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Terrorisme contemporain, rupture ou continuité avec les terrorismes passés ?

Dissertation : Terrorisme contemporain, rupture ou continuité avec les terrorismes passés ?. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  14 Janvier 2020  •  Dissertation  •  5 604 Mots (23 Pages)  •  687 Vues

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Introduction :

        Etymologiquement le terme terrorisme vient de terreur et désigne le régime établi par le gouvernement révolutionnaire de Robespierre, les terroristes sont donc ses partisans. On est bien loin du sens contraire qu'on lui a ensuite donné dans les années 1870, désignant alors des « actes de violence exécutés par des groupes politiques, généralement clandestins, dans la volonté de créer un climat d'insécurité, d'affaiblir un système établi, de désorganiser un système d'oppression ». Le terme se teinte ensuite d'une couleur péjorative : durant l'Occupation, les Allemands appelaient « terroristes » ceux employant l'arme du faible contre le pouvoir du fort, en bref les Résistants. Néanmoins, la fin du XXème siècle a de nouveaux brouillé la définition par l'émergence du terrorisme transnational et la multiplication des réseaux. Le terrorisme moderne n'a en outre plus pour cause l'inégalité entre les pauvres et les riches, les dominants et les dominés. Si le terrorisme exploite tout sentiment d'injustice pour recruter, il ne se base aujourd'hui pas sur ce dernier pour se revendiquer. Il semblerait ainsi que les attentats du 11 Septembre aient marqués une rupture avec les terrorismes passés, et ce à toutes les échelles. Pourtant, les terrorismes "traditionnels" persistent et on peut même considérer que le mouvement djihadiste actuel n'est que l'évolution des radicalismes anciens.

        Face à cette définition floue et changeante, peut-on parler de ruptures et de continuité entre les terrorismes du passé et le terrorisme contemporain ? En effet, quand se terminent les terrorismes du passé – si tant est qu'ils n'existent plus – et quand commence le terrorisme contemporain ? L'évolution des terrorismes traditionnels les rend-t-elle nouveaux ? Ou se situe alors la rupture ? Nous verrons dans un premier temps que même la définition traditionnelle du terrorisme a évolué dans la continuité, puis nous essaierons de comprendre en quoi les attentats du 11 Septembre ont constitué une rupture dans la logique terroriste, avant de nous intéresser à l'importance de la définition du terrorisme et ses conséquences sur la façon de le combattre.

I – Le terrorisme "traditionnel" : un phénomène en continuité ?

        Le terrorisme est loin d'être un phénomène nouveau, pourtant depuis son apparition il n'a cessé d'évoluer, tant dans sa logique que dans ses perceptions. Nous nous intéresserons d'abord à la vision du terroriste comme partisan développée par Carl Schmidt avant d'étudier son évolution suivant la théorie des quatre vagues de David Charles Rapoport.

A – Le terroriste comme partisan (Carl Schmidt)

        Dans sa Théorie du partisan, Carl Schmidt analyse le fait partisan des guerres napoléonniennes jusqu'aux guerres de décolonisation. Selon son étude, il constate que lorsque l'Etat rompt son devoir de protection, le devoir d'obéissance est in fine rompu (Schmidt disait d'ailleurs "Protego ergo obligo, tel est le cogito ergo sum hobbésien"). Pour lui, si on ajoute de la violence à cette résistance, alors on entre en guerre civile, et la question est alors de savoir si cette guerre est légitime.

        Schmidt affirme alors que ces mouvements de résistance sont les premiers mouvements terroristes. En effet, ce sont des groupes qui décident d'aller à l'encontre de l'Etat, jugeant sa protection insuffisante, pour prendre les armes contre un ennemi qu'ils ont désignés eux-même et dont ils rejettent les valeurs et principes. Pour Schmidt, le partisan est donc un acteur de la guerre irrégulielle et inconventionnelle qui s'oppose aux acteurs de la guerre régulière et conventionnelle. Ainsi pour lui, la première expérience partisane est la guérilla espagnole de 1808 à 1813 pour repousser l'armée napoléonienne, puisque c'est la première fois qu'un peuple affronte une armée régulière, alors même que le roi, le gouvernement et les nobles et bourgeois sympathisent avec le conquérant. Pourtant Schmidt nuance : les partisans peuvent respecter les conditions posées par les Conventions (en l'ocurrence le congrès de la Haye et la Convention de Genève), là où une armée régulière peut ne pas respecter le jus in bello, dès lors, si un parti respecte plus le droit de la guerre que l'Etat contre lequel il combat, est-ce toujours du terrorisme ? Une forme de terrorisme légitime ? La ligne entre soldat et partisan est parfois floue.

