Penuries Ressources
Dissertations Gratuits : Penuries Ressources. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar macaille30 • 29 Octobre 2014 • 1 909 Mots (8 Pages) • 779 Vues
Nos arrière-grands-parents utilisaient à peine une dizaine de métaux différents. Aujourd'hui, les objets de notre vie quotidienne comprennent plus d'une centaine d'éléments chimiques : pratiquement la totalité du tableau de Mendeleïev.
Les matières premières minérales sont indispensables au fonctionnement d'une économie moderne, et en particulier au déploiement des nouvelles technologies. Les cours de certains métaux ont connu des flambées ces dernières années, et la compétition est vive pour l'accès aux ressources. Mais, au fait, que sait-on précisément de ces ressources ?
ENTRETIEN avec Patrice Christmann, Directeur adjoint, direction de la stratégie, responsable de la stratégie Ressources minérales, BRGM
A-t-on, en 2013, une idée précise du potentiel minéral de la planète ?
Non, étrangement. L’investissement de la puissance publique dans l’exploration minière est faible par rapport à ce qu’il représente pour, par exemple, la recherche spatiale. Ajoutez les budgets de l’Agence spatiale européenne, celui du CNES et celui de la DLR, l’agence spatiale allemande, cela fait au moins cinq milliards d’euros par an. En comparaison, la somme des budgets alloués aux services géologiques européens, dont d’ailleurs seule une portion bien modeste va à l’acquisition de données nouvelles sur le sous-sol, représentait en 2010 quelque 760 millions d’euros. On connaît mieux le cosmos que la terre sous nos pieds. Même dans la riche Europe, on a très peu investi dans la connaissance du sous-sol. Au cours des vingt dernières années, la question des matières premières n’intéressait pas les responsables politiques.
Il est fréquemment fait allusion au risque de pénurie pour certaines matières premières minérales. Ces inquiétudes sont-elles justifiées ?
Nos arrière-grands-parents, au début du XXe siècle, consommaient à peine une petite dizaine de métaux différents. Ils étaient entourés de fer, de cuivre, de zinc, de plomb. L’aluminium en était encore à ses balbutiements. Cent ans plus tard, nous utilisons, au quotidien, pratiquement la totalité du tableau de Mendeleïev. Aujourd’hui, le moindre téléphone portable renferme environ quarante substances minérales, en allant du calcaire broyé en charge de plastique, aux métaux les plus rares. La nouvelle donne énergétique anti énergies fossiles est également très consommatrice de matières minérales. En cent ans, la diversification de la gamme de matières premières indispensables au fonctionnement d’une économie moderne est extraordinaire, de même que l’intensification massive de l‘utilisation de ressources minérales per capita. Entre 1919 et 2012, la population du monde a été multipliée par 4,5 alors que le tonnage de matières premières (en tout cas un échantillon des 14 plus courantes) utilisées est 20 fois plus important. L’intensité per capita a été multipliée par cinq. La consommation de cuivre augmente de 3 % par an. Pour des terres rares comme le dysprosium et le néodyme, la hausse atteint 10 % par an. C’est une course en avant.
Pour ne tomber ni dans la négligence ni dans la paranoïa, comment mesure-t-on le risque de pénurie, ou tout au moins de tensions, et comment faire la différence entre matières premières stratégiques et matières premières critiques ?
Tout d’abord il convient de bien distinguer les coûts, qui relèvent de problématiques industrielles (extraction, transport), et les prix, qui reflètent la situation sur les marchés. Des prix élevés peuvent impliquer un décalage entre l’offre et la demande, sans pour autant que les coûts aient augmenté. Ils peuvent aussi traduire une pénurie relative ou temporaire sur certaines matières, ce qui peut poser des problèmes à ceux – firmes, filières industrielles, et même pays – qui les utilisent. Cela nous amène à la distinction que vous évoquez.
Un État, qui doit veiller à l’intérêt général, et une entreprise, concernée avant tout par son propre cycle de production, peuvent avoir des visions très différentes de ce qui est « critique ». C’est toute la différence, subtile, entre ressource « critique » et ressource « stratégique ». Du point de vue d’un constructeur automobile ou aéronautique, une matière première est stratégique si sa disponibilité peut affecter la rentabilité de ses activités, voire tout simplement leur poursuite. Même une matière première dont la valeur contenue dans un objet est faible par rapport au prix de vente peut malgré tout, si elle vient à manquer, rendre impossible la production de cet objet. Ainsi la valeur du néodyme, une terre rare contenue dans l’aimant permanent du microphone, du haut parleur et du vibreur de tout téléphone portable, représente moins de un dollar. Mais sans le néodyme indispensable à la production d’aimants miniaturisés de haute performance, pas de téléphone portable. Même problème pour le tantale des condensateurs.
La matière première est dite critique quand elle est affectée d’un grand nombre de facteurs de risque qu’il faut bien cerner. Une matière première est critique lorsqu’elle présente, d’une part, des risques d’approvisionnement élevés (et/ou une forte volatilité de ses cours) et que, d’autre part, la matérialisation de ces risques aurait des conséquences importantes. Les études de criticité se sont multipliées ces dernières années. L’Union européenne en a publié une très complète en 2010 concernant les 14 substances pour lesquelles l’UE est la plus vulnérable. Les États-Unis avaient établi leur liste en 2007. Il faut suivre attentivement les stocks de ressources critiques. Le professeur Thomas Graedel, de l’université de Yale (Etats-Unis), dirige l’équipe de recherche la plus importante au monde dans le domaine de l’analyse des facteurs de criticité. Il a considérablement raffiné la définition de la criticité et c’est de cette notion que dépend notre sécurité.
Une matière première peut donc être critique sans être stratégique ?
Bien sûr. Le cuivre est critique car concerné par des facteurs de criticité tels que la baisse de la teneur des gisements ou les risques de sous-production qui pourraient apparaître à partir de 2020, mais il n’est pas stratégique pour une entreprise si elle peut le remplacer, avec des adaptations mineures de sa technologie, par de l’aluminium. Beaucoup d’entreprises ne savent d’ailleurs pas exactement si, pour elles, telle ou telle matière est critique
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