Le Fil Rouge : Sociologie De La mémoire Communiste
Dissertations Gratuits : Le Fil Rouge : Sociologie De La mémoire Communiste. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 25 Novembre 2013 • 3 994 Mots (16 Pages) • 1 340 Vues
Fiche de lecture de sociologie
Marie-Claire LAVABRE: Le fil rouge, Sociologie de la mémoire communiste.
L'auteur
Docteur d'Etat en science politique(IEP de Paris, 1992), Marie-Claire Lavabre est aujourd'hui directrice de recherches au CNRS et dirige l'Institut des Sciences sociales du Politique de Nanterre. Le fil rouge, sociologie de la mémoire communiste est une version remaniée et augmentée de sa thèse de doctorat, réalisée sous les directions successives de George Lavau (décédé en 1990) et Pascal Perrineau. Ce premier ouvrage annonce les thèmes récurrents et presque exclusifs de la suite de ses recherches, portant conjointement ou séparément sur la sociologie du communisme et des les phénomènes mémoriels.
Considérations préliminaires.
Inscription dans les paradigmes épistémologiques du phénomène mémoriel.
Du 30 novembre au premier décembre 2007 s'est tenu un colloque des IFRE (Instituts Français de recherche à l'étranger). Marie-Claire Lavabre avait la charge de prononcer la conférence inaugurale intitulée « Paradigmes de la mémoire », l'occasion de prendre du recul quant à l'évolution de l'étude du phénomène mémoriel, objet récent des sciences humaines et sociales, à l'origine d'études aussi prolifiques que polémiques. Cette profusion confuse a renforcé la polysémie du terme de « mémoire », qui s'il ne cesse d'être le « présent du passé » selon la formule consacrée de Saint Augustin, connaît de nombreuses déclinaisons conceptuelles nées des contributions successives des hommes qui l'ont pensée. Pis, M-C Lavabre souligne la dualité de la mémoire, non seulement comme concept théorique ou notion scientifique mais comme réalité sociale livrée par la même occasion aux us et abus les plus diverses, et naviguant dans les sphères politiques, médiatiques et autres, qui n'ont pas le même soucis de la rigueur scientifique que le milieu universitaire. La prise de conscience du phénomène mémoriel et sa revendication comme tel dans nombres d'activités actuelles (on peut penser au travail de souvenir des victimes de la Shoah mené par les époux Klarsfeld) renforce néanmoins l'intérêt de son étude, avec la prudence et la rigueur qu'elle exige.
Car la mémoire est un concept, objet d'étude, et réalité sociale révélée comme telle récent. Dans l'entre-deux-guerres, Maurice Halbwachs écrivait ainsi : « Nous ne sommes pas habitués à parler de la mémoire d'un groupe, même par métaphore ». Ce qui paraît aujourd'hui une évidence, à savoir l'existence d'une mémoire de groupe, devient moins intelligible du fait du succès rapide de la notion et des nombreux travaux qu'elle a initié, souvent sur fond partisan de Guerre-Froide ou de lutte pour le souvenir glorieux de la lutte anti-faciste. Chronologiquement, ce furent les historiens qui se saisirent les premiers du concept de mémoire
Malgré son unification progressive, le paradigme d'étude du phénomène mémoriel ne transcende pas tout à fait les frontières. Pour l'illustrer, M-C Lavabre se réfère à l'hégémonie de l'égyptologue Jan Assmann, auteur de La mémoire culturelle, dans le milieu universitaire allemand, alors que celui-ci est très peu repris en France.
Elle s'efforce de dégager néanmoins trois paradigmes principaux de l'étude de la mémoire, chacun associé à un grand nom de penseurs français qui se sont interrogés à cette problématique. Cette typologie paradigmatique va nous permettre non seulement d'illustrer la richesse polysémique de la mémoire, mais de situer Le fil rouge dans cet espace epistémologique.
On doit le premier paradigme des « lieux de mémoire » aux historiens, qui se saisirent les premiers de la question, et notamment à Pierre Nora qui en est la figure incontournable et parachève cette approche dans Les lieux de Mémoire (Paris, Gallimard, 1984). Ce paradigme définirait comme objet « la généalogie des symboles dans lesquels se cristallisent les identités collectives ». Il a connu un fort succès au milieu des années 1970.
Le second, indissociable des écrit du philosophe Paul Ricoeur, est celui du « travail de mémoire », aussi représenté par Tsvetan Todorov, et très en vogue dans les années 1990. Il consiste en l'étude du « comment »: comment peut-on influer sur la mémoire d'un groupe pour recouvrer l'unité de celui-ci à la suite d'un conflit l'ayant divisé.
Enfin vient la problématique des « cadres de la mémoire », associé aux travaux précurseurs de Maurice Halbwachs et au prolongement apportés par Roger Bastide dans ses travaux sur les religions africaines au Brésil. Ce dernier paradigme appartient au cadre académique restreint de la sociologie, notamment politique. Il interroge les interactions entre usages du passé et du souvenir pour déterminer quels sont les canaux par lesquels on peut réellement influer sur la mémoire, et dans quel but.
Il n'y a pas d'incompatibilité entre ces trois paradigmes, ce qui justifie l'utilisation commune que se permet d'en faire M-C Lavabre dans le fil rouge, même si elle affiche une préférence marquée pour le dernier paradigme, qui lui permettra d'aboutir à la question des conditions sociales qui permettent « l'évocation et la formulation des expériences passées ».
Résumée et étude critique de l'œuvre.
Distinctions conceptuelles et problématique du livre.
Ce qui fait en partie le mérite et la qualité de ce livre est certainement la rigueur des distinctions conceptuelles que fait l'auteur, afin de ne pas tomber dans des confusions vulgaires sous couvert de vulgarisation que l'effet de mode du sujet du communisme en 1992-1994 a provoqué chez nombre d'autres chercheurs. Il est en effet important de prendre en compte le contexte historique immédiat entourant la réalisation de cette étude: le discrédit électoral grandissant du PCF, et la récente implosion de l'U.R.S.S. Dans une lecture critique de l'ouvrage (« Les cendres rouges de la mémoire communiste », Revue française des sciences politique, volume 45, 1995), Michel Hastings, de l'université de Tours salue ce refus « d'émarger aux contraintes de l'instant » et de ne pas se faire la médiatrice d'une époque « avide de communier
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