        Schmidt constate ensuite que la figure du partisan a été instrumentalisée par la Révolution russe, faisant du partisan patriote un partisan communiste : "Tolstoï élève le partisan russe de 1812 au rang de représentant des forces élémentaires de la terre russe qui se débarasse de l'illustre empereur Napoléon et de toute sa brillante armée comme on secoue un parasite gênant [...] Staline a repris ce mythe du partisan national et autochtone dans la Deuxième Guerre mondiale contre l'Allemagne, et il l'a mis très concrètement au service de sa politique communiste mondiale" (p.215) C'est cette reprise révolutionnaire du partisan par un parti qui serait donc le prémisse des organisations terroristes. Schmidt rappelle en effet l'éthymologie de partisan, dont la racine vient de parti et qui implique donc un rattachement à un groupe "bélligérant ou politiquement actif".

        Suivant cette évolution, Schmidt tient donc à distinguer deux catégories de partisan : le partisan de la "guerre étrangère" qui défend sa patrie contre un envahisseur, se révolte contre l'occupant pour libérer son territoire ; et le partisan de la "guerre civile", membre d'un parti qui appelle au coup d'Etat pour changer de régime et se débarrasser de l'ennemi intérieur. Il note que ces deux figures peuvent n'en faire qu'une dans le cas du partisan de la "guerre civile internationale", lorsque le résistant veut à la fois lutter contre l'occupant, contre l'Etat collaborateur puis prendre le pouvoir (ce fut le cas du mouvement de Résistance mené par De Gaulle par exemple) : il parle de "ces deux types de partisans [...] le défenseur autochtone du sol natal et l'activiste révolutionnaire, force d'agression mondiale" (pp.234-235).

        Ici, l'acte terroriste comme fait de concurrencer le monopole étatique de la violence est donc justifié par la protection du peuple et du territoire contre un Etat oppresseur (qu'il soit interne ou étranger).

B – La théorie des quatre vagues (David Charles Rapoport)

        Cette théorie a été développée par le professeur David Charles Rapoport qui explique que l'histoire du terrorisme peut se découper en quatre vagues qui, bien que se chevauchant parfois, sont bien distinctes.

        La première vague est la Vague Anarchiste qui apparaît en Russie dans les années 1880. Les révolutionnaires partageant leurs idées au travers de pamphlets sont qualifiés, pour reprendre l'expression de la figure révolutionnaire Netchaïev, de "gaspilleurs de mots désoeuvrés". Désormais, l'action passe par "la propagande par le fait" selon l'expression de l'anarchiste italien Carlo Cafiero. Le risque personnel et la portée spectaculaire de l'action prouvent l'engagement et inspirent le respect. Ce mouvement se base sur une logique en quatre points : les sociétés sont emplies d'hostilités latentes, des conventions sociales sont crées pour les étouffer en suscitant la culpabilité, ces conventions sont donc des créations historiques et non des vérités il faut donc en libérer la société, le terrorisme est le moyen le plus efficace pour instantanément se libérer de la culpabilité tout en polarisant la société qui, de fait, se libère des conventions sociales préconçues. Le terrorisme est donc une stratégie et non une fin en soi. La révolutionnaire russe Vera Zasulich, après avoir blessé un chef de la police, jette son arme à terre et clame "Je suis une terroriste et pas une tueuse". Son procès se transforme rapidement en accusation des violences policières et elle est acclamée par la foule. Sergeï Stepniak, penseur de la révolution russe, décrit le terroriste comme "noble, terrifiant, irrésistiblement fascinant et unifiant les deux parts les plus sublimes de la grandeur humaine, le martyre et l’héroïsme". Dans cette vague le terroriste est donc assimilé au révolutionnaire libérateur et le mouvement russe s'étend rapidement sur tout le globe.

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