Bart et J.C. Ambroise entendent donc attester que la passion pour les Beatles constitue un moyen privilégié de présentation de soi qui va au-delà d'une attitude à adopter, d'une façon d'être et de voir le monde. Cette passion pour les Beatles engendre une identité.
Résumé des six chapitres :
Le premier chapitre de l'ouvrage intitulé « Coups de foudre ( I've got a feeling) » décrit la première étape de cette appropriation d'être « fan » soit : la première rencontre avec ce groupe de musique. La première connexion qui s'est établit entre l'enquêté et les Beatles. Aussi, en faisant se succéder des extraits de témoignages des enquêtés, l'auteur sollicite dans ce premier chapitre la mémoire des enquêtés afin de renouer avec cet événement unique qui a eu lieu pour chacun d'entre-eux. Le moment du « coup de foudre » est largement provoqué par l'influence des personnes qui nous sont proches. Ainsi, ce premier chapitre témoigne du rôle que joue les instances de socialisation ( famille, école, médias…) dans la production du goût musical et la rencontre avec le groupe. L'auteur nous montre que ces instances jouent le rôle de médiateur et facilitent l'accès au groupe.
Christian Le Bart poursuit son analyse de la mise en forme de la passion en montrant ensuite dans le chapitre deux : « Jardins secrets » ( The inner light) comment chaque fan investit l’univers musical des Beatles et « convertit en message personnel des chansons qui sont pourtant des produits destinés à une consommation planétaire » (p. 56) : le travail de découverte, d’appropriation et de maîtrise de l’univers des Beatles, qui s’enracine au moins dans un premier temps dans l’intimité, s’accomplit ainsi à travers l’achat de disques, la collection d’objets dérivés, la lecture d’ouvrages consacrés au groupe. L'auteur explique que cette collection d'objets accuse de la construction de son petit « jardin secret » que le fan cultive pour pouvoir le partager avec d'autres fans, partager leur connaissance, faire des rencontres entre passionnés. Cela relève donc d'une véritable stratégie d'approche, de mise en contact. Toutefois, il s’agirait moins d’identification, « comme dans le cas des fans de Johnny qui copient leur idole », p. 58 que de bricolage identitaire, les Beatles fournissant à chaque fan une grille de lecture de sa propre existence. L’auteur décrit également des prises de position qu’autorise la passion Beatles : elle permet de s’affirmer contre l’école, la famille et plus généralement la «société adulte». Mais le succès grandissant des Beatles et l’élargissement de ses publics s’accompagne de la diminution de sa charge revendicatrice ; c’est ainsi que, pour les jeunes générations, l’amour des Beatles peut apparaître aujourd’hui banal.
Une autre étape essentielle de la passion est énoncée dans le chapitre trois intitulé « l'autre soi-même ( Two of us) ». Le passage du pour-soi au pour-autrui : rencontrer d’autres « soi-même » extirpe le fan de sa singularité et le rassure sur sa normalité. L’auteur décrit ici l'argumentation du fan : fréquenter d’autres fans permet de légitimer la passion et favorise le jeu des identifications réciproques. Dans le même temps, pour prouver l’authenticité et la profondeur de sa passion, le fan doit se forger une culture Beatles (achat de disques, collection d’objets dérivés, connaissance des textes des chansons ou de détails biographiques…) ; cette culture particulière, très souvent matérielle, constitue une hiérarchisation des fans selon l’intensité de leur passion. Se constituer une culture Beatles solide en possédant de nombreux livres sur eux, etc... participe au désir d'afficher sa passion et de se donner la possibilité d'accéder à un réseau d'admirateurs en adhérant par exemple à un fan-club, sans pour autant effacer la relation exclusive qu'entretien chaque fans avec ses idoles. En outre, l'auteur évoque cette affirmation de la passion au sein des relations amoureuses. En effet, si l'affirmation de cette passion peut renforcer la relation amoureuse d'un couple, elle peut aussi la menacer. Christian Le Bart donne l'exemple de Jacques et Cécile. Sans être aussi passionnée que son mari, Cécile subit la passion démesurée qu'éprouve Jacques pour les Beatles et qui vient entraver l'équilibre du couple. La passion de Jacques comprend un caractère fusionnel qu'il veut partager avec sa femme de manière excessive et un caractère individuel qui l'amène à la dominer par sa toute connaissance sur ce sujet-là. Dès lors, cette affirmation de la passion peut donc étouffer l'identité de l'autre (c'est ce qui arrive pour Cécile). On voit donc ici comment la question de la passion et de son affirmation se déplace peu à peu vers la question de la domination. Pour Christian Le Bart, c'est justement dans cette tension entre fusion et individualisation que réside l'identité des fans. Loin de se laisser « absorber » par cette passion, les fans font de celle-ci un élément constitutif de leur personnalité.
...