Quels sont les liens entre la connaissance des cultures populaires et les savoirs anthropologiques aux 18ème et 19ème siècles ?
Dissertation : Quels sont les liens entre la connaissance des cultures populaires et les savoirs anthropologiques aux 18ème et 19ème siècles ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sysyphe • 15 Décembre 2019 • Dissertation • 1 975 Mots (8 Pages) • 719 Vues
SOCIOLOGIE DE LA CULTURE : DISSERTATION
Sujet n°2 : « Quels sont les liens entre la connaissance des cultures populaires et les savoirs anthropologiques aux 18ème et 19ème siècles ? »
Aux 18ème et 19ème siècles, la sociologie et l’anthropologie constituent deux disciplines scientifiques qui se côtoient de très près, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Toutefois, il s’agit de distinguer et définir ces deux termes, qui différent de par leur sujet d’étude : ainsi, tandis que l’anthropologie prend pour sujet l’homme en tant qu’individu, la sociologie va plutôt étudier l’homme dans sa communauté, sa société, et tenter de comprendre ce qui définit l’individu au sein d’un groupe. Mais alors en quoi ces deux sciences se rapprochent-elles ? Il s’agit ici de considérer la sociologie en tant que discipline d’étude de la vie sociale : l’étude de la relation d’un peuple à sa culture, dite « sociologie des cultures populaires », des cultures propres au peuple, va progressivement venir s’imposer à cette période afin de permettre une compréhension plus globale de la vie sociale. En effet, de toute société et activité humaine va naître la culture, par opposition à la nature : elle est le résultat de notre éducation, notre religion, notre tradition… C’est ici que va trouver son point de départ l’anthropologie, qui s’institue en pôle de définition et de compréhension de cette culture : transversale, sans frontières, elle associe l’identité de l’individu à la culture, en tant qu’espace auquel on appartient et qui nous définit. Pour l’anthropologie, l’humain est donc nécessairement culturel, car c’est la culture qui nous forge en tant qu’individu dans notre environnement. Ici donc, et par opposition au pôle esthético-artistique de compréhension de la culture, la culture n’est pas un capital qu’il faut acquérir : elle est inhérente à tout être humain, car relative aux mœurs, traditions, rituels, etc. de chacun. L’étude sociologique des cultures populaires et l’anthropologie partageraient donc ainsi une relation d’interdépendance, l’un ayant emprunté à l’autre, permettant ainsi une avancée commune. C’est ce que nous tenterons de démontrer aujourd’hui, en montrant comment l’étude des sociétés humaines (industrielles et tribales) que propose l’anthropologie a permis de faire des cultures populaires, jusqu’alors peu reconnues, un objet d’étude légitime. Pour ce faire, nous étudierons en premier lieu les occurrences de culture populaire en Europe au 18ème et 19ème siècle, jusqu’alors plutôt connues sous le nom de folklore, et la façon dont ces formes fantasmées de culture, « non officielles », viennent s’opposer à une culture dite « savante », rationnelle, qui tenterait de refouler et contrôler la première. Enfin, dans une seconde partie, nous étudierons le développement de l’anthropologie, en lien avec l’expansion politique et géographique des sociétés européennes au 19ème siècle, et la façon dont l’intérêt pour les cultures populaires fantasmées se prolonge avec les colonies, sous couvert de regard scientifique.
Pour commencer, il s’agit donc tout d’abord de définir les formes que prennent la culture populaire dès le début du 18ème siècle, et ceci plus particulièrement en Europe. En effet, il est important de noter que les colonies françaises ne se développeront et consolideront que vers le début du 19ème siècle, en même temps que l’anthropologie qui, au contact d’autres peuples, cherchera à comparer et classifier l’Humanité. Au 18ème siècle donc, les cultures populaires se résument à ce que l’on appelle encore le folklore : un patrimoine culturel immatériel, traditionnel, et très lié à l’oralité. Les cultures populaires de cette période n’ont donc rien de scientifique, contrairement à ce que l’on observera au 19ème siècle : ce sont uniquement de la fiction. Elles vont ainsi premièrement trouver leur expression avec les contes, qui se voient retranscrits au 18ème siècle par Charles Perrault en France et les Frères Grimm en Allemagne, qui fixent par écrit une longe tradition de contes jusqu’alors uniquement oraux. Dans leur continuité, on observe à cette époque le développement de la littérature de colportage, seul support de diffusion de la littérature auprès des zones rurales, contenant majoritairement des textes et illustrations « populaires », féeries, récits de voyage, pièces de théâtres… De la littérature « non raisonnée » somme toute pour le gouvernement, qui n’apprécie que peu l’influence de celle-ci sur le peuple. Le patois également, continue de contribuer à forger l’identité de « communautés populaires », qui se distinguent alors du courant d’homogénéisation du peuple par l’apprentissage de la langue française. Le mythe de l’existence des sorcières, enfin, semble s’imposer comme la pierre angulaire de ce folklore moyenâgeux, qui vient nourrir une peur et une fascination du peuple autour de la magie et s’opposer à l’époque à la rationalité des pratiques religieuses. Toutefois, ce qu’il est surtout intéressant de noter autour de ces différentes pratiques culturelles reste l’opposition qu’elle a toujours générée chez le gouvernement ou le pouvoir en place, que ce soit pour les contes qu’ils ont tenté de saisir par la retranscription écrite, la littérature de colportage et le patois qui ont été censurés ou enfin les sorcières, qui ont été chassées. De tous temps, sous toutes ses formes, le folklore s’oppose au rationnel et possède une indéniable influence sur les personnes qu’il touche, les soustrayant à l’autorité du gouvernement ou de l’Eglise. Par ses actions, il s’agit pour le pouvoir en place d’identifier ces formes de culture, de s’approprier les sources d’influence du peuple pour mieux influencer ce dernier et l’opinion publique. Maîtriser ce folklore, c’est aussi neutraliser les différentes identités communautaires individuelles qui morcèlent la France, au profit d’une homogénéisation de la culture, d’une identité nationale. Enfin, c’est supprimer l’irrationnel au profit du rationnel, du contrôlable, à l’image des sorcières, guérisseuses au support de transmission oral, qui rentrent en opposition avec l’institutionnalisation de la médecine et des sciences, qui se fait par l’écrit et les textes scientifiques. On observe ici les prémices de ce qui se passera au 19ème siècle avec l’anthropologie et la colonisation : ici la culture populaire est fantasmée, et donc refusée par le pouvoir en place, qui rejette son influence sur son peuple. Elle est circonscrite par le geste scientifique : connaître pour mieux réprimer.
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