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Rigueur et déficit : le débat des économistes

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Par   •  16 Décembre 2012  •  Cours  •  4 897 Mots (20 Pages)  •  799 Vues

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Rigueur & déficit : le débat des économistes

Cédric Durand, Bernard Marx, Annick Coupé, Pierre Kalfa, Jean-Marie Harribey, Benoît Borrits… À l’heure où le parlement est saisi pour la ratification du TSCG, Regards interroge des économistes, syndicalistes et associatifs. Nous leur avons posé à tous la même question : selon vous, faut-il supprimer les déficits publics ? Et par ailleurs, peut-on réduire les déficits publics sans politique d’austérité ?

Cédric Durand, économiste, membre des Économistes atterrés

La suppression des déficits publics au lendemain d’une crise financière est une aberration. C’est le b.a.ba de la macroéconomie : dans une « récession de bilan », lorsque les ménages et les entreprises sont contraints de se désendetter pour encaisser le choc de la crise financière, si les États font de même et qu’il n’y a pas de hausse soutenue de demande externe (par exemple via une dévaluation) l’économie ne peut redémarrer. La nouvelle récession dans laquelle plonge l’UE après celle de 2008-2009 confirme le scénario « double dip » anticipé de longue date par tous les économistes qui gardaient un brin de lucidité. Dans un tel contexte, le poids de la dette par rapport à la richesse produite s’accroît mécaniquement. Politiquement, le choix de l’austérité budgétaire implique non seulement une dégradation des services publics et/ou une hausse de la pression fiscale, mais il conduit tout droit à une accélération de la hausse du chômage. L’engagement de François Hollande de retourner la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013 ne sera pas tenu, si le cap de l’austérité budgétaire est maintenu.

Cette critique keynesienne de l’austérité est impeccable mais elle ne s’adresse qu’à la crise dans sa dimension financière. Hors, en arrière plan de celle-ci se dissimule une grande fatigue du capitalisme qui, décennie après décennie, depuis les années 1960 a vu la croissance ralentir par rapport à l’ « âge d’or » de l’après-guerre. Il n’y a pas que les décroissants qui posent aujourd’hui la question de la fin de la croissance. Dans son éditorial du 3 octobre dernier, Martin Wolf, l’économiste en chef du Financial Times reprend cette vieille question de l’état stationnaire qui préoccupait déjà beaucoup les économistes classiques. À cet aune-là, les politiques d’austérité tout autant que les réformes structurelles et autres chocs de compétitivité renvoient à l’idée qu’il n’y a plus de fort potentiel de croissance dans la dynamique interne système. Relancer l’accumulation du capital – et générer les profits auxquels se sont habitués les acteurs financiers – ne peut se faire que par la captation prédatrice et non l’augmentation du revenu global.

Cet inconscient stagnationiste est d’ailleurs ce qui donne une rationalité à la règle d’or et au fantasme de l’équilibre budgétaire : en effet, il est parfaitement raisonnable de s’endetter si on pense pouvoir générer à nouveau de la croissance, les dépenses publiques d’aujourd’hui contribuant à l’augmentation des revenus futurs ; en revanche, si l’expansion est impossible, il ne faut surtout pas s’endetter.

Il est juste de pointer l’aberration des politiques d’austérité et de dénoncer l’entreprise de dépossession brutale qui les accompagne (dégradation des services publiques, baisse des standards sociaux..). Mais creuser simplement les déficits n’est pas pour autant une solutions à la grande crise du capitalisme que nous traversons. Une réponse alternative, anti-capitaliste, peut s’articuler autour de trois éléments. En premier lieu, questionner la légitimité de la dette publique et l’annuler partiellement de manière à neutraliser le chantage des marchés financiers. Ceci doit s’accompagner d’une socialisation du système bancaire et du rétablissement du contrôle des capitaux. En second lieu, utiliser la politique monétaire et orienter l’épargne disponible pour financer un vaste plan d’investissement dont l’objectif n’est pas de relancer l’activité mais de la réorienter ; une telle planification produirait de la croissance à court /moyen terme et pourrait ainsi répondre à la crise sociale en générant massivement des emplois. Sa finalité cependant est de construire l’infrastructure d’une société orientée non pas vers l’expansion de l’activité et la frustration consumériste généralisée mais vers la reproduction de sa base économique et environnementale et la satisfaction des besoins. En troisième lieu, générer du bien vivre hors de la logique déshumanisante de la marchandise. Cela passe par la création des communs, notamment en favorisant la circulation des connaissances et de l’information, contre la logique des droits de propriété intellectuels. Mais également, par la relocalisation des activités qui, grâce à la densité des relations de proximité peut permettre de charger les opérations économiques de sens et de lien social.

Bernard Marx, économiste

1. le déficit public et le recours au crédit sont justifiés :

pour financer des investissements ou des dépenses qui auront des effets positifs durables sur le développement économique et la capacité de croissance. Les routes, les hôpitaux, les investissements publics dans la recherche ou dans l’éducation profiteront aux générations futures. Il est légitime d’étaler le financement sur les générations de contribuables qui en bénéficieront.

pour des raisons de situation économique. Lorsque la demande globale ralentit ou se contracte du fait d’un ralentissement ou d’une chute de la consommation privée ou de l’investissement, il est souhaitable que l’État soutienne l’activité et cherche à relancer la croissance en dépensant plus qu’il ne prélève. Exemple : face au choc de la crise de surendettement entrainant la chute brutale de la demande privée, le creusement des déficits publics partout dans le monde a dans une certaine mesure évité le pire. Et aujourd’hui encore, les déficits publics suppléent à l’excès d’épargne et à l’insuffisance de la demande privée. Une règle de zéro déficit ne peut donc être considérée comme une règle d’or mais comme une loi d’airain qui paralyserait largement l’action régulatrice publique pour combattre le chômage de masse, la pauvreté, et pour mettre en œuvre un nouveau régime de croissance.

2. Le traité TSCG lui-même n’inscrit pas une règle zéro déficit public mais « 0,5% du PIB de déficit structurel maximun », c’est-à-dire dans le cas d’une situation économique où la croissance

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