Le système d'Harvard et sa remise en cause
Dissertation : Le système d'Harvard et sa remise en cause. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathilde Burgaud • 18 Novembre 2015 • Dissertation • 3 706 Mots (15 Pages) • 2 181 Vues
La concurrence, élément central du libéralisme économique, a été l'un des premiers thèmes étudiés en économie politique. On en trouve mention dès 1776 et l'Essai sur la nature et les causes de la richesse des nations d'Adam Smith. En effet, si l'on parle de marché libre, on parle forcément de concurrence.
On peut définir la concurrence comme la lutte entre plusieurs acteurs économiques pour être dominant sur un marché, autrement dit pour vendre le plus de produits possibles au consommateur. Le principe de la concurrence, ses modalités, ses effets sont autant de questions que se posent les économistes et les responsables politiques. Pour certains, elle est source de plus grande efficience économique, source d'un optima au sein de l'économie. Pour d'autres, elle est synonyme de violence sociale, de casse économique, et d'abaissement de la qualité. La politique de la concurrence, c'est-à-dire les choix des dirigeants politiques à propos de la concurrence sur les marchés, est devenue progressivement incontournable dans la direction des affaires publiques, sur la base du constat qu'un marché n'est pas naturellement concurrentiel, et a donc besoin d'une intervention publique pour favoriser la mise en place d'une réelle concurrence.
Autours de la notion concurrence, deux écoles de pensée se sont construites dans la seconde moitié du XXe siècle. La première, dite école de Harvard ou école structuraliste, a été développée dans le contexte de la crise économique mondiale des années 1930, sous l'impulsion de chercheurs comme Edouard Hastings Chamberlin, Edward Mason ou encore Joe Bain. La seconde école, dite école de Chicago, de tendance néolibérale, s'est construite à partir des années 1960 en réaction à la thèse structuraliste. Les grands noms en sont George Stigler, William Baumol, John Panzar ou Robert Willig.
Afin de saisir la vision de la concurrence et les implications théoriques de ces deux analyses, nous nous demanderons dans quelle mesure l'école de Chicago opère une rupture avec l'analyse harvardienne de la concurrence.
Nous allons étudier ces deux écoles, leurs rapports, leurs oppositions et leurs liens. Dans une première partie, nous verrons les postulats théoriques sur lesquels se fondent les chercheurs pour analyser la concurrence sur un marché. La seconde partie sera consacrée aux théories centrales de ces deux écoles : le modèle SCP d'une part ; la théorie des marchés contestables de l'autre. Enfin, nous analyserons les préconisations en terme de politique de la concurrence qui ressortent de chacune de ces analyses, ainsi que leurs limites.
- Une politique concurrentielle remise en cause dans ses fondements microéconomiques
En théorie économique, l’objectif d’une politique de la concurrence est de maximiser l’efficience du marché : toute la problématique a trait à la mise en balance de cette efficience avec le bien-être du consommateur, identifié simplement comme son surplus. Les travaux des économistes structuralistes s’appuient sur les théories microéconomiques classiques relatives aux marchés imparfaits et leurs conséquences sur l’efficacité économique et le bien-être ; leurs adversaires, en s’appuyant sur les critiques établies à l’égard des modèles microéconomiques classiques essayent de démontrer qu’ils n’existent pas une vérité binaire quant à l’appréciation de la concurrence sur le marché, dans le but de valoriser une politique de laissez-faire.
- Une approche structuraliste calquée sur la microéconomie standard
La notion de concurrence joue un rôle fondamental pour expliquer le fonctionnement des marchés dans la microéconomie standard : les structuralistes retiennent que l’insuffisance de la concurrence sur un marché nuit non seulement à l’efficacité économique (en provoquant une perte sèche résultant de la non-rencontre d’offreurs et de demandeurs) mais aussi au bien-être du consommateur qui voit son surplus réduit à la mesure du profit engrangé par l’entreprise en situation dominante sur le marché. On constate qu’à mesure que grandit le pouvoir de marché d’une entreprise, les mécanismes de la microéconomie standard qui pourraient ramener le marché vers l’équilibre sont peu à peu rendus ineffectifs grâce notamment au pouvoir de la taille critique et des économies d’échelle. D’autres économistes vont même plus loin concernant le monopole : ainsi Harvey Lebenstein qui affirme que la situation conduit aussi à une inefficience productive de la part de l’entreprise qui pourrait ne pas chercher à minimiser ses coûts en l’absence de concurrence ; on peut même y voir la perspective d’une inefficience dynamique, c’est-à-dire que l’entreprise en monopole se repose sur ses lauriers, et néglige la recherche & développement ce qui nuit à l’économie dans son ensemble. Or pour les économistes de Harvard, les comportements de l’entreprise sont beaucoup plus influencer par la structure du marché que le comportement ne l’est par la structure : donc en cas de situation déséquilibré l’entreprise a tendance à abuser de sa position dominante afin de conserver cet état de fait. De manière générale pour les tenants de l’école de Harvard, toute structure de marché s’éloignant du modèle de CPP est un danger dans la mesure où plus le déséquilibre est important, plus l’entreprise en position dominante possède de pouvoir de marché, plus l’efficience du marché est affectée et l’équilibre idéal difficile à retrouver par une solution intrinsèque au marché car la position dominante grise l’entreprise. La solution théorique proposée – la réglementation de la concurrence- par les structuralistes est à mettre en regard avec leur orientation politique, plutôt social-libéral, et un contexte, les années 50-60, qui ne se caractérisent pas encore par une défiance grandissante vis-à-vis de l’intervention économique de l’Etat, naissante à l’orée des années 60 notamment dans l’article « What Regulators Can Regulate ? The Case Of Electricity » de Stigler et Friedland (1962). L’émergence du courant ultra-libérale dont l’école de Chicago fait partie exècre le concept même de régulation étatique de l’économie : c’est pourquoi la remise en cause de la politique concurrentielle structuraliste va passer par la redéfinition des conséquences de la structure du marché sur la concurrence afin de prouver l’efficacité à long-terme des mécanismes internes au marché.
